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Avons-nous besoin d'une quelconque forme de gouvernement ?

Cet article est un court résumé, avec parti pris, du texte Do we need or want any form of government? disponible en anglais sur l'Anarchist Library.

La plupart des gens admettent bien que l’anarchie puisse ne pas signifier seulement chaos et confusion et que les anarchistes ne veuillent pas le désordre mais l’ordre sans gouvernement, mais ils sont sûrs que l’anarchie signifie l’ordre qui surgit spontanément, et que les anarchistes refusent l’organisation. C’est le contraire de la vérité. En fait, ils veulent beaucoup plus d’organisation, mais sans autorité. Le préjugé contre l’anarchisme dérive d’un préjugé au sujet de l’organisation ; on ne peut pas imaginer qu’elle ne repose pas sur l’autorité, qu’en fait elle marche mieux sans autorité.  Nicolas Walter, Pour l’anarchisme, 1969

Pourquoi se passer du gouvernement ?

Un gouvernement à la Platon ou Hobbes implique qu’il y a un groupe plus éclairé que la majorité. Pourquoi ce groupe devrait-il régner, plutôt que partager ses connaissances avec le peuple ? Et plus généralement, pourquoi devrions-nous avoir un gouvernement ? Nous pourrions nous débrouiller pour ne pas avoir besoin d’un gouvernement qui fera toujours régner une minorité sur la majorité.

Dans une démocratie directe unanime (chaque personne s’exprime, toutes les personnes concernées doivent s’exprimer en faveur de ce qu’on va leur imposer), on pourrait effectivement dire que chaque personne a sa voix tout en restant libre. Ce ne serait possible que dans une toute petite communauté de personnes qui ont les mêmes valeurs. Dès que quelqu’un est en désaccord, on commence à séparer la majorité de la minorité : la personne qui est en avis minoritaire doit obéir à l’avis de la majorité. Dans une démocratie représentative, le système le plus commun aujourd’hui, on doit choisir entre un certain nombre de candidats, dont les valeurs sont plus ou moins proches des siennes. Le choix est très limité, généralement entre deux ou trois grands candidats qui représentent diverses versions d’une économie relativement unique. Le système parlementaire ne propose pas de choix radicalement différents.

D’ailleurs, on voit le même problème dans le communisme bolchévique : Lénine affirme qu’il faudra une « dictature du prolétariat » pendant un certain temps, une fois que les travailleur·euses auront pris le contrôle des moyens de production. Mais pourquoi le peuple devrait-il abolir les classes avec une dictature et avec les moyens du gouvernement, plutôt que venant d’en bas ? Être gouverné·e par la dictature du prolétariat, c’est envoyer le pouvoir d’un groupe à un autre, qui finit par ne pas être plus grand que le premier.

Les bases de l’anarchisme

La liberté et l’égalité doivent forcément marcher ensemble : avec une liberté sans égalité, les minorités économiques ou sociales sont sous la botte de la classe dominante. Avec une égalité sans liberté, nous sommes tou·tes esclaves ensemble. L’alternative, c’est l’anarchie, ou tout simplement l’absence de gouvernement. On suppose souvent que l’anarchisme, c’est le chaos, une spontanéité désorganisée. Au contraire ! Rien n’est plus organisé qu’une société anarchique.

Justement, dans l’anarchisme, on passe d’autant plus de temps à discuter et à planifier ce qu’on va faire, parce que tout le monde a son mot à dire. L’organisation est plus complexe, mais en parallèle, on se débarrasse de la bureaucratie : on gagne du temps et surtout de la liberté. L’organisation devient un échange libre d’idées entre les personnes impliquées. L’anarchisme est destructeur, oui : destructeur du gouvernement, des classes sociales et de l’esclavage capitaliste, une destruction nécessaire pour assurer la liberté et l’égalité de chacun·e.

Du coup, on fait quoi ?

Les anarcho-syndicalistes sont un bon exemple de ce système. Ils et elles travaillent à abolir les relations hiérarchiques au sein des syndicats, donnant la même importance et la même activité à chaque membre et préparant ainsi les esprits à l’anarchisme. Il s’agit bien de voir cette action comme une préparation, et pas comme une fin en soi : le syndicalisme, comme le Marxisme, voit tout en termes de travail et de classes économiques. De nombreuses personnes ne travaillent pas, de nombreuses luttes sont menées en parallèle de la lutte des classes (on pensera par exemple aux femmes et aux minorités ethniques).

De même que les anarcho-syndicalistes font un travail salutaire, mais pas suffisant, les anarchistes philosophiques ne servent finalement pas à grand-chose. Ils et elles se disent que l’anarchisme est un bel idéal, mais peu probable ; ces personnes se retrouvent donc à parler d’anarchisme et à écrire sur le sujet, sans jamais y travailler concrètement. Et pourtant, comment pouvons-nous savoir ce qui est possible, tant qu’on n’a pas tout donné pour l’atteindre ?

Il nous reste trois moyens d’action efficaces : * La propagande par les actes : des manifestations, des rébellions, des révolutions. * La désobéissance civile. * L’action directe – qui, précisons-le, n’a pas besoin d’être violente, contrairement à l’image qu’on en a.