Une issue de secours

Critique de Bowser’s Fury (Nintendo EPD, 1-UP Studio et Nintendo Software Technology, 2021)

Parc aquatique gonflable à Lacanau (Gironde)

J’ai, hélas ! beaucoup de réserves vis-à-vis de Super Mario Odyssey (Nintendo EPD et 1-UP Studio, 2017), un jeu que j’étais pourtant censé adorer, une fusion entre Mario 64, Mario Sunshine et Mario Galaxy qui s’est avérée moins bonne que ces trois jeux-là pour plein de raisons, certaines quantifiables et d’autres que je peine à m’expliquer. Je suis certainement plus vieux qu’en 1997, mais tout de même, qu’ai-je vu ailleurs que je trouve manquer à un Mario, cette série qui m’a presque tout appris ?

Bowser’s Fury est une fusion entre Mario Odyssey et Super Mario 3D World (Nintendo EAD Tokyo et 1-UP Studio, 2013), le successeur de Mario 3D Land que je décrivais à l’époque comme le Mario d’un monde parallèle. Un monde où, suivant cette logique de Crash Bandicoot-ification, le successeur de 3D World aurait dû être un GTA-like. Un monde sans avenir, donc ; 3D World était un beau jeu d’action mais aussi une impasse évolutive, coincée dans le double carcan des mondes linéaires et de l’esthétique aseptisée et inoffensive du Monde Merveilleux de Super Mario™️. Et intelligemment, à l’occasion de la réédition de 3D World huit ans plus tard, Bowser’s Fury y adjoint une sortie de secours. Peut-être aussi une manière de sonder le public, si délicat à cerner dès qu’il s’agit de Mario en 3D – à en croire les chiffres de vente en tout cas†.

L’idée est futée, l’attention est délicate, mais je ne peux pas me mentir : c’est encore un mélange foireux, inférieur à ses deux inspirations. Odyssey proposait au moins ses lunes-slash-pièces bleues-slash-noix Korogu dans des cadres dépaysants ; ici, c’est des modules peinturlurés qu’on a éparpillés sur une mer d’huile, façon Splash Park de Lacanau. Jamais un “vrai” Mario n’a été aussi fade. Vous me direz : ce n’est pas un “vrai” Mario, juste un bonus expérimental, et l’expérience n’est pas si ratée que ça, quand on se dit qu’elle se plie en 8 heures et qu’elle est vidée du gras qui alourdissait Odyssey. Nous sommes d’accord, c’est pas mauvais Bowser’s Fury ; n’empêche que je me demande quand est-ce que Nintendo fera à nouveau un “vrai” Mario réussi, un où l’on ne fait pas que ramasser 5 fragments de trucs et battre les mêmes boss en boucle, un qui n’est pas garni de micro-gratifications compulsives suspectes, ne consacre pas un tiers de son contenu à faire office de tutoriel géant, et ne se termine pas invariablement par des défis chronométrés et des ascenseurs lents flottant au-dessus de lave (le design « si tu t’ennuies, tu meurs », pour reprendre les mots de Tim Rogers). Et j’ai tendance à penser que pour éviter ces écueils, un tel jeu ne peut pas être un Bowser’s Fury dilaté. Peut-être ne pourra-t-il s’agir que d’un jeu de post-plateformes. Ou peut-être qu’en fait, les “vrais” Mario ne sont plus des jeux pour un vieux croûton comme moi.

Les chiffres de vente précis peuvent être difficiles à déterminer avec certitude. Pour les trouver, j’ai consulté le site payant Ludostrie, animé par l’ancien journaliste de Gamekult Oscar Lemaire, et dont les chiffres donnés pour les jeux Mario recoupent exactement ceux listés sur le wiki Fandom consacré à Nintendo.