But I am old and you are young and I speak a barbarous tongue

Hier matin, Géraldine Mosna-Savoye posait la question : A quoi ressemblerai-je quand j'aurai fini mon bidon de gel douche ? Elle s'interroge sur la notion de temps parcouru. Comment mesurer cette géographie temporelle et le changement à l'intérieur de soi ? Que dirait-on à ce moi plus jeune ?

Keats, dans le poème Deux ans plus tard, répond en partie à cette question. Il s'adresse, il me semble, à un lui-même plus jeune de deux ans. C'est une durée arbitraire, deux ans, comme celle du sucre qui fond ou la fin du bidon de gel douche. En deux ans, nos amours meurent, nos rêves changent, l'éphémère brûle. Des milliers de petites et grandes blessures, avec autant de “et si j'avais”.

Keats souligne l'essentiel : notre changement intérieur est si fondamental, que c'est une langue tout à fait différente d'alors qu'on déploie. Le changement à l'intérieur de soi est manifeste, en ce que, si on se croisait dans la rue et tentait de converser, on ne se comprendrait pas. Les souffrances et joies endurées forment notre nouvelle langue. Sans cela nous ne serions pas.

“Has no one said those daring Kind eyes should be more learn'd? Or warned you how despairing The moths are when they are burned? I could have warned you ; but you are young So we speak a different tongue.

O you will take whatever's offered And dream that all the world is a friend. Suffer as you mother has suffered, Be as broken in the end. But I am old and you are young And I speak a barbarous tongue.”

W. B. Keats, Two years later