Un gamin à un repas de famille qui fait des blagues réellement drôles

Critique du mode solo de Pikuniku (Sectordub, 2019)

Sepp Blatter qui se prend une pluie de faux billets de banque

Pikuniku est un jeu pour enfants qui ressemble à un jeu pour enfants. Ses personnages sans bras font penser aux Monsieur Madame (bien qu’eux ont des bras), son esthétique flat design emprunte à LocoRoco (SCE Japan Studio, 2006) et aux graphismes lo-fi d’une ribambelle de jeux indés mignons, et sa musique a été qualifiée de « proprement irritante » par au moins un critique. Quand on y a joué, d’ailleurs, ce qui prend environ trois heures du début à la fin, Pikuniku s’avère être bel et bien un jeu pour enfants : à part deux-trois pics de difficulté mal calibrés (une énigme tordue, un objet introuvable ou un passage de plateforme tatillon), il n’oppose aucune résistance à qui sait un minimum jouer aux jeux d’action. Les dialogues sont concis, sans mots compliqués ; les récompenses des quêtes sont essentiellement cosmétiques ; les seules actions possibles sont parler, sauter et donner des coups de pied. Les prémisses de l’histoire font penser au Schtroumpf financier, sauf que contrairement au Schtroumpf financier (qui est très loin d’être une simple BD pour enfants), le capitaliste n’est qu’un méchant venu de l’extérieur et il suffit de le battre comme n’importe quel boss de fin pour qu’on en parle plus. Le jeu a toutefois de la cohérence : le seul objet à acheter obligatoirement pour avancer coûte 1 seule pièce – et il n’y a que 3 objets en vente en tout.

Du coup, quel plaisir a-t-on à y jouer quand on n’est pas un enfant ? La question qu’il faudrait poser serait plutôt : ne sommes-nous pas encore des enfants, surtout quand il s'agit de jeu vidéo ? Tout riquiqui qu’il soit, Pikuniku tient ses qualités des meilleurs jeux pour enfants, ceux que Nintendo faisait prospérer sur Super Nintendo et ses portables, que ce soit dans ses couleurs vives, ses personnages loufoques, la façon de se déplacer du protagoniste, et surtout sa musique, un hommage virtuose aux bandes-son de Jun Ishikawa, Kazumi Totaka, Hip Tanaka et autres spécialistes de la poésie Nintendo-esque. Certes, la brève intrigue gentiment subversive (qui doit beaucoup à l’humour absurde de Rémi “sandwich puissant” Forcadell, et voir des blagues réellement drôles dans un jeu pour enfants est suffisamment rare pour être souligné) ne va pas faire voter tout le monde à gauche, mais elle est la cerise sur un gâteau suffisamment sucré pour laisser un vrai bon souvenir, ou à défaut, nous rappeler ceux des jeux préférés de notre enfance, pour qui a grandi entre les RPG Mario et les jeux Kirby.