Revue de presse de la semaine : du 26 octobre au 1er novembre

Découvrez le Reader's Digest de la surveillance : une sélection d'articles et de contenus à voir ou écouter en lien avec la surveillance, la vie privée, les libertés numériques et les données personnelles qui ont marqué la semaine.

Sécurité

La Quadrature du net poursuit sa bataille juridique contre la Préfecture de Paris qui continue d'utiliser des drones pendant les manifestations. Bien que l'administration dirigée par le préfet Didier Lallement a déjà été rappelée à l'ordre par le Conseil d'Etat pour avoir utilisé des drones pour contrôler le respect du confinement en l'absence d'un cadre juridique adapté, la Préfecture a récidivé à plusieurs reprises. C'est la raison pour laquelle La Quadrature du Net a déposé un second référé contre l'usage des drones de surveillance.

Sous ses airs techniques, la stratégie menée cette fois-ci par l'association de défense des libertés numériques est particulièrement habile car elle vise à montrer que les drones qui survolent les manifestations collectent des données de nature particulièrement sensibles puisqu'il s'agit d'informations concernant des manifestants. En effet, les drones et leur capacité à capter des images précises des personnes qui participent à une manifestation peuvent par extension déduire les sensibilités politiques, syndicales ou religieuses des personnes présentes. Or, la loi dispose que le traitement de cette catégorie de données doit être particulièrement encadrée.

Comment se prémunir de l'utilisation des drones en manifestation ?

Et si l'Etat continue d'utiliser un outil de contrôle à des fins de surveillance en dehors de tout cadre légal, il échoue à démontrer le devoir d'exemplarité et le souci du respect de la légalité qu'il doit incarner. A bon entendeur, salut !

Source : La Quadrature du Net dépose un nouveau recours contre les drones policiers


La vénérable et austère Cour des comptes qui émet régulièrement des rapports pour souvent dire que les services publics coûtent chers vient d'en remettre un sur la vidéosurveillance. Fidèle à sa réputation – mais pour une fois on est d'accord – elle estime que la vidéosurveillance “coûte un pognon de dingue”.

Les auteurs du rapport observent que le coût d’installation d’une caméra peut aller du simple au quintuple

Au-delà du coût de ces dispositifs, la Cour alerte sur le manque d'efficacité de la vidéosurveillance qui favoriserait “l'effet plumeau”; un déplacement de la délinquance en dehors du champ de vision des caméras.

Au regard du coût jugé élevé de cette technologie de sécurité, la Cour des comptes épingle également leur efficacité pour réduire la délinquance.

Les critiques dressées contre la vidéosurveillance ne sont pas nouvelles. En revanche, le caractère nouveau du rapport de la Cour se trouve dans sa dénonciation d'une absence d'un cadre légal et des dérives que cela peut induire en matière de libertés.

Listant également plusieurs expérimentations de reconnaissance faciale, elle souligne que le cadre juridique « fait défaut » et que le vide « conduit à des usages non encadrés de moyens techniques dont les forces – tant nationales que municipales – ont fait l’acquisition et dont elles comptent bien se servir. » Dans sa réponse, la CNIL rappelle avoir déjà souligné que « le développement de ces dispositifs intrusifs présente le risque d’engendrer une surveillance accrue des citoyens, susceptible de porter atteinte au bon fonctionnement de notre société démocratique », et qu’elle souhaite « l’organisation d’un débat public qui, seul, permettra d’encadrer juridiquement les nouveaux usages de la vidéo et des technologies, dans le respect indispensable de la protection des données de nos concitoyens ».

Source : La vidéosurveillance dans le viseur de la Cour des comptes


Et si la solution pour faire respecter les gestes barrières et les consignes sanitaires de plus en plus drastiques passaient par la mise en place d'une société où tout le monde se surveille mutuellement ? A l'image des heures les plus sombres de notre histoire, nous serions inciter à dénoncer nos voisins qui ont organisé une raclette à 7 personnes ou bien prendre en photo une personne qui marcherait dans la rue 15 minutes après le couvre-feu ?

Eh bien figurez-vous que cette pente savonneuse a été empruntée par l'Espagne qui met à disposition de ses citoyens l'application AlertCops. Initialement cette application a été conçue pour signaler en direct à la police une agression. Mais le ministre de l'Intérieur de la Catalogne souhaiterait pouvoir utiliser cette appli pour que Catalans dénoncent leurs voisins qui ne respecteraient pas les mesures prises pour limiter la propagation de l'épidémie. Quand le pouvoir panoptique échoue, il transforme chaque individu en surveillant et objet de contrôle.

Source : AlertCops, l’appli qui transforme les Espagnols en indic de la police


Santé

En France, quand le principe du cahier de rappel a été déployé dans les restaurants, on a vite constaté des dérives sur la réutilisation des données à des fins commerciales. En Allemagne, la police a eu recours à ce genre de données dans le cadre d'une enquête. Ce non respect de la finalité du traitement de collecte continue de se répandre. Cette semaine, c'est Israël qui rejoint le club en allant encore plus loin. En effet, le gouvernement souhaiterait faire passer une loi pour pouvoir donner un accès illimité aux données des patients à la police. Cela permettrait d'utiliser les informations sur les déplacements ou les contacts d'une personne exposée au Covid à d'autres fins que celle de la lutte contre la propagation de l'épidémie.

La logique du Premier Ministre Israélien est assez similaire à celle de la France quand elle a fait passer sa cohorte de lois relatives à la sécurité publique à partir de 2015. Autrement dit, il s'agit de garantir une sécurité juridique aux agents pour qu'ils puissent utiliser des données susceptibles de porter atteinte à la vie privée des individus. La dérive sécuritaire du projet de loi ne s'arrête pas là car il prévoit d'autoriser les enquêteurs épidémiologistes ou n'importe quel fonctionnaire à transmettre des informations à la police s'ils estiment que cela permet de conduire une enquête criminelle.

Quand le gouvernement tousse, c'est tout un peuple qui tombe malade.

Source : Israel Seeks to Give Police Unrestricted Access to COVID Contact Tracing Data


Culture

Dans son dernier podcast du Code a Changé, Xavier de La Porte interroge Vincent Coquaz auteur du livre La nouvelle guerre des étoiles co-écrit avec Ysmaël Halissat. Les deux auteurs ont enquêté sur la pratique de l'évaluation qu'on retrouve dans tous les secteurs de la société : restaurants, médecin, artisans, commerce, transports...

Si on est conscient de l'existence de système de notation et qu'on y participe volontairement ou pas, ce qu'on sait moins et que décrivent les deux auteurs, c'est le système de notation cachée des clients ou des utilisateurs d'un service. En effet, Vincent Coquaz explique avoir découvert qu'une entreprise tiers revenait souvent dans les contrats des grandes plateformes de couchsurfing ou d'Airbnb. Cette entreprise collecte des données de façon totalement opaque pour attribuer un score de confiance aux plateformes. Ne sachant pas que ce traitement de données existe, il est difficile de pouvoir exercer ses droits qu'accorde le RGPD.

Source : Pourquoi s'est-on mis à tout noter ? avec Vincent Coquaz


Economie

Confinement oblige et Emmanuel Macron l'a rappelé lors de son allocution, le télétravail devient la règle quand cela est possible. Lors du premier confinement, beaucoup de salariés ont découvert le travail à distance, plus ou moins dans la douleur, et le revers de la médaille de travailler chez soi. En effet, certaines entreprises n'hésitent pas à recourir à des outils de surveillance pour s'assurer que les salariés n'en profitent pas pour faire autre chose. Ce mécanisme s'est fait insidieusement, de façon opaque et progressivement. Beaucoup de salariés utilisent désormais des outils de gestion d'équipes, de suivi de projets qui intègrent des fonctionnalités de partage de documents, de discussion, de planning... Ces types de logiciels se sont déployés afin de faciliter le travail avec le souci d'assurer une certaine productivité et efficacité des salariés. Mais ce qui nous a échappé, c'est que nous avons collectivement accepter de nous mettre les menottes qui nous asservissent un peu plus.

Des outils comme Slack, répandu dans divers secteurs professionnels privés comme publics, disposent de fonctionnalités spécifiques aux outils de contrôle du capitalisme de surveillance :

Il est possible d’avoir des données sur un utilisateur en particulier : combien de messages a-t-il envoyé, quel est son temps d’activité sur la plateforme, quelle est la part de messages envoyés via canal privé…

La crise du coronavirus s'avère être une sérieuse une remise en cause des libertés et un terreau particulièrement propice pour renforcer la domination du capitalisme de surveillance. Les tentatives régulières de recourir aux technologies modernes pour limiter la propagation du virus (drones, caméras thermiques, applications de contact tracing, reconnaissance faciale, télétravail...) entament nos libertés individuelles et collectives et contribuent à nous accoutumer à ces objets de contrôle dont il sera plus difficile de s'affranchir quand la situation sera revenue à l'a-normal...

Source : Comment Slack peut être un outil de surveillance

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