Un énième coffret d’illusions d’optique

Critique de Superliminal (Pillow Castle, 2019)

Capture d’écran de « Our House » de GameGrumps (https://www.youtube.com/watch?v=k55FYtqtXXU)

À force de jouer à des jeux qui se ressemblent tous, mes critiques vont elles aussi finir par se ressembler. Jadis, j’ai dit sévèrement de RiME (Tequila Works, 2017) qu’il ressemblait trop aux classiques l’ayant précédé. Aujourd’hui, je me retrouve à penser la même chose de Superliminal, qui malgré l’effort indéniable qu’il a fallu y consacrer pour que le moteur ne se casse pas la figure, m’évoque un quasi-plagiat de jeux qui se plagient déjà eux-mêmes, à savoir : presque tous les jeux de puzzle à la 1ᵉre personne depuis 2007 et la sortie de Portal. La narratrice sarcastique, la décoration corporate des Trente glorieuses, les transgressions non-euclidiennes, la musique de salle d’attente, la philosophie de comptoir, les graffitis menaçants, le tissu de l’espace-temps qui se dérègle au fur et à mesure, jusqu’au savant fou qui perd le contrôle de sa création (dans laquelle vous êtes piégé !) tout en faisant de l’humour pince-sans-rire avec un accent britannique : tout le monde puise là-dedans sans vergogne depuis douze ans. À sa décharge, Superliminal a mis cinq ans à être créé, mais le cycle de la mode a cela de pernicieux qu’il se nourrit lui-même. Faire un énième coffret d’illusions d’optique, c’est s’assurer de piquer la curiosité (et les sous) des fans d’illusions d’optique ; pourquoi finiraient-ils par s’en lasser, et pourquoi les développeurs se retiendraient de les flatter ? La même année que Superliminal est sorti A Fisherman's Tale (InnerspaceVR), qui lui emprunte quelques-unes de ses trouvailles visuelles ; et pas plus tard que le mois dernier sortait Maquette (Graceful Decay) qui ressemble à une version non-RV de A Fisherman's Tale. Joue-t-on à ces jeux pour se retourner le cerveau, ou pour se rappeler de ceux qui nous ont réellement retourné le cerveau ?

L’accusation est d’autant plus infamante pour Superliminal qui fait tout bien comme il faut, c’est-à-dire pas mieux que ses inspirateurs. Les trois ou quatre mécaniques à maîtriser pour résoudre les énigmes, bien que pourtant surprenantes au premier contact, sont pusillanimement réparties tout le long du jeu, maintenant sa difficulté au ras des pâquerettes, et l’empêchant de se hisser au-dessus de ses clichés. Dans ses dernières minutes (il y en a pour 2 heures à tout casser), Superliminal s’emballe enfin et se rapproche de l’idéal bizarroïde que nous promettait son concept, mais trop peu et trop tard, avant de se conclure sur un discours pontifiant du savant fou britannique qui veut nous faire croire que le jeu entier est une sorte de métaphore sur le bien-être. En soi, rien de tout cela n’est désagréable au point de devoir bouder notre plaisir ; mais il y a quelque chose d’agaçant à voir ces jeux de perception, censés nous désorienter, systématiquement cantonnés à un format convenu pour nous rassurer. Les indés ne peuvent-ils se permettre un peu plus d’audace ?