histoires de gauchisse

salu c'est l'équivalent écrit du baguettetube francophone.

On peut vouloir penser qu'une seule révolution s'impose : la révolution socialiste. Ce ne serait pas faux. Mais le socialisme, y compris anarchiste, ne règle pas à lui tout seul le problème de la surabondance et ne permet pas à lui tout seul un nouveau modèle de développement.

Au-delà de la question de la propriété des moyens de production et de l'abolition du travail salarié, le socialisme se doit d'interroger notre impact écologique. L'article présenté ici se penche sur cette question : quelles sont les révolutions qui s'imposent pour la planète en termes de production, d'échanges et de consommation ?

La révolution de la consommation nous tourne vers la décroissance. La décroissance, souvent présentée comme une solution à tous nos problèmes, n'est cependant qu'une facette de comment nous pouvons atténuer le dérèglement climatique. Elle est nécessaire mais ne suffit pas : il faut l'associer à une révolution des rapports d'échange et de la production. La révolution des échanges implique la fin de la mondialisation. La révolution de la production se concentrera sur l’économie d’énergie. Vous pouvez en lire plus sur ces deux révolutions dans l’article original, en anglais.

Il est évident que le capitalisme n’a pas de solution. Nous ne pouvons pas affirmer qu’à l’opposé, le socialisme a réponse a tout. Mais nous pouvons savoir que la révolution socialiste sera un préalable à toute sauvegarde de la planète.

Cet article est un aperçu abrégé de la vidéo en Anglais Women of the Alt-Right de Mad Blender, que vous pouvez regarder sur Youtube.

Les femmes sont de plus en plus nombreuses dans l’alt-right. Pourquoi veulent-elles rejoindre un mouvement qui va clairement contre leurs intérêts ? Ce n’est pas une nouveauté : les femmes étaient la branche la plus influente du KKK dans les années 1920, elles sont responsables de l’érection de la plupart des statues confédérées, plus de la moitié des femmes blanches a voté pour Trump en 2016.

Le fantasme alt-right de la Femme

La théorie de l’alt-right est que les hommes et les femmes sont strictement complémentaires : les hommes doivent chasser et être virils, les femmes sont douces, empathiques et douées pour le travail familial. Les femmes doivent donc rester à la maison pour élever les enfants pendant que les hommes travaillent et ramènent de l’argent.

Et les femmes de l’alt-right incarnent ce fantasme : elles sont belles, et elles critiquent ouvertement le féminisme, affirmant vouloir revenir aux rôles de genre traditionnels.

Un mouvement en particulier est celui des trad wives, les femmes traditionnelles, qui vivent une image glorifiée des années 1950. Elles servent leur mari et passent l’aspirateur en talons hauts, sont très féminines, élèvent leurs enfants à domicile, etc. Les trad wives ne sont pas forcément racistes, elles aiment juste des rôles de genre très clairs (et qu’elles estiment ne plus pouvoir faire sans effort aujourd’hui, ce qui est vrai). Mais elles sont un terrain de recrutement très facile pour l’alt-right, puisque c’est un milieu sexiste et avec très peu de femmes racisées.

Les contradictions : shield maidens

Et pourtant, il y a une grosse contradiction entre la théorie et les vraies femmes de l’alt-right : blogueuses, stylistes (Wife with a purpose), adultères, sans enfants... Il y a aussi celles qui, comme Lauren Southern, sont en fait complètement féministes, mais trop racistes pour s’en rendre compte.

Pour justifier cette contradiction, l’alt-right va puiser chez les Vikings. Ils estiment que chez les Vikings, quand le peuple était attaqué, les femmes devaient endosser des rôles masculins dans la guerre : les femmes étaient faites pour nourrir et aimer, mais parce que leur civilisation était en danger et attaquée, elles se battaient. (C’est évidemment complètement faux.)

Ceci est une version très abrégée, et traduite, de la vidéo de Luna Oi Is Vietnam Socialist?.

Contexte historique

Quand les États-Unis ont perdu la guerre du Vietnam, ils ont lancé un embargo contre le pays. Cela a renforcé le lien du pays avec l'URSS, le bloc soviétique étant le seul à défier l'embargo américain : de nombreux politiques sont donc formés en URSS.

Dans les années 1970 et 1980, le Vietnam vit des heures sombres. L'embargo empêche le commerce international, mais le pays a peu de ressources naturelles. En plus de ça, le pays a été bombardé au Nord et aspergé d'Agent Orange au Sud : tout est à reconstruire.

Au Cambodge, les Khmer rouges prennent le pouvoir avec l'aide des États-Unis, de la France et d'autres pays du bloc de l'Ouest. Le Vietnam aide le Cambodge à combattre les Khmer rouges, et subit encore plus de sanctions pour “ingérence”.

Dans les années 1990, avec la chute de l'URSS, le Vietnam ne reçoit plus de soutien. Le pays est donc obligé de mettre en place les réformes Doi Moi pour se plier à l'idéologie dominante et pouvoir à nouveau commercer. Ces réformes impliquent une transition d'une économie centralisée et planifiée à une économie cadrée par le gouvernement, mais suivant les mécanismes du marché.

Or, même après les réformes, le Vietnam continue à être victime de sanctions. Pour recevoir de l'aide internationale, il faut se plier aux volontés des grandes ONG (OMC, Banque mondiale, Fonds monétaire international, etc.). Le FMI demande au Vietnam de limiter les dépenses publiques s'il veut recevoir des fonds dont il a besoin pour survivre (en raison des embargos). Il exige aussi d'ouvrir les importations pour de nombreux biens : par exemple, les Vietnamiens achètent des voitures bon marché importées, mais les infrastructures publiques ne sont pas prévues pour les accueillir. Le service public (en particulier les transports en commun) et le confort de vie en pâtissent. En plus de ça, les biens produits à l'étranger et importés sont souvent moins chers que ceux produits localement, en particulier parce que le FMI exige la suppression des taxes d'importation, ce qui blesse l'économie domestique.

Le socialisme vietnamien

Les réformes Doi Moi ont marqué la fin du communisme. Le Vietnam est entré dans une ère qui se dit socialiste, mais où pour survivre, il faut suivre les règles imposées par le capitalisme. Le Vietnam se dit donc “socialiste” en attendant un jour où on espère qu'il pourra retrouver ses valeurs communistes sans sanction.

Le gouvernement encourage beaucoup la création et l'implication dans des coopératives. Ces dernières mettent des ressources en commun, par exemple de l'engrais, mais leurs ventes se déroulent en fonction des lois du marché. Tous les espaces vides au Vietnam deviennent des jardins communautaires : la plupart des ronds-points sont transformés en potagers dont on peut s'occuper et où tout le monde peut se servir.

Certains membres du gouvernement sont des capitalistes modérés (l'équivalent des socialistes français), mais l’essentiel du gouvernement se réclame du marxisme-léninisme. Globalement, oui, le Vietnam a des problèmes et n'est pas vraiment communiste ; mais c'est surtout à cause du capitalisme qu'on lui a imposé.

Cet article est un résumé de celui de Kevin Carson, Free Culture Benefits Everyone but the Middleman, accessible en anglais sur la librairie anarchiste.

Dans cet article, Kevin Carson prend l'exemple d'un de ses amis photographes. Au lieu de faire payer ses photos et de les mettre sous droits d'auteur, le photographe a mis son travail entier dans le domaine public (CC-0) et tout publié sur l'agrégateur de photos libres de droit Unsplash. Il a reçu 63 millions de vues et 613 000 téléchargements. Si aucune vue, aucun téléchargement n'étaient rémunérés, le traffic énorme reçu vers son portfolio en ligne lui a assuré de nombreuses opportunités en personnes et commissions de photos, remplissant son emploi du temps et son compte bancaire.

À partir de cet exemple, Carson résume : « Essayer de gagner de l'argent en rendant l'accès à votre contenu payant et en punissant les personnes qui le partagent gratuitement est une stratégie garantie pour faire moins de ventes. »

Il prend ensuite l'exemple des livres, affirmant que personne ne paierait pour du papier sans savoir de quoi il parle. Lui-même rend le format PDF de tous ses livres accessibles gratuitement sur Internet et affirme que cette méthode lui apporte plus de ventes de livres au format papier. En effet, les lecteur·trices découvrent son contenu, confirment qu'il leur plaît, puis achètent une jolie version du livre sur laquelle Kevin Carson peut gagner de l'argent.

L'idée est donc que « rendre l'accès au contenu payant, c'est criminaliser les personnes qui disent à d'autres où est votre magasin ».

Le dernier exemple de Carson est celui de l'industrie musicale. Il affirme que le partage de fichiers piratés a détruit une énorme part du chiffre d'affaires du secteur. Mais ces pertes ont touché les profits des maisons de disques : les artistes eux-mêmes n'ont pas vu de baisse drastique de leurs revenus, et ont même sûrement augmenté leurs ventes de places de concert et de produits dérivés grâce aux personnes qui découvraient gratuitement leurs albums.

Ceci est une traduction partielle, avec parti pris, du texte Eight Hours too many disponible en anglais sur la librairie anarchiste.

Huit heures de travail obligatoire, c'est assez pour priver une personne de toute son énergie. Même si le travail n'est pas dégradant, même s'il n'est pas désagréable, on finit la journée de travail sans assez d'énergie ou d'imagination pour faire autre chose de la journée.

C'est pour ça que la réduction des heures de travail a toujours été une priorité pour les travailleurs et travailleuses.

Passer moins de temps au travail, c'est pouvoir dédier plus de temps à soi-même. Chaque minute, chaque heure qu'on arrache au travail est un pas vers une meilleure qualité de vie. Le travail nous fait utiliser nos forces vitales pour quelqu'un d'autre plutôt que pour nous-mêmes ; nous le faisons parce que nous avons peur de la pauvreté. C'est de l'extorsion.

Alors on peut décider de travailler à temps partiel ; mais en travaillant moins, on a moins d'argent. Si on veut conserver notre confort de vie, on n'a pas le choix : il faut travailler plus. Peut-être qu'on pourrait travailler moins tout en gardant les mêmes salaires, si nos patron·nes nous l'accordent. Mais dans un monde où tout est régi par la consommation, personne n'aura envie de quelques heures de temps libre en plus et beaucoup choisiront d'enchaîner les heures de travail.

Tout notre temps est dédié au travail : * Le temps passé à travailler * Le temps passé dans les transports * Le temps passé à se préparer pour être présentable au travail * Le temps passé à se préparer à des promotions * Le temps passé à guérir de maladies causées par le stress et le travail * Le temps passé à restaurer son énergie après s'être épuisé·e au travail

Le travail nous tient occupé·es. Il nous contrôle et nous affaiblit, et c'est pour ça que le chômage est vu comme si dangereux.

Au début du siècle dernier, des anarchistes ont voulu proposer la journée de huit heures. Un vieil anarchiste avait répondu, indigné : “Huit heures par jour ? Mais c'est huit heures de trop !”

C'est la nature même du travail qui est inacceptable, pas le temps qu'on y passe. N'échangeons plus nos aspirations contre des moyens de survie.

Cet article est un résumé avec parti pris de l'article de Teen Vogue Non-Black People Need to Speak Up for Black Lives.

Exprime-toi jusqu’à l’épuisement

Si tu ne dis rien à tes proches racistes quand ils font des blagues, tu es complice de leur haine et de la propagande suprémaciste. Être ignorant des enjeux racistes en 2020, c’est un choix : ce n’est pas un défaut pardonnable.

Amplifie les bonnes personnes et écoute des gens qui ne te mettent pas forcément à l’aise, mais dont le point de vue est intéressant.

Fais ton propre travail

Tes amis noirs n’ont pas envie de te raconter leurs traumatismes. Contacte-les et demande-leur s’ils sont prêts à avoir cette conversation, plutôt que de prendre ça pour acquis.

Lers personnes racisées n’ont pas le devoir de t’éduquer au sujet de ce qu’elles subissent. Il y a beaucoup de ressources disponibles, de chercheurs noirs ; il y a des musées, des bibliothèques qui ont des ressources spécifiques à certaines ethnicités. Les institutions sont là pour nous éduquer et ce n’est pas aux personnes noires de le faire une par une. Si quelqu’un décide de le faire, tant mieux, c’est très gentil de sa part, mais ne prends pas ça pour acquis pour la suite.

Ne mets pas de personnes noires en danger

On a vu des gens noirs mourir. On a peur et on a mal. Arrête de poster ça partout.

N’appelle évidemment par la police. Ne partage pas de photos de manifestant·es racisé·es sans leur permission ; floute ou cache tous les visages.

Pas de militantisme de performance

Arrête les stories Instagram (enfin, n’arrête pas, mais ne fais pas que ça). Qu’est-ce que je fais, concrètement, pour les communautés touchées ?

Fais preuve d’empathie. Quels sont tes angles morts ? Il y a des gens qui meurent et qui n’ont pas droit à la justice. Ne donne pas ton avis tant que tu ne comprends pas les expériences, arrête de critiquer leur façon de vivre les choses.

Note personnelle : tu devrais aussi faire un audit de tes followings sur les réseaux sociaux.

Cet article est un court résumé, avec parti pris, du livre La dynamique de la révolte publié par Éric Hazan aux éditions La Fabrique. Vous pouvez l'acheter ici pour 5€ en epub ou 10€ en version papier, je vous le recommande.

Ce livre étudie la dynamique de la révolte, c’est-à-dire ce qui la cause et comment elle se construit ; il ne se penche pas sur ce qui la fait échouer ou réussir.

L’insurrection vient avant l’éducation politique

On dénonce souvent la dépolitisation de la jeunesse, en la traitant de matérialiste et en lui reprochant son peu d’intérêt pour les événements politiques autour du monde. Pourtant, dès qu’elle décide d’agir, en brûlant des voitures ou en défonçant des vitrines de banques, la jeunesse est qualifiée de casseurs, on nie ses revendications politiques.

En France, on suppose que l’insurrection prendra une forme non centralisée (très proche de celle des gilets jaunes, qui a éclaté après la publication du livre !). Elle partira d’un mouvement autour d’une centrale, d’une université, d’une usine, d’une banlieue... Elle partira d’un coup, sans forcément avoir un objectif politique dans un premier temps. La conscience politique se forme au cours de l’insurrection, pas avant elle. L’insurrection n’est pas causée par l’éducation politique, mais par la colère, la peur et la faim ; ce sont elles qui ont mené les paysans à se révolter à l’été 1789, pas les philosophes de leur époque. L’éducation politique vient ensuite, pendant la Révolution française.

Il y a quand même des exceptions, des révolutions qui ont commencé dans une atmosphère politiquement agitée. C’est le cas en particulier de la Commune de Paris et de la révolution espagnole de 1936. Mais il y a aussi des moments très politiques, perçus comme prêts pour la révolution, qui ont lamentablement échoué à se transformer en insurrection : par exemple, le mouvement de l’Autonomie italienne des années 1970.

Ce n’est donc pas la politique qui crée l’insurrection, mais la montée d’une colère qui déborde soudain les élections et catastrophes journalistiques habituelles.

Sur les “ennemis” de la révolution

Les prolétaires qui votent à l’extrême-droite le font par haine d’un système qui les ignore : il serait naïf de croire que si le système doit être détruit, ils ne rejoindront pas les mouvements insurrectionnels.

Les réseaux sociaux sont souvent critiqués pour la tendance au slacktivism, c’est-à-dire la tendance à poster sans aller changer le monde réel. Internet n’est pas un moteur de l’insurrection, mais il est bien un outil, utile avec ça : par exemple, Facebook et Twitter ont beaucoup aidé le Printemps Arabe à s’organiser et à coordonner les mouvements tactiques.

La police et l’armée sont aussi vus comme des ennemis de l’insurrection : on dit souvent « l’insurrection est impossible et c’est tant mieux car si elle éclatait, son écrasement serait inéluctable, vu le rapport de force ». Mais les soldats et les policiers se retournent souvent eux aussi contre le gouvernement, dégoûtés de devoir blesser ou effrayés par les représailles du peuple.

C’est vrai que ce n’est pas systématique : les forces armées obéissent parfois sans état d’âme, voire avec enthousiasme. Dans ce cas, oui, l’insurrection est presque toujours écrasée et il y a un massacre.

Le soutien des forces de l’ordre devient donc la condition du succès de toute insurrection. Il faut donc montrer aux policiers, aux militaires, qu’on sait qu’ils font partie du peuple, qu'on ne veut pas qu'ils soient nos ennemis. ll faut leur dire, surtout aux policiers femmes, racisés, qui savent que le régime les méprise, que la police est avec nous, pas que tout le monde déteste la police. Il faut que le corps policier ne supporte plus la haine qu'on lui porte, mais qu'il sache surtout qu'il sera le bienvenu chez les insurrectionnistes.

Éviter le débat d'idées

 Une insurrection victorieuse qui ne parvient pas à sortir de l’isolement est perdue.

La Commune de Paris a échoué parce que pendant que Versailles assiégeait Paris, l'Hôtel de Ville débattait des grandes idées philosophiques, avec de nombreuses querelles intestines sur des points secondaires.

La fondation d'un nouveau cadre de pensée est effrayante : il faut que les révolutionnaires s'y préparent pour ne pas paniquer le moment venu, sinon, on aura un souci de se racheter d'avoir transgressé l'ordre établi en créant vite un nouvel ordre comme celui d'avant.

Le mouvement insurrectionnel n'est jamais majoritaire et ne peut pas gagner dans les urnes. Le suffrage universel permet à la masse de se faire entendre, mais la masse a peur de l'inconnu et du chaos, donc elle se rassure en votant immédiatement pour des personnalités du système qu'on vient d'abattre, parce qu'elle les connaît. Rosa Luxembourg reprochait d'ailleurs la dissolution de l'Assemblée constituante, élue au suffrage universel, par Lénine et Léon Trotski : mais c'est comme ça que l'URSS a pu naître, sinon, l'assemblée aurait reconstruit l'ancien système.

Si on réunit des assemblées, qu'on discute d'une Constitution, qu'on encourage le débat d'idées, on se retrouve trois ans plus tard avec l'ennui et la fatigue, et le succès électoral de formations “radicales” dans des élections tout à fait normales. L'ennui est parfois plus dangereux que la répression.

Il faut y croire

Les puissants nous traitent comme des enfants naïfs en nous disant qu'on n'est qu'une pognée, que “les gens” ne seront jamais de notre côté, que si on bouge, on sera réprimé·es immédiatement. Ils utilisent l'histoire : si on fait une révolution, ce sera la Terreur, ou ce sera l'URSS et le stalinisme. Mais si l'histoire est écrite du point de vue des vainqueurs, il nous revient de ne pas la lire avec les yeux des vaincus.

Cet article est un résumé avec parti pris du texte Activist scenes are no safe space for women de Tamara K. Nopper, disponible en anglais sur Libcom.

Les cercles militants ont des problèmes profonds de sexisme, de misogynie et d'homophobie. Les hommes militants imposent donc naturellement ces traits aux femmes des cercles, abusant d'elles psychologiquement et physiquement. Évidemment, ça ne s'arrête pas aux cercles politiques : les femmes sont victimes de violences partout, quelles que soient les convictions des personnes concernées. Mais dans des cercles militants, nous voulons nous convaincre que les hommes militants sont différents des hommes que nous croisons au quotidien – nos pères, nos frères, nos ex et les hommes inconnus. Pour éviter qu'on se méfie, certains hommes militants abusifs poussent le vice jusqu'à aller de ville en ville pour recommencer dans des groupes qui ne connaissent pas leurs actions passées.

Les abus tendent à faire ressortir le pire chez les victimes. Des femmes interagissent avec les autres militant·es, surtout femmes, d'une façon qu'elles éviteraient si elles n'étaient pas victimes d'une manipulation politique et émotionnelle de la part de ces hommes. Il y a des hommes qui manipulent des militantes tout en écrivant sur le sexisme et sur le fait que les femmes se descendent entre elles. Parfois, l'homme indiquera même que sa petite amie – sa victime – a co-écrit l'article avec lui, ce qui lui offre encore plus de légitimité. Le militant expliquera aux femmes de son cercle qu'il faut qu'elle se mette moins en compétition avec les autres femmes ; de cette façon, il s'assure que c'est elle qui se voit en tort, et ça cache d'autant plus son comportement abusif et manipulateur.

Il reste aux femmes très peu d'espaces où elles ne risquent pas d'être maltraitées par des militant·es ou de voir que leur abus est passé sous silence ; souvent, elles vont quitter le groupe. Ces femmes sont l'objet d'un traitement glacial et la cible de rumeurs : elles sont vues comme faibles ou égoïstes, ayant laissé leur vie privée faire obstacle au grand objectif de l'organisation. Si elles sont soutenues, c'est parce que leur travail est apprécié ou parce que passer le mal sous silence ferait du mal à la Cause. Leur santé physique, émotionnelle, spirituelle ne rentre pas en compte : c'est seulement la productivité du groupe qui est prise en compte et le soutien ne sert qu'à garantir que tout le monde continuera à travailler.

Re-Education nous propose de répondre à cette question en observant les trois crimes menant au plus d'arrestations aux États-Unis. Vous pouvez voir la vidéo entière, en anglais, sur Internet ; ceci en est un résumé avec parti pris.

Conduite en état d'ivresse

Le délit le plus commun aux États-Unis, c'est qu'on punit les gens qui conduisent sous l'emprise de l'alcool. Résultat : au lieu d'arrêter de boire avant de conduire, les gens font de leur mieux pour ne pas se faire choper. La peur de la punition est le moteur, au lieu d'être une volonté d'amélioration.

Cela affecte essentiellement les minorités, pas parce qu'elles boivent plus mais parce qu'elles sont plus souvent contrôlées. L'autre public le plus touché, ce sont les zones rurales, où il n'y a pas d'alternative (taxi, transports en commun).

Résultat : la loi punit les gens qui sont obligés de conduire, pas les gens qui boivent le plus.

On pourrait réduire largement les cas avec des bonnes infrastructures de transports en commun, mais l'argent sert à payer des policiers, des contrôles et des prisons au lieu d'apporter des alternatives viables.

Possession de drogue

Aux États-Unis, 68% des morts par overdose ont fait une overdose de médicaments sous prescription. Les médecins sont encouragés à vendre ces médicaments par des entreprises pharmaceutiques, qui ont bien plus intérêt à vendre des anti-douleurs, par exemple, qu'à dépenser dans des recherches au long cours pour régler le problème à sa racine.

Soigner coûte de l'argent ; vendre des médicaments en rapporte. Pourquoi une entreprise, visant à faire du profit, voudrait-elle faire de la recherche pour régler les problèmes plutot que de vendre des anti-douleurs ? La santé des gens se retrouve liée à leur compte bancaire... et on se retrouve avec la crise des opioïdes, de gens qui doivent couper la douleur parce qu'on ne les soignera pas correctement.

Les riches, quant à eux, sont bien soignés et n'ont pas autant besoin de cacher des symptômes (on peut mieux se permettre de souffrir quand on peut prendre des congés maladie, par exemple).

Encore une fois, la loi punit alors les minorités et les personnes précaires au lieu de limiter le problème lui-même : l'addiction à des médicaments et drogues pour régler des problèmes de santé que le service public ne soigne pas correctement.

Vol

Le cas le plus commun de vol est le vol de voiture. On en compte 5,2 millions de cas par an aux États-Unis : ce n'est pas pour s'amuser que les gens volent des voitures, c'est surtout par besoin.

Quand on manque d'argent, le vol est le moyen le plus rapide de gagner de quoi s'en sortir très rapidement. Quand on ne peut pas nourrir sa famille, évidemment qu'on va voler ! Le problème du vol serait réglé si on n'avait pas de pauvreté.

Alors, ne suffit-il pas de travailler plus dur ? Ben non : travailler plus, c'est ne pas avoir le temps de dormir, de manger, ça entraîne toute une nouvelle série de problèmes de santé et de vie en général. Donc non seulement on n'a pas besoin de main-d'oeuvre pour la population entière, mais en plus, on expose les personnes qui travaillent le plus dur à plus de problèmes qui nécessiteront plus d'argent... ne ralentissant pas du tout le besoin de voler.

La solution, c'est d'élever tout le monde, économiquement, vers une position où ils peuvent se permettre de vivre confortablement sans avoir à recourir au vol.

Les lois punissent toujours les plus pauvres et les plus précaires. Les crimes sont majoritairement créés par recherche du profit (dans le cas des drogues), par le manque d'accès aux communs (conduite en état d'ivresse) ou par besoin de survie (vol). Il est temps de s'attaquer à leur cause profonde !

Cet article est un résumé, avec parti pris, du texte An anarcha-feminists’ subjective perspective of anarcha-feminism de Sofia Hildsdotter, disponible en anglais sur l'Anarchist Library.

L'anarchisme combat toutes les formes de pouvoir et d'oppression, par définition : le terme d'anarcha-féminisme serait donc inutile, dans un monde idéal.

Le genre comme construction sociale

On compte deux types de féminismes : 1. le féminisme essentialiste : les différences entre les genres sont naturelles 2. le féminisme constructiviste : les différences entre les genres sont une construction sociale

Les anarcha-féministes sont constructivistes.

Lesbianisme “politique”

Le groupe féminin est socialisé dans un cadre hétérosexuel, et c'est un des aspects les plus complexes du féminisme. Le groupe social des femmes se retrouve donc à interagir avec le groupe social des hommes de façon complètement différente des autres groupes (par exemple, la classe populaire vs la classe bourgeoise). C'est parce que beaucoup de femmes ont des relations intimes avec des hommes.

La conclusion de beaucoup de féministes, c'est que les femmes devraient se tourner vers le lesbianisme politique pour se révolter contre le patriarcat. C'est une stratégie qui peut fonctionner ; le problème, c'est qu'elle voit les femmes comme des outils pour arriver à des objectifs, et qu'elle ne prend pas en compte les émotions et situations individuelles.

Des féministes radicales qui soutiennent le lesbianisme politique tendent à utiliser des arguments d'autorité. Plus important : elles s'arrogent le droit de dire à d'autres femmes comment ces dernières doivent concevoir les relations hétérosexuelles et comment elles doivent organiser leur vie. Plus important encore : c'est profondément individuel.

S'émanciper en tant que groupe social

Nous discutons dans des groupes d'affinités, nous suivons des cours d'auto-défense, nous nous retrouvons pour des événements et des conférences. Nous parlons aussi de notre poids, dans un monde où il est plus normal de faire des régimes et d'avoir des désordres alimentaires que de manger la même chose tout l'année en y prenant du plaisir.

Mais là où il faut qu'on se bouge, c'est qu'il faut qu'on fasse tout ça de façon collective : que le but cesse d'être notre émancipation et devienne celle de toutes les femmes.

Intersectionnalité

L'intersectionnalité est un concept récent, mais en fait, beaucoup de féministes radicales des années 1960-1970 en appliquaient les principes sans le savoir. À une conférence du New American Movement en 1975, une personne disait :

Nous nous unissons dans la compréhension que toute oppression, qu'elle soit de classe, de sexe ou de préférence sexuelle, interagit avec les autres et que de même, tout combat pour se libérer de l'oppression doit se faire en unisson et avec coopération.

Les militantes allemandes ont inventé le concept de “triple oppression”, c'est-à-dire une analyse de comment le racisme, le sexisme et l'oppression de classe travaillent main dans la main. Les anarchistes suédoises ont développé ces idées au point dinventer un mot dédié : förtryckssamverkan, la coopération des oppressions.

Il y a des problématiques pour lesquelles nous pouvons décider de coopérer avec d'autres groupes. Pour d'autres sujets, on peut vouloir travailler de notre côté. Beaucoup d'entre nous font partie de plusieurs groupes opprimés, donc on peut travailler pour plusieurs groupes militants à la fois en parallèle.

Beaucoup de militantes politiques sont jeunes, beaucoup sont au chômage. Il est difficile de trouver un espace où on peut militer en touchant des allocations ou en étudiant, encore plus difficile de trouver un emploi qui ne va pas à contre-courant de nos convictions. En attendant, on fait des groupes d'affinités, des lectures publiques, des cours d'auto-défense, des manifestations et de l'action directe ; mais notre militantisme et notre libération dépendent eux aussi d'une restructuration durable de la société.