Fragment 1

J’ai toujours aimé la forêt.

C’est l’une des choses d’avant dont je me souviens. À la lumière, on dirait bien que c’est l’été… mais comment le savoir, tout à tellement changé. Et aussi que quand j'étais enfant, on habitait avec beaucoup d’autres personnes dans… une ville, je crois. Ou quelque chose comme ça. Il y avait aussi des grandes usines dont les cheminées crachaient de la fumée noire et puante et qui rendait malade. Mais ça fait longtemps qu’elles se sont éteintes.

On m’a raconté qu’il y en a quelques-unes qui ont été remises en route là-bas dans le Nord. Comment savoir ? Les voyageurs sont tellement rares ! Et la plupart des êtres que l’on croise sont des errants, à peine humains. Ou alors des pillards, qui n’ont d’humains que le nom.

Mais la forêt et la végétation ont peu à peu tout envahi. Elles ont tout recouvert et masqué toute trace de ce qu’il y avait avant. Les villes, les maisons, les gens… Et les choses ont commencé à changer.

J’ai trouvé il y a quelques jours un tas de feuilles presque intactes et quelques crayons dans une bâtisse en ruine. Une ancienne école, je pense. J’ai fait un carnet avec les feuilles et un peu de fil et j’écris. J’écris pour me souvenir face à l’oubli qui ronge peu à peu les esprits. Et aussi parce que je n’ai plus personne à qui parler : mon village a été peu à peu exterminé par les pillards, les errants, l’oubli, la folie et la forêt… comme tant d’autres.

Je vais encore rester dans le coin quelques jours, explorer un peu et voir si je ne trouve pas d'autres trésors dans les ruines toutes proches. Ensuite, je vais me diriger vers les montagnes, en contournant les marais. Ce sera un gros détour. Mais, je m’en suis approché·e hier pour voir s’il est possible de les traverser. La végétation m’a semblé étrange, anormale… Et la brume y a des reflets colorés. Ça pue l’Autre à plein nez… Et ça grouille d’errants et d’autres… choses.

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