Un Breath of the Wild en miniature

Critique de A Short Hike (adamgryu, 2019)

Yoshi grimpe les montagnes après avoir complété le monde 5 de Yoshi's Island (Nintendo EAD, 1995)

Breath of the Wild est un très grand jeu, au sens figuré comme au sens propre : son concept majeur consiste à se perdre dans un gigantesque terrain, globalement désert, où chaque trouvaille a d'autant plus d'importance qu'elle est isolée. Le plaisir de débouler dans un village, de changer de biome, de gravir une colline, découle beaucoup du temps passé sur le chemin de ces découvertes, à s'égarer dans l'immensité. Sans ces expéditions lointaines, sans ce sentiment de partir en tour du monde, on a davantage l'impression de faire une simple petite randonnée. Et c'est exactement ce que signifie A Short Hike, au sens propre (“une courte randonnée” en anglais) comme au figuré : c'est un Breath of the Wild en miniature.

Évidemment, qui dit miniaturisation dit soustraction. À l'inverse de Minit (JW, Kitty, Jukio & Dom, 2018), qui était une autre sorte de micro-Zelda, il n'y a pas de combats ou d'énigmes dans A Short Hike, qui se passe sur une petite île montagneuse dont les plages et les chemins sont blindés de touristes. L'activité principale consiste à chercher de l'endurance pour pouvoir grimper plus haut, comme dans le Zelda. L'endurance s'obtient en aidant les passants, en fouillant des recoins de l'île, ou en l'achetant avec les pièces qui traînent un peu partout. Comme tout est petit et concentré dans A Short Hike, cela ne prendra que quelques minutes pour devenir très endurant, en tout cas suffisamment pour accomplir la quête principale du jeu, laquelle consiste bien évidemment à atteindre le sommet de la montagne. Là-haut, notre héroïne décroche le téléphone et échange quelques mots touchants. Le moment d'émotion est peut-être forcé, mais au moins il se résume à ça. Les jeux indés doivent être wholesome en ces temps troublés, car après tout, le monde a besoin de plus de gentillesse.

On peut ensuite redescendre en planant, comme dans le Zelda là aussi, et retourner se coucher pour voir le générique de fin, ou bien prolonger la petite balade. Il n'y a rien d'extraordinaire à faire dans A Short Hike, si ce n'est pêcher, jouer au beach-volley, faire la course, discuter avec les gentils passants, regarder le joli décor et écouter la belle musique, le tout sans grand obstacle, l'affaire d'un après-midi ou deux pour en faire le tour. Mais aussi, l'occasion de constater, si l'on en doutait encore, que le vocabulaire qui permet à Breath of the Wild de tenir cent ou deux cent heures fonctionne aussi bien à petite échelle, et qu'il n'est pas saugrenu de préférer, de temps en temps, aux périples chronophages une marche dans un jardin.