Fragment 4.1

Un vent violent se lève soudain. Le ciel prend des tons ocres, jaunes, rouges. Une mer de sable s'engouffre dans la plaine et déferle entre les collines.

Je ne distingue plus les arbres sur le versant opposé à travers ce mur de poussière.

Mon parka flotte derrière moi tel une paire d'ailes, et j'ai l'impression d'étouffer.

Je rajuste mon masque et mon foulard pour protéger mon visage. Je resserre les lanières qui maintiennent mes manches fermées afin d’empêcher le sable de pénétrer dans mes vêtements.

Le peu de peau exposée est une blessure à vif, rappée, écorchée par les particules de sable, tranchantes comme des rasoirs.

A chaque rafale qui me percute, je vacille. Je dois m'accrocher à mon bâton de marche enfoncé dans le sol pour ne pas tomber.

Me plier, me courber, avancer pas à pas avec des efforts énormes, dans l'espoir de rejoindre la grange en ruine que j'ai vue juste avant la tempête. Elle ne doit plus être qu'à quelques dizaines de mètres...

Je sonde l'espace invisible devant moi avec mon bâton pour éviter les obstacles, les trous et tout se qui pourrait se cacher derrière le rideau de sable.

Un pas. Un autre. Je trébuche. Je retrouve mon équilibre. Surtout ne pas tomber de peur de ne plus pouvoir me relever. De peur que la sable ne me recouvre ou ne m'arrache la chair, ne laissant plus que mes os blanchis.

Encore un pas. Mon bâton touche quelque chose. A travers mon gant je sens le relief d'un mur de briques : la grange, enfin ! Je cherche à tâtons, trouve une ouverture et je m'y engouffre.

Enfin à l'abri.

Le vent rugit autour de mon abri. J'entends le bâtiment gémir et craquer sous les assauts des rafales. Le sable racle les murs. Le toit frémit. J'espère qu'il tiendra.

Mais de toute façon, le combat contre le vent a épuisé mes forces et je ne peux plus continuer. Je me cale contre le mur. L'épuisement me terrasse et je sombre dans le sommeil.

« Fragments » est écrit et publié par ZeFredz sous licence Creative Commons BY-NC-SA – Attribution-NonCommercial-ShareAlike.