Issue #5 : L'homme est le plus étrange des animaux

[The Island of Dr. Moreau #1-2]

Que se passe t'il lorsque la science questionne le statut d'homme ? Qu'est-ce qui distingue l'être humain du reste du domaine animal ? Il y a là matière à faire un débat. Ce soir nous allons avoir la visite d'un invité diplomé d'un doctorat en biologie, chers lecteurs je vous demande d'applaudir bien fort le Dr. Moreau !

couverture

Scénario : Ted Adams / Gabriel Rodriguez Couleurs : Nelson Daniel Lettrage : Robbie Robbins Editeur : IDW Publishing

Note : Il s'agit d'une adaptation d'un roman très connu. L’Île du docteur Moreau (The Island of Dr. Moreau) est un roman de science-fiction écrit par H. G. Wells, publié en 1896. À travers une histoire racontée par un narrateur dépassé par les événements, le roman engage une réflexion sur des sujets comme la relation entre l'être humain et l'animal, et la question de l'identité. (Merci Wikipedia !)

Ein

Plot : Ocean Pacifique, 1896. Ellie Prendick vogue depuis huit jours sur une barque suite au naufrage du navire le Lady Vain. Insconsciente, elle échoue sur une île ou un homme la ramasse et s'occupe d'elle. A son réveil elle apprends que son sauveur se nomme Montgomery et qu'elle est sur une île habitée. Mais chose étrange, en dehors de son hôte tous les autres sont dissimulés dans des habits de la tête aux pieds, si bien qu'il est impossible de voir leur visage. Profitant d'une absence de Montgomery, Ellie découvre des cages avec des animaux mais un homme la surprend. Il est docteur en biologie et son nom est Moreau.

Mon avis : Pour ceux qui connaissent le roman d'origine, deux libertés ont été prises, le genre du personnage principal et la fin (qui est plus optimiste que l'originale.)

J'ai beaucoup aimé ce comic-book mais j'ai un énorme regret, c'est le format en 2 numéros. 5 aurait peut être été trop long mais j'aurais aimé que ce soit un peu plus étalé sur certains points. Entre la réalisation d'Ellie sur la condition des créatures de l'île et le final qui me laisse un goût de “On a plus que 5 pages, allez on boucle ça”” dans la bouche.

Le dessin de Gabriel Rodriguez (Locke and Key) est vraiment excellent et lui joindre le talentueux Nelson Daniel (Clue, Judge Dredd, Gi Joe) est pour moi un combo quasi parfait et fait la force principale de ce comic book à mes yeux. Le souvenir du naufrage en sepias et les flammes orangées est juste excellent et fait un subtil parallèle à l'instinct sauvage et animal dans la survie de l'homme. Montgomery représente très bien le vieux désabusé mais trop habitué pour se révolter, tentant d'arrondir les angles entre tous les personnages.

Moreau est un véritable monstre de science, froid et détaché, mû uniquement par le fait de dépasser les limites. L'île représentant à merveille la solitude de la folie dans laquelle il s'est lancé. Un à un les animaux sont mutilés, retravaillés, suturés, charcutés. Les nombreuses cicatrices post opératoires ne font qu'ajouter à l'horreur latente de la situation cauchemardesque.

Ellie tombe sur une opération en cours et la scène bien que sanglante n'est pas inutilement gore. Toute la mise en scène est pensée minutieusement pour présenter l'atrocité de la transition au lecteur. Une patte animale repliée dans les bandages, l'autre ouverte muscle par muscle, Moreau suspendu dans son acte et furieux d'être interrompu dans ce qu'il considère être l'œuvre de toute une vie. Le forceps sur la bouche de l'animal, les yeux ouverts qui regardent aussi bien Ellie que le lecteur.

Puis la fuite de l'héroïne dans la jungle et qui se retrouve finalement face à des dizaines d'animaux qui ont été couturés de partout avec une pseudo humanité.

Le passage de la religion animale est également d'une rare force, Moreau est érigé en dieu par ses créatures “His is the hand that wounds, his is the hand that heals.” Quiconque s'oppose à sa nouvelle humanité se voit persécuté. Le lecteur découvre rapidement le sectarisme des créatures et l'abominable parodie d'humanité que constitue l'île du Docteur Moreau.

La jeune femme traverse de multiples phases d'effroi et de désespoir, que ce soit du naufrage à la réalisation de ce qui arrive aux animaux et de ce qu'ils deviennent après leur “transformation”. Elle se retrouve face à toute l'absurdité de la folie scientifique et elle fait de son mieux pour s'accrocher. Le récit que lui fait Moreau de sa vie est glaçant mais elle écoute jusqu'au bout, voulant essayer de comprendre l'homme derrière la science.

Mais bien vite, elle découvre que tout n'est pas infaillible et que les animaux, malgré toutes les mutilations et modifications restent au plus profond d'eux-mêmes, des animaux. Et la plus effroyable des créatures de l'île est humaine, son nom est Moreau.

Le storytelling est très bien agencé, aidant énormément à la narration de l'histoire. Un jeu de case très abouti avec énormément de parallèles et de continuité, succession de rectangles et de carrés bien ajustés tels une précision chirurgicale. Des soubresauts du passé de Moreau dans une suite de cases faisant penser à des images de film. Aucune divagation artistique tout au long des deux livres mais une excellente narration qui rends chaque case utile et intéressantes. Même les couvertures se font écho l'une à l'autre c'est vraiment sympa.

La fin diverge du récit d'origine ou le héros de retour en Angleterre et traumatisé sombre dans la folie en voyant des animaux en chaque homme alors qu'ici, Ellie reste sur l'île et défait de son mieux ce qu'à fait Moreau. Elle sait pertinemment qu'elle ne pourra pas tout défaire mais son souhait est qu'ils connaissent au moins une vie décente.

ZWEI

En somme une lecture de très bonne qualité ! Si à l'avenir IDW réalise d'autres projets avec ces deux là, je signe direct ! Chapeau à Rodriguez et Daniel ! Un duo vraiment excellent ! Pas tout à fait la note maximale, la durée m'a vraiment frustré...

NOTE : 🌕🌕🌕🌕🌖

#Issues #IDWpublishing #IslandOfDrMoreau