20 Novembre 2023

Commencé le 27 mars. Depuis 4 jours, une idée me hante. Sur 4, nous ne sommes que 2 encore vivantes. En 2018, j’ai participé pour la première fois à l’ExisTransInter. Pleine de joie à ce moment là -ma transition venait tout juste de commencer- je logeais chez une amie pour quelques jours, en compagnie de 2 autres transfem. L’une que je connaissais un peu, la seconde avec qui notre amitié se romprait bientôt. L’une d’elle est morte il y a déjà quelques années, l’autre en 2022, mais je ne m’en rends compte que maintenant: sur les quatre que nous étions à partager cet appartement, nous ne sommes désormais plu que 2 en vie. C’est alarmant.

Lettre à ces gens

J’ai rejoins une paroisse pour trouver une communauté, un moment, un lieu, pour célébrer l’Amour du Christ, ma foi, le chemin spirituel que Dieu m’a fait prendre; rejoindre une communauté bienveillante, qui ne connaît pas nécessairement la vie de chacun de ses membres, mais qui sait les accueillir et entrer en harmonie avec eux, pour faire vivre ce à quoi on croit: l’amour, l’espoir, la paix en Christ. Parfois mes pas s’éloignent de ma paroisse, m’amènent à d’autres églises où je célèbre, avec d’autres anonymes, les rites de l’Église catholique. Souvent, ça se passe bien et j’en ressors avec beaucoup de joie. Malheureusement, il existe au sein de nos communautés paroissiales des personnes qui ne comprennent pas l’importance de nos diversités en Christ, le privilège de faire la messe en compagnie de personnes trans, homosexuelles, venues de leur plein gré, avec espoir et optimisme. Parfois, ces personnes pensent qu’il est de bon ton, ou même de leur devoir, de venir nous accueillir en nous faisant savoir leur compassion, à quel point il n’est pas trop tard pour nous de devenir invisible, ou de cesser d’exister. Parfois, ces mêmes personnes portent en elle le même potentiel queer, que nous avons laissé vivre, mais elles ont passé tellement de temps à l’étouffer, qu’elles pensent normal de pousser les autres à en faire de même. Je savais que cela risquait d’arriver. J’ai conscience que me rendre dans un espace catholique pratiquant c’est m’exposer à de la haine, de la peur, des blessures morales et religieuses. Je ne m’attendais pas à ce que ça puisse m’atteindre si fort. Je ne m’attendais pas à ce qu’on vienne me parler "à la demande de Dieu", qu’on vienne attraper mes poignets, qu’on se permette de me toucher la jambe. Je ne m’attendais pas à donner le bénéfice du doute à ces personnes, à me demander si je n’avais pas été trop visible, trop dans l’assurance de mes actions et de mon existence. Ce n’est que quelques personnes, alors même que les autres sont bienveillantes ou indifférentes, mais c’est elles qui arrivent à occuper mes pensées. Quand j’y pense, je définis ça comme du terrorisme cordial: des balles tirées avec le sourire, le regard pleins de compassion, à la fin de la messe. Un prêtre nous parle de lutte contre l’injustice, nous invite à nous tenir debout contre les horreurs du monde, faire face aux atrocités commises par l’Église catholique, accueillir les marginaux; on dit amen, on communie, mais à la fin, on se lève et on va voir le marginal de service pour lui dire que Dieu placera les bonnes personnes sur son chemin, que cela le fera sortir des troubles, mais qu’en attendant il faudra être moins visible. Si vous êtes de ces gens, voilà ce que j’ai à vous dire: je vous ai fait confiance, j’ai été me tenir dans vos espace, exposant ma vulnérabilité, ma foi. Plutôt que tenter d’ouvrir vos horizons, de rencontrer l’Autre comme le prêche l’Évangile, de saisir la chance de comprendre une personne mise à la marge, dont les camarades tombent chaque jour sous les coups & tirs de ceux qui considèrent que nos vies sont une erreur; vous vous fondez dans l’anonymat des masses bien pensantes, qui se contentent de nous juger du coin de l’œil, nous regardant nous faire battre, tuer, violer, sans intervenir. Vous vous en lavez les mains du haut de vos certitudes bien confortables. Si vous êtes de ces gens, il n’est pas trop tard: vous pouvez encore ouvrir un livre, regarder une vidéo, vous rendre dans une association, vous demander en quoi mon existence visible vous dérange-t-elle. Si vous êtes de ces gens, je vous pardonne.

20  Novembre 2022

Outre la portée égoïste de ce geste, je me suis longuement demandé si j’allais écrire ce texte. L’année dernière, en écrivant le premier, je m’étais promis d’essayer de faire une suite annuelle, pour documenter, témoigner, de la simple existence d’être trans et en vie. Cette année j’ai longtemps ressenti un manque de sens à tenir cette promesse, et une honte. Je commence à taper ces lignes le 10 octobre, après avoir fini le premier tome d’une série sur le deuil. Naïvement, maladroitement, j’ai besoin d’écrire la phrase qui s’est imposée à mon esprit pendant ma lecture. Être trans, c’est vivre un deuil permanent. Au bout de combien de proches tombéxs sous les coups de la transphobie, apprend-on à vivre avec? Est-ce seulement possible, de calmer ce chagrin et cette colère? Je n’ose pas en parler avec le seul aîné que je fréquente. Alors j’essaye de tenir bon, tant bien que mal. Dans la solitude queer.

Le nouvel héritage du mec

Jeudi matin, ma copine m’a demandé de lui raconter une histoire pour l’aider à se réveiller. Prise de court, j’ai improvisé de lui conter la seule histoire dont je connais le déroulement à peu près par cœur en ce moment: le Nouveau Testament. Je l’ai fait avec mon vocabulaire et un contexte qui m’est contemporain. Assez contente du rendu, j’ai décidé de le publier ici pour en garder une trace.
C’est l’histoire d’un mec racisé, qui naît dans une famille ouvrière, à la campagne. Pendant son enfance, il déménage souvent. Adulte, il se fait un pote, avec qui il passe du temps à la rivière du coin. À cause de problèmes avec l’administration locale, il part quelques temps. Malheureusement, son ami se fait interner de force après son départ. Quand il l’apprend, il continue sa route avec des punks à chiens et commence à écrire des poèmes politiques. Iels vont de squats en squats, se font jarreter par les bourgeois du coin. Pendant ce temps, notre jeune homme commence à vivre une romance de PD avec un des mecs qui l’accompagne. Il finit par arriver dans une ZAD, et apprend qu’un de ses potes est en fait un indic’, qui bosse pour le faire arrêter. Foutu pour foutu, il laisse les choses se dérouler en prévenant ses amixs intimes et en faisant ses adieux à son amant. Jeté en taule, il est malin, du coup il revient au bout de 2 jours. Iels fêtent ça ensemble, puis il décide de partir faire une rando en montagne. Après ça, personne le revoit. Ses potes finissent par tomber dans le stalinisme antisémite et se mettent à dealer.
Si vous découvrez la romance homosexuelle de Jésus avec mon texte, sachez que ce n’est pas une création de ma part. Je vous invite à lire le sermon de Paul Oestreicher et à vous renseigner sur "le disciple aimé de Jésus".

Bxtch

Pour celleux qui ne peuvent traverser la rue Pour celleux qui ne peuvent s'aimer Pour celleux qui ne peuvent vivre leur foi Pour celleux qui ne se feront pas agresser en notre présence. Pour mon atrophie musculaire Pour mon surpoids Pour mes épaules larges Pour mes bras qui accueillent les peurs, les larmes, les soupirs. Pour la violence qui nous est faite Pour la violence du Monde Pour la violence dont je suis capable Pour la violence nécessaire. Pour l'amour qui nous est interdit Pour l'amour des déviantxs Pour l'amour qui nous anime Pour l'amour, de moi.

20 Novembre 2021

Ça y est, le 20 novembre est arrivé. Encore. Déjà. Pour moi, c’est une journée duale; jour de deuil politique et communautaire d’un côté, jour de fête personnelle de l’autre. En effet, ma maman est née le 20 novembre. Alliée de son mieux depuis le début de ma transition, soutien inconditionnel depuis ma naissance, il est important pour moi de fêter avec elle la journée qui marque son arrivée au monde, la journée qui me rappelle la chance que j’ai de l’avoir près de moi. La chance, c’est un élément qui a manqué à nos adelphes commémorés·commémorées aujourd’hui. La chance de naître dans un monde qui accepte notre existence, la chance d’avoir une famille soutenante, la chance d’avoir une vie sociale épanouissante, la chance d’avoir des droits, la chance de ne pas être agressé·es, tué·es, violé·es. Une liste de chances non-exhaustive. Une liste que je ne saurai jamais énumérer jusqu’au bout, une liste que je ne supporterai pas d’épeler à l’oral. Cette année, j’ai la chance de ne porter aucun deuil personnel en ce jour si triste et gorgé de colère, mais cette année, pour la première fois, je me pose la question, celle que nous sommes sûrement nombreux·nombreuses à nous poser: pour combien d’années encore? Pour combien d’années encore aurai-je la chance de ne pas porter le deuil d’un·e camarade, ami·e, amoureux·amoureuse personnellement? Pour certaines personnes de mon entourage, cette question ne se pose malheureusement déjà plu. L’autre question, celle que toustes nous nous posons en souhaitant ne jamais connaître la réponse: mon nom sera-t-il un jour cité -commémoré- un 20 novembre? Celle-là, cher·chère lecteur·lectrice cis, je te laisse la découvrir et profiter de la chance de ne pas avoir à te la poser. À toi, adelphe trans qui me lis, je te souhaite que la réponse soit à jamais négative. Maman, je te remercie pour tout ce que tu m’apportes et d’avoir participé à la construction de celle que je suis aujourd’hui. Je te souhaite un bel anniversaire. Aux cis, votre inaction est criminelle. Notre sang est sur vos mains. À mes adelphes vivant·es, prenons soin de nous. Merci à vous de m’avoir montré que mon existence est légitime, merci de me donner la force de continuer à lutter près de vous. Aux adelphes qui nous ont été arraché·es, nous vous portons dans nos cœurs. Nous ne laisserons pas le monde vous oublier.