Bâtir aussi (Ateliers de l’Antémonde)

Bâtir aussi est un ouvrage atypique, un recueil de nouvelles produites par les Ateliers de l'Antémonde, un collectif qui s'auto-définit ainsi :

Les ateliers de l’Antémonde sont constitués de personnes engagées dans des luttes anticapitalistes et féministes. Des ateliers de fabrication d’imaginaires enthousiastes et critiques du complexe techno-industriel. Les auteurEs, passionnéEs par la bidouille, recherchent des outils pour subvertir l’état des choses, développer des perspectives révolutionnaires et anti-autoritaires. Iels expérimentent la science-fiction à plusieurs mains pour s’extirper d’un présent verrouillé en puisant dans leurs pratiques de luttes et de vie collective. Ensemble, iels tentent de tirer les fils du présent afin de tendre une toile de futurs possibles, voire souhaitables.

Ceux qui me connaissent un peu savent que c'est une démarche qui avait de grandes chances de me séduire et que l'enthousiasme serait mon premier sentiment en commençant ce livre.

Les sept nouvelles qui composent ce recueil se déroulent de nos jours, mais dans une version du présent où dix ans plus tôt, une révolution a renversé le modèle capitaliste industriel, sous l'impulsion du Printemps arabe. Après une lutte à mort contre l'Etat et les nationalistes d'extrême-droite, la société s'est réorganisée en communes libres et auto-organisées.

Les textes mettent donc en scène le quotidien d'un modèle de société inspiré des idées anarchistes, collectivistes, de l'anarcho-communisme, ou de l'écologie libertaire de Murray Bookchin, que le préface cite explicitement comme source d'inspiration. Cela a fait écho chez moi à l'une de mes lectures récentes, le très beau Eutopia de Camille Leboulanger.

J'aime quand la fiction permet d'imaginer des alternatives, des futurs possibles et souhaitables. C'est le cas des nouvelles de ce recueil, et cela justifierait déjà sa lecture. Là où ce livre va encore plus loin, c'est autour de la notion d'utopie ambigüe. En effet, les auteurs et les autrices ne cachent pas les difficultés, les doutes, les débats qui agitent les communautés qu'ils et elles mettent en scène. C'est l'occasion de démontrer que ces futurs possibles sont et seront en perpétuel débat, sans masquer le poids des processus de prise de décision collective.

En parlant des débats qui transparaissent dans le livre, j'ai trouvé qu'ils sont parfois mis en scène de façon un peu trop didactique, quand les personnages expliquent leurs arguments plus à destination du lecteur que pour eux-mêmes. C'est une facilité d'écriture peut-être inévitable dans une telle démarche, mais cela ne nuit pas tant que cela au plaisir de lecture.

Je ne peux pas achever cette critique sans parler de la très jolie postface, à la fois éclairante sur le projet littéraire et politique des auteurs et autrices, et inspirant pour prendre le relais, comme ils et elles nous invitent à le faire. A qui le tour ?

Zéro Janvier@zerojanvier@diaspodon.fr

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