Une vie de théâtre

une maison en bois, vide de face

La maison ressemble à plein d'autres maisons. Il y a la cuisine ouverte sur le salon, il y a le canapé bleu qu'il faudra bientôt changer, il y a la piscine et la pool house.

Ce n'est pas une cachette, une tanière. C'est une scène. C'est beau une scène, il y a des rideaux, il y a des costumes, il y a des pas claquent sur le sol en rythme avec les émotions. Ce n'est pas le refuge dont je rêve quand je pense à une maison en bordure de montagne. C'est un petit théâtre. D'ailleurs, la maison attend les spectateurs et les spectatrices. “On a besoin que des gens viennent pour se sentir chez nous”. Les ami.es, la famille, défilent, commentent, amendent, rassurent et félicitent. Parfois trop (“tu sais comment elle est, elle trouve tout formidable”), parfois pas assez (“mais alors, ça te plaît ?”).

Pour le moment, la scène est vide. La maison est vide. Ils ne sont que deux, dans cette immense maison. On visite les multiples chambres et on nous raconte, sans le dire, les histoires qui prendront place : des enfants, un dressing, des pleurs, un chat, des weekends bricolage, repassage, balade du dimanche dans les champs. C'est une jolie vie qu'on nous raconte. Mais pour le moment, la maison est vide, les pièces sont vides, la piscine est bâchée. C'est une belle coquille et intérieurement je me demande : comment ne pas devenir cette maison vide. Comment ne pas être ce théâtre fermé. Comment ne pas être seul dans un si grand espace.

Je roule mes questions sous mes yeux, dans mes larmes et mon souffle court. Leur maison sera pleine, je l'espère. Je ne peux pas en dire autant de la mienne, qui n'existe pas encore.