Quelques réflexions sur l'anarcha-féminisme et le lesbianisme politique

Cet article est un résumé, avec parti pris, du texte An anarcha-feminists’ subjective perspective of anarcha-feminism de Sofia Hildsdotter, disponible en anglais sur l'Anarchist Library.

L'anarchisme combat toutes les formes de pouvoir et d'oppression, par définition : le terme d'anarcha-féminisme serait donc inutile, dans un monde idéal.

Le genre comme construction sociale

On compte deux types de féminismes : 1. le féminisme essentialiste : les différences entre les genres sont naturelles 2. le féminisme constructiviste : les différences entre les genres sont une construction sociale

Les anarcha-féministes sont constructivistes.

Lesbianisme “politique”

Le groupe féminin est socialisé dans un cadre hétérosexuel, et c'est un des aspects les plus complexes du féminisme. Le groupe social des femmes se retrouve donc à interagir avec le groupe social des hommes de façon complètement différente des autres groupes (par exemple, la classe populaire vs la classe bourgeoise). C'est parce que beaucoup de femmes ont des relations intimes avec des hommes.

La conclusion de beaucoup de féministes, c'est que les femmes devraient se tourner vers le lesbianisme politique pour se révolter contre le patriarcat. C'est une stratégie qui peut fonctionner ; le problème, c'est qu'elle voit les femmes comme des outils pour arriver à des objectifs, et qu'elle ne prend pas en compte les émotions et situations individuelles.

Des féministes radicales qui soutiennent le lesbianisme politique tendent à utiliser des arguments d'autorité. Plus important : elles s'arrogent le droit de dire à d'autres femmes comment ces dernières doivent concevoir les relations hétérosexuelles et comment elles doivent organiser leur vie. Plus important encore : c'est profondément individuel.

S'émanciper en tant que groupe social

Nous discutons dans des groupes d'affinités, nous suivons des cours d'auto-défense, nous nous retrouvons pour des événements et des conférences. Nous parlons aussi de notre poids, dans un monde où il est plus normal de faire des régimes et d'avoir des désordres alimentaires que de manger la même chose tout l'année en y prenant du plaisir.

Mais là où il faut qu'on se bouge, c'est qu'il faut qu'on fasse tout ça de façon collective : que le but cesse d'être notre émancipation et devienne celle de toutes les femmes.

Intersectionnalité

L'intersectionnalité est un concept récent, mais en fait, beaucoup de féministes radicales des années 1960-1970 en appliquaient les principes sans le savoir. À une conférence du New American Movement en 1975, une personne disait :

Nous nous unissons dans la compréhension que toute oppression, qu'elle soit de classe, de sexe ou de préférence sexuelle, interagit avec les autres et que de même, tout combat pour se libérer de l'oppression doit se faire en unisson et avec coopération.

Les militantes allemandes ont inventé le concept de “triple oppression”, c'est-à-dire une analyse de comment le racisme, le sexisme et l'oppression de classe travaillent main dans la main. Les anarchistes suédoises ont développé ces idées au point dinventer un mot dédié : förtryckssamverkan, la coopération des oppressions.

Il y a des problématiques pour lesquelles nous pouvons décider de coopérer avec d'autres groupes. Pour d'autres sujets, on peut vouloir travailler de notre côté. Beaucoup d'entre nous font partie de plusieurs groupes opprimés, donc on peut travailler pour plusieurs groupes militants à la fois en parallèle.

Beaucoup de militantes politiques sont jeunes, beaucoup sont au chômage. Il est difficile de trouver un espace où on peut militer en touchant des allocations ou en étudiant, encore plus difficile de trouver un emploi qui ne va pas à contre-courant de nos convictions. En attendant, on fait des groupes d'affinités, des lectures publiques, des cours d'auto-défense, des manifestations et de l'action directe ; mais notre militantisme et notre libération dépendent eux aussi d'une restructuration durable de la société.