nous sommes les buissons épineux
nous restons à l'écart
enragés et confus
nous jalousons le puissant rocher seul dressé
défiant brume nuage et pluie
quand l'eau dans l'air s'affale s'élève et retombe
sur le village endormi
nos rameaux dépouillés
invoquent la clarté
du jour qui perce
malgré tout
nous sommes les buissons décharnés
mais toujours vainqueurs
de l'hiver
Photo par Gilles Le Corre “Rainy day on a village in the clouds, like a movie set. December 24th 2021” – Courtesy of © Gilles Le Corre & ADAGP 2021
#photo #poésie #noussommes
nous voici
dressées dans la montagne
nous sommes de raides parois de roches grises
si fièrement abruptes
si fragiles pourtant
que les vents l'orage et la glace
nous rongent et nous creusent
le torrent nous ignore
se jette dans l'air pur
obstiné tendu vers la chute
vers l'océan
qui nous berçait
il y a si longtemps
quand nous crevions les cieux
océan désormais si lointain
hors de portée
de nos écroulements furieux
nous sommes des parois
solitaires et dénudées
mais les nuages nous embrassent
Photo par Sxates, licence CC BY-NC 2.0
#photo #poésie #noussommes
nous sommes tout petits soleils
plus ténus que têtes d'épingles
dans le grand noir de nuit
par milliards faibles et lointains
éclats de rien perdus
fragments sans vie
dans le vide
qui tournoient
en vain
“Starry Night” par varrqnuht, licence CC BY-SA 2.0
#photo #poésie #noussommes
tiolu tiola
nous sommes moineaux gris
passereaux ordinaires
la nuit repose
comme un rameau où l'on se pose
en espérant un vent léger
et par son souffle un libre envol
vers un matin bleu-gris
tiolu tiola
“Le moineau patient (Le Flayosquet, Flayosc France)” par Jean-Michel Guisiano, licence CC BY-NC-ND 2.0
#photo #poésie #noussommes
nous sommes
sur des fils tendus
dans le ciel d'octobre
oiseaux perchés
frémissant souvent
du désir intense
de partir
sans jamais savoir
vers quels nuages
laisser passer nos ombres
#poésie #noussommes
de nos corps dévastés
où ne demeure pas un gramme de nos chairs
nous avons fait peau neuve
nous nous dressons nus et fiers face au monde
nous lançons nos bras aigus comme autant de missiles
nous jetons nos cris là-haut vers la nuit
nous hurlons au ciel jusqu'à quitter la terre
face à nous la foudre même reste impuissante
car nous sommes la rage et la vengeance
la colère infinie des damnés de la vie
Photo par Gilles Le Corre “By the mountains surrounding the village”
By courtesy © Gilles Le Corre & ADAGP 2021
#poésie #photo #noussommes
nous sommes les herbes sèches de la garrigue
que le soleil enflamme
nous sommes les flancs des collines
qui s'écartent pour ouvrir la vallée
nous sommes les arbres qui essaient de rejoindre le ciel
Photo par Gilles Le Corre “By the moutains near the village” D300S-0269BW-2021 July 20th – By courtesy © Gilles Le Corre & ADAGP 2021
#poésie #photo #noussommes
nous sommes
nous sommes l'herbe des champs
la lueur de la led la lenteur d'un moment
nous sommes crainte et fureur et sommeil
nous sommes l'orage et la pluie de septembre
nous sommes l'erreur, le syndrome et la parenthèse
nous sommes sans mesure ni surface
ni centre ni circonférence
ni profil ni relief
nous sommes proches et nous sommes lointains
nous sommes des arbres, des pylônes et des trains,
des nuages, des chaussures et des chemins
nous sommes des riens
nous sommes les autres
et les mêmes en même temps
nous sommes tout et rien et le très peu qui les sépare
nous sommes nous hommes
#noussommes
nous sommes des trains
nous sommes des trains qui se croisent
se frôlent et s'ignorent une fois hurlés nos cris d'alerte
nous vibrons de colère
nous lançons des éclairs sur les caténaires
nous dansons impeccables sur des rails rouillés et luisants à la fois
nous sommes des trains qui foncent sur leurs vies parallèles
qui pourtant peuvent prendre tant d'autres voies
nous sommes des trains qui foncent dans la nuit
pour chercher des quais vides et des gares oubliées
« intersection de deux parallèles » par OliBac, licence CC BY 2.0
#poésie #photo #noussommes
nous sommes des hommes des femmes
pêle-mêle au sol rompant de rage
les jouets menteurs du sommeil
nous sommes femmes en guerre enfuies du troupeau
nous sommes des hommes sans trêve ni repos
la pluie nous abreuve le soleil nous bénit
chacun de nos pas marque d'une empreinte profonde
la boue des origines et l'étoile qui nous veille
nous sommes des femmes des hommes
qui savent quand se taire mais jamais quand mentir
nous parlerons à l'envers sans trembler
pour arracher leur masque aux mots cachés
demain nous fêterons nos instants de victoire
d'un grand bond par-dessus la rivière oubliée
“Crossing the River” par Katia de la Luz, licence CC BY 2.0
#poésie #photo #noussommes