Gregop1.dev

Voilà quelques années que je traîne mes guêtres dans le domaine de la tech. À bien y réfléchir : premier Amstrad à 10 ans, belle époque où l'on tapait le code de nos jeux avant de pouvoir y jouer ; autant dire que je développe depuis une trentaine d'années... Les deux du fond qui ont soupiré “un papy qui code”, je vous ai vu, ok ? 30 ans, ce n'est pas si vieux et ces années me permettent de commencer à avoir du recul sur la profession et sur ce qu'elle devient, sur sa place et ses particularités au sein de la société dans son ensemble. Les salaires appliqués dans le monde de la tech font l'objet de nombreuses promesses, de nombreux fantasmes et j'aimerais aujourd'hui que nous prenions un peu de recul, quelques minutes pour réfléchir à tout ça.

Le salaire n'a jamais été un tabou pour moi aussi, aussi je peux vous dire sans difficulté et pour lever toute ambiguïté que je suis directeur technique à Lille et que je gagne à ce jour 40K€ brut + une prime de participation aux bénéfices de la scop Les-Tilleuls.coop. Le niveau de mon salaire, que beaucoup estiment bas pour mon poste, n'est pas le fruit d'une limitation imposée par ma boîte mais une opinion personnelle sur la valeur de mes qualifications, mais nous aurons l'occasion de revenir sur ce sujet.

Comme beaucoup, en sortant de DUT, je m'étais vu promettre des sommes mirobolantes (à l'époque on parlait de 30K€, aujourd'hui c'est parfois 50). Comme beaucoup j'y ai cru. Comme beaucoup j'ai été déçu quand j'ai touché le SMIC pendant 4 ans dans une petite agence. Déçu mais heureux malgré tout : j'avais la chance d'avoir un travail, je faisais des horaires de malade et je vivais de ma passion... la fameuse passion des développeurs. Plus ma carrière avançait et plus j'étais convaincu que les salaires de junior qu'on nous avait fait miroités étaient un mirage ou au mieux n'étaient proposés que par les grosses SSII au turn-over démesuré, qu'à force, les écoles ajusteraient leurs discours pour coller aux réalités du marché. Les discours n'ont pas changé mais le marché l'a fait.

Un marché en expansion, une pénurie de développeurs seniors, la starification des grands gourous du milieu... Les raisons sont nombreuses pour expliquer l'escalade des salaires que nous observons depuis plusieurs années. J'ai eu un échange très intéressant avec Shirley Almosni au sujet de ce qu'on doit attendre des salaires dans la tech et j'étais stupéfait de voir sur le même réseau que des gens disaient de Dan Abramov (un évangéliste de React) qu'il était sous payé avec ses 130K$. Que faisons-nous de nos journées pour mériter pareils salaires ? Qu'apportons-nous à la société pour mériter d'être autant valorisés ? Bien entendu, certains d'entre nous développent des applications dans le domaine de la santé, de l'éducation, ... Mais les autres ? Sauvons-nous quotidiennement des vies comme peuvent le faire les infirmiers ou les éboueurs ? Participons-nous à l'éducation des générations futures ? Non, la plupart d'entre nous, travaillent au service de la communication ou de besoins presque futiles. Loin de moi l'idée de dire que notre travail ne sert à rien, mais peut-être faudrait-il redescendre sur terre et réaliser que notre force de travail ne mérite pas un tel écart de salaire par rapport à des infirmiers, des éboueurs, des caissières et des professeurs, toutes ces personnes que la crise du Covid-19 a révélées comme indispensables pour ceux qui en doutaient encore (je parle de leurs vrais salaires, pas des pseudos statistiques orientées pour les décrédibiliser). A titre d'exemple et en s'appuyant sur le barème de l'AFUP et la grille indiciaire hospitalière, le salaire moyen d'un développeur en 2019 s'élève à 43500€ contre 28900€ pour un infirmier. (j'aurais préféré utilisé les salaires médian mais je manque d'information du côté des infirmiers, si vous avez les infos je suis preneur).

Peut-être, me direz-vous, qu'il faut niveler les salaires par le haut, et vous auriez raison... si le marché était stabilisé. Ce n'est pas le cas. Chaque année, les salaires des développeurs grimpent en flèche et nous ne pourrons jamais équilibrer les salaires des différents corps de métier tant que nous ne freinerons pas cette course folle. En tant que recruteur, il est difficile d'arrêter cet engrenage sans passer pour un radin mais peut-être que les développeurs seniors+ devraient se responsabiliser, prendre du recul, redescendre du piédestal sur lequel ils sont ancrés depuis longtemps et réaliser qu'ils ont les armes pour arriver à un équilibre plus sain, un marché plus juste. Peut-être est-il temps également de s'intéresser à d'autres formes de valorisations : participation aux décisions d'entreprise, aménagement du temps de travail (j'en parlerai très certainement dans d'autres articles), ...

Revenons sur le sujet des salaires. J'ai étudié dernièrement les théories de Bernard Friot et il me semble important de contribuer à leur propagation. Économiste de formation et aujourd'hui sociologue, Bernard Friot a orienté ses travaux de recherche sur la sociologie du salariat (autant dire que c'est pas Jo le rigolo). La thèse qui nous intéresse aujourd'hui concerne le salaire à la qualification personnelle.

Avez-vous déjà entendu un retraité dire :

Je n'ai jamais autant travaillé mais je suis heureux car je sais que je peux le faire et que l'argent tombe tous les mois.

Il est intéressant de voir que nos aînés, bien après l'âge de la retraite, continuent à contribuer d'une manière ou d'une autre à la société, à créer de la richesse pour la communauté et sont beaucoup plus heureux de le faire car ils ne sont plus soumis au chantage de l'emploi. De ce constat et de l'idée de lier le salaire à l'individu plutôt qu'à l'emploi, Friot dépeint un monde où la relation au travail serait assainie. Il propose de verser un salaire inconditionnel depuis la majorité civile jusqu'à la mort, période où on considère qu'une personne peut contribuer à la communauté, en fonction de ses qualifications personnelles. Peut-être serez-vous de ceux qui imaginent que cette société favoriserait l'oisiveté mais connaissez-vous beaucoup de gens qui se complaisent à ne rien faire ? Je ne parle pas des fantasmes de chaînes d'information mais bien de personnes que vous connaissez réellement.

C'est la définition du travail qu'il faut revoir intégralement. La notion même de travail a perdu toute saveur en étant constamment associée à l'argent. Même malheureux ou en situation de burn-out, il faut se cramer un peu plus et surtout ne pas se faire licencier : il y a un loyer à payer, une voiture à rembourser, ... À force de le confondre avec l'emploi et la création de richesses capitalistes, nous avons accepté le fait que cette définition excluait complètement les tâches de tous les jours qui n'étaient pas liées aux entreprises mais n'en étaient pas moins importantes : les tâches domestiques, l'éducation des enfants, le travail associatif, ... Difficile de dissocier la valorisation de ces tâches de celle réclamée par les féministes depuis des décennies. Il est plus que temps de leur donner raison (et aussi de partager leur exécution tant qu'on y est).

Ce salaire à la qualification personnelle serait donc garanti, même en cas de changement de carrière (facilitant les reconversions) et pourrait évoluer entre 1500 et 6000€/mois, en fonction de grades qu'il faudrait valider, par des concours par exemple. En plus de supprimer l'aliénation au travail, cette perspective nous permettrait de réduire considérablement les écarts entre métiers requérant des qualifications différentes et de supprimer la dépendance au marché et à ses fluctuations basées sur des critères obscurs.

Réalisable dans une économie néolibérale ? Bien sûr ! Bernard Friot ne sort pas cette théorie de son chapeau, tout est déjà entre nos mains. Certains d'entre nous vivent déjà avec ce système : les travailleurs de la fonction publique, ceux que les états successifs n'ont eu de cesse de dénigrer puisque leurs revenus échappent totalement aux règles du marché. Friot propose d'élargir ce statut à l'ensemble de la population en socialisant peu à peu les entreprises. Ces dernières n'auraient plus à payer directement leurs employés mais verseraient une cotisation à une caisse qui s'occuperait de la redistribution. Bien évidement, ce changement ne peut se faire sans que les employés occupent plus d'importance au sein des prises de décision des entreprises., mais étant collaborateur au sein d'une scop, vous vous doutez bien que je milite pour étendre ce genre de pratique.

C'est parce qu'elles s'ancrent dans notre vie de tous les jours que les théories de Bernard Friot sont intéressantes. Elles sont actuelles et pas du tout utopiques. Elles contribuent à valoriser les individus plutôt que la possession et permettent d'envisager un futur plus juste et beaucoup plus épanouissant pour l'ensemble de la société.

Puisque cet article déjà trop long, ne peut être exhaustif, si vous souhaitez creuser le sujet, je vous invite à voir cette vidéo d'Usul, cet échange avec Frédéric Lordon ou mieux si vous avez un peu plus de temps et que vous souhaitez mieux comprendre le personnage, à regarder sa conférence gesticulée.

Encore un mois de Novembre à entendre une bonne dizaine de fois “Quoi tu ne fais pas Movember ?”, “Ben tu te laisses pas poustache ?”, “Encore un qui est trop fier pour se taper la honte avec nous.”

Ce qui est assez drôle quand on demande aux gens pourquoi ils font Movember, c'est que la plupart ne savent même pas que le mouvement d'origine est de déclencher un élan de soutien envers la recherche contre les maladies masculines (on prend souvent le cancer de la prostate comme exemple). Au final pour ces gens là, quel est le but ? Suivre tous leurs potes/collègues qui le font ? Faire un concours de celui qui a la plus grosse, la plus touffue ou la plus moche ?

Pour certains Mo-bro (il fallait bien un nom cool pour parler des gens hyper cools qui suivent cette vague), la démarche est plus perverse puisque j'ai entendu cette année à plusieurs reprises des commentaires du genre :

Mec, j'ai remporté 450 euros moi, t'es loin de tout ça, toi.

... Et oui, il y a un classement officiel de ce que les gens rapportent... C'est à se demander si le but est de soutenir une cause ou l'ego de petites personnes.

Ce qui m'énerve sans doute le plus c'est l'hypocrisie qui se cache derrière tout ça :

En devenant Mo-bro ou en donnant pour Movember vous aidez un malade”.

Alors quoi ? Je donne une fois et ma conscience est tranquille pour le reste de l'année ? Si c'est le cas, votre conscience se satisfait de peu.

Vous voulez aider un malade ? Commencez par regarder autour de vous. Je suis sûr que vous en trouverez au moins un. Sida, cancer, sclérose, maladies chroniques... Nous vivons dans un monde où nous connaissons tous quelqu'un victime d'une maladie grave. C'est malheureux mais c'est ainsi. Vous pensez que ces malades se lèvent le matin en se disant : “Staline, Tom Selleck et Pablo Escobar ont soutenu la cause de la moustache... Wow ça va mieux, je vais vraiment passer une bonne journée” ?

Vous souhaitez aider ce proche ? La première étape est d’arrêtez de le mettre de côté, de prendre des décisions pour lui ou elle. Soyons honnêtes, on s'est tous déjà dit au moins une fois : “on ne va pas lui proposer cette sortie, ça sera trop fatiguant pour elle dans son état, ça lui fera mal au cœur de dire non”, “il dit toujours non quand on va au sport, ça me saoule, on ne lui en parle plus”, “avec ses allergies, on ne va pas l'inviter, il va juste nous regarder manger, c'est pas cool pour lui”. Nous n'avons aucun droit de décider ce qu'une personne peut ou ne peut pas faire. C'est à elle seule de prendre ces décisions. Quand on le fait à sa place, on se contente juste de lui enlever une liberté de plus. La liberté de choisir quelle sont les limites à ne pas franchir. Là où, parfois armé de bonnes intentions, vous tentez de protéger une personne, en réalité vous l'isolez encore plus. Moche, non ?... Mais bon pas de stress, tout va bien, on se laisse pousser la moustache une fois par an...

Vous voulez aider un proche malade ? Vraiment l'aider ? Appelez-le. Appelez-le et demandez lui comment il va.

“J’ai demandé de ses nouvelles à quelqu’un et on m’a dit qu’il allait bien”.

“Ouais mais si je l’appelle et qu’il me dit qu'il ne va pas bien, je ne sais pas quoi lui répondre”.

Bullshit ! C'est si terrible de l'écouter parler de son quotidien ? Pensez-vous réellement qu’il vaut mieux que personne ne demande et que cette personne ne puisse jamais en parler à qui que ce soit. On a le droit de demander à un malade s'il va bien, ce n'est pas une gaffe, il n'y a aucune honte à ça, et c'est tellement plus humain que d'ignorer sa souffrance. Appelez-le et écoutez ce qu'il vous dit, parlez de tout et de rien comme vous le faisiez avant.... Oui comme avant. Cette personne est malade, elle n'est pas morte. Des choses ont changé pour elle et son entourage mais rien ne devrait avoir changé pour vous. Malade, on peut encore se réjouir des même choses, bien souvent on les apprécies même encore plus. Malade, on peut encore sortir, rire et vivre alors aidez cette personne à ce que tout soit comme avant. C'est à chacun de définir ses propres limites, à chacun de déterminer ce qui a changé. Quand vous n'appelez pas, quand vous ne l'invitez plus, quand vous détournez le regard ou que vous vous réfugiez derrière votre peur de blesser, tout ce que vous faites, c'est condamner un peu plus. Et puisque vous êtes au téléphone avec cette personne, pourquoi ne pas en profiter pour demander aux grands oubliés comment ils vont : aux enfants, à la conjointe ou au conjoint de la personne malade. Ces personnes sont tout autant victimes, elles ont d'autres souffrances, doivent être fortes constamment sans broncher et subissent le même isolement. Peu de personnes s'inquiètent réellement de savoir comment une famille vit la maladie. Pour ça aussi, tout va bien parce qu'on se laisse pousser la moustache ?

Qu'on soit clair, je soutiens bien évidemment les personnes qui croient sincèrement en ces causes. Bien sûr qu'il faut continuer à donner pour la recherche mais je ne pense pas que tous les engagements ont la même valeur. Faire un don pour un pari ou pour se moquer d'un pote, certes c'est un peu d'argent mais ça ne fait absolument pas adhérer à une cause et surtout, pour certains, ça sert juste à se donner bonne conscience. Nous avons tous la possibilité d'améliorer la vie de personnes malades proches de nous, il suffit de leur laisser la porte ouverte et de leur accorder un peu d'attention. Ça ne dépend nullement d'un événement Facebook, d'un mois en particulier, de notre genre ou de notre culture, il s'agit juste d'une attitude à adopter.

Et maintenant que tout ça est dit arrêtez de me casser les couilles avec ma barbe chaque année. Sinon je me rase les bollocks et je vous mets les poils sous le nez comme ça vous pourrez faire Movember tous les mois.

Auprès de mes proches, après quelques échanges à l’Université Catholique de Lille ou régulièrement, lors de conférence, à l’évocation du statut des Tilleuls, une SCOP, les premières réactions sont toujours les mêmes :

Ça ne pourra pas marcher votre machin quand vous grossirez.

De toutes façons, votre truc, c’est juste une utopie gauchiste.

Pour replacer les choses dans leur contexte, je vais revenir brièvement sur ce qui définit cette forme d’entrepreneuriat collaboratif. Une Scop, c’est une entreprise comme les autres où les décisions importantes sont prises par un collectif d’actionnaires plus ou moins nombreux. La différence c’est que chez Les-Tilleuls, tous les employés sont amenés à devenir collaborateurs et qu’aucun actionnaire externe ne peut devenir majoritaire. Comprenez par là que toutes les décisions : de stratégie, de gestion du personnel, de définition de budget, de salaire, de vie commune, absolument toutes les décisions importantes passent par moi… et les autres collaborateurs bien entendu. Bien évidemment, tout le monde n’est pas d’accord et certains débats houleux peuvent donner lieu à des échanges musclés… Musclés, oui, mais transparents, sains et très constructifs… si si, je vous assure, c’est possible et ça change tout.

Que se passera-t’il quand nous grandirons ? On posait déjà la question aux Tilleuls alors qu’ils n’étaient que trois. Nous sommes aujourd’hui cinquantes. Cinquantes… Toujours vivants, toujours debout (il fallait bien une référence pseudo communo-anarchiste pour donner raison aux rageux). Nous avons déjà cinq antennes, aussi notre futur, pourrait passer par la mise en place d’un système de votes par groupe : un groupe restreint de collaborateurs prend une décision sur un sujet donné et choisit un représentant pour défendre cet avis auprès des représentants des autres groupes. À terme, si l’entreprise est immense, ce processus pourrait être itéré plusieurs fois jusqu’à obtention d’une décision finale. L’objectif étant de conserver, à chaque étape, un nombre de votants productif et cohérent. Ceci n’est qu’un exemple et les possibilités sont nombreuses, la bonne nouvelle étant que nous choisirons nous-même celle qui nous correspond le mieux. Vous n’y croyez pas une seconde ? Rassurez moi, vous n’avez pas prévu de vous enfermer dans un isoloir prochainement ? Si c’est le cas j’ai du mal à comprendre car je vous parle ici d’un processus réellement démocratique où les représentants changent à chaque fois en fonction des sujets et des décisions et vous le mettez en doute pour défendre la farce démocratique dans laquelle nous sommes enfermés ? Toujours pas convaincus ? Vous êtes durs en affaires, vous. Dans ce cas, j’imagine que vous parler de réussites telles qu’UTB ou le thé éléphant ne vous fera pas changer d’avis ?

A quel point l’Homme a-t’il été formaté pour croire aujourd’hui que les gens sont incapables d’être autonomes, de penser, de créer et d’entreprendre par eux-mêmes ? Comment peut-on craindre d’avoir plus de libertés et plus de responsabilités ? Quand l’Homme a-t’il cessé de croire en ses congénères pour s’abriter dans le confort des directives ?

Pour les gens qui m’ont posé cette question et ceux qui me la poseront à l’avenir, laissez-moi vous la retourner. La plupart des salariés vivent aujourd’hui dans de petites entreprises avec un patron. Cette personne peut — tout le monde n’abuse pas de ce pouvoir — prendre des décisions pour dix personnes sans concertation. Elle a le droit de vie et de mort (professionnelle… quoique) sur ce petit groupe et du jour au lendemain peut décider de vendre, de changer de stratégie, d’adresse, de pays…

“Bon, ça marche avec dix employés votre truc mais quand vous serez 40, 500, 20000, les gens ne pourront pas accepter ça quand même : une seule personne, qui ne vous connaît pas ou plus et qui prendrait des décisions à votre place… des décisions qui ne collent absolument pas à vos besoins, à vous, les personnes qui font tourner cette société… Vous vous rebellerez non ? Votre machin là, ça ne marchera pas quand vous grossirez ? Si ? Ah !”

Au final, de vous à moi, qui est le plus fou ? L’Homme empreint de liberté ou celui qui y a renoncé ?

— Dis-moi Angular, ça fait combien de temps qu’on se connait ? Oui, je sais… C’est idiot, comme question. Tu ne le sais sans doute pas. Comment pourrais-tu le savoir d’ailleurs ? J’ai craqué pour toi quasiment au premier regard quand toi, de ton côté, tu m’ignorais. Encore aujourd’hui je me dis parfois que tu m’ignores… C’est vrai au final après tout. M’as-tu, ne serait-ce qu’une fois, regardé ?

Tu es arrivée de nulle part en 2009. Tout le monde ne parlait que de toi, de ton regard neuf sur le métier, de ton côté visionnaire, des volutes de fraîcheur que tu dégageais. Malgré les pulsions qui m’étreignaient, ma curiosité débordante et mon goût du risque, j’ai attendu un bon moment avant de me renseigner sur toi. Il faut bien avouer que mon cœur d’artichaut ne m’encourageait pas particulièrement à m’éprendre à nouveau d’un framework JS. C’était une époque de librairies brillantes et éphémères et j’étais persuadé de ne pas supporter de m’attacher à nouveau à une comète. C’est finalement en 2013 que je t’ai laissé entrer dans ma vie et il n’aura pas fallu longtemps avant que tu ne l’envahisses complètement. J’ai commencé par te tourner autour discrètement, me renseignant à droite à gauche auprès de personnes qui s’intéressaient déjà à toi. Plus j’en apprenais à ton sujet et plus ta vision me plaisait. Le hic! c’est qu’il était déjà trop tard. Nombreux étaient ceux à avoir déjà succombé à tes charmes et moi, là dedans, je n’étais rien… un mouton de plus à suivre le moindre de tes faits et gestes, oubliant toutes mes croyances, mes anciens rites pour ne me consacrer qu’aux tiens.

L’eau a coulé sous les ponts et de nouveaux acteurs ont débarqués avec leurs gros sabots et des moyens importants. Sans doute attirée par le charme de la jeunesse, la meute qui te suivait s’est lentement dispersée pour chercher une herbe plus verte ailleurs. Tout ça semblait tellement attirant… Pourtant j’ai tenu bon. Je suis resté à tes côtés. Oh! Certes, je n’étais pas le seul. Nous étions encore nombreux à te rester fidèles, à crier à l’effet de mode, à renier tes concurrentes, à te défendre betes et ongles, à te défendre envers et contre tout, envers et contre tous… aveugles que nous étions.

Un jour, peut-être par crainte d’être oubliée, tu as hurlé au monde entier que tu allais changer, que tu allais balayer ton passé, faire table rase de tout ce que tu avais vécu pour renaître de tes cendres. Tu souhaitais apprendre une nouvelle langue, être plus rigoureuse, mettre de l’ordre dans ta vie, changer de nom pour prendre celui d’Angular 2.0. Beaucoup ont pris peur mais pas moi. Moi, j’ai vu une opportunité formidable : celle de ne pas arriver en retard cette fois, de ne pas être bloqué dans la friendzone ad vitam eternam, d’accepter tes qualités et tes défauts et d’embrasser le chemin que tu traçais pour toi... pour nous. J’ai bu chacune de tes paroles, accepté tes vérités comme étant miennes, j’ai commencé à tracer des plans sur la comète pour toi, ta copine Material Design et moi. J’étais prêt à tout. Même quand tu t’es rapproché de Microsoft pour changer de langue, je n’ai rien dit. La seconde fois où tu as dit que tu allais tout changé, ma motivation n’a pas cillé. La troisième, la quatrième, toujours là… toujours fidèle. C’est au bout de ton cinquième puis sixième changement consécutif en 6 mois que j’ai commencé à avoir des doutes. Je les ai d’abord balayé d’un revers, pensant que le problème venait de moi, mais en parlant à mes congénères, force est de constater que tu as un problème Angular. Bi-polarité, lunatisme, appelles-ça comme tu veux, je m’en moque, mais reconnais-le. Tu as beau crier sur tous les toits que tu es stable depuis un mois, je ne peux plus te croire, tu es branlante depuis bien trop longtemps. Je t’ai donné mon temps, mon cœur et toi tu les as jetés, tu les as piétinés. Tu t’es bien foutu de ma gueule. Aujourd’hui tu voudrais qu’on fasse comme si de rien n’était ? Non, c’est hors de question ! J’ai déjà pris mes distances avec toi pour me protéger un minimum de ce que tu devenais et puis tiens, puisqu’on en est à se blesser l’un l’autre, je peux bien te l’avouer maintenant : ça fait déjà quelques mois que je fricote avec React. Non c’est pas un accident, mais tu voulais que je fasse quoi en même temps? Je t’ai toujours soutenu. J’essayais de te suivre dans chacun de tes virages malgré tout ce que ça impliquait pour moi, et toi ? Toi, sûre de ta popularité, tu t’en fichais complètement. Tu m’as méprisé ! Tu fais chier Angular ! T’as tout gâché.

..

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Écoute. L’histoire avec React c’est pas sérieux. Je l’ai à peine effleuré. Je vais pas te mentir, j’ai eu envie d’aller plus loin, mais je ne veux pas renoncer à toi. Je me sens coupable d’avoir eu cet écart. J’ai du monde qui frappe à ma porte : Elm, Programmation Fonctionnelle, mais je ne peux pas leur ouvrir. Je me remémore sans cesse des moments qu’on partageait du temps où tu aimais qu’on t’appelle 1.5. Je n’arrive pas à te mettre derrière moi. Pas après tout ce qu’on a vécu, pas avec tout ce qu’on pourrait encore vivre. Je ne veux pas te perdre.

Peut-être que si tu arrivais à te poser un peu… qui sait ? Avec le temps, peut-être qu’on arrivera à se faire confiance à nouveau. S’il te plaît, fais cet effort et j’en ferai de mon côté aussi. J’aime croire qu’un jour je pourrai changer mon statut facebook, l’actuel me saoule. Il témoigne juste du fait qu’entre toi et moi, Angular, c’est compliqué.

A l’abordage !

Sans attendre que les corps refroidissent complètement, les charognards se ruent... Quelques heures à peine nous séparent du plus grand rassemblement jamais vu en France que les plus avides de nos politiciens jouent déjà des coudes pour imposer leur vision d’une France où nos libertés seraient amoindries.

A-t’on assisté aux mêmes manifestations ces derniers jours ? Toutes ces personnes réunies avec des panneaux “Je suis Charlie”, le faisaient-elles dans l’idée de commettre les mêmes erreurs que les Américains, guidés à l’époque par la peur et qui le regrettent en grande partie aujourd’hui ? Voulaient-elles abandonner à jamais leur ado un peu paumé, devenu apatride (si on suit le projet de Nicolas Sarkozy), qui a trouvé un réconfort à son mal-être auprès de mauvaises personnes ? Puisqu’il s’agit bien de séparer des familles dans le cas présent me semble-t’il.

Au problème de sur-contrôle et d’exclusion, on nous propose plus de contrôle et d’exclusion ? Vraiment ?

Merci mais non merci !

Si au lieu de partir à la chasse aux sorcières comme certains le souhaiteraient nous essayions d’identifier le problème à la source ?

À ces “brillantes” idées, ces “révolutions” patriotiques, j’aimerais opposer une question : d’où viennent ces jeunes terroristes (Coulibaly, Kouachi, Merah, …) qui ont causé plus de vingt morts sur le territoire français ? De pays du Maghreb ? D’un quelconque Emirat ? Non ! Chacun d’entre eux est né en France.

Dans ce cas, sans doute sont-ils nés Djihadistes ou Islamistes radicaux ? Vous y croyez vous ? Alors, comment en sont-ils venus à tant de violence ? Ça ! C’est LA bonne question.

L’homme naît naturellement bon et c’est la société qui le déprave

Il y a un point commun entre ces terroristes, ces ados qui proclament en classe que les journalistes méritaient ce qui leur est arrivé, ces jeunes qui partent en Syrie livrer une guerre qu’ils comprennent à peine : ils sont tous paumés, influençables.

De tous temps, des manipulateurs ont profité d’esprits fragiles et désorientés pour augmenter leur influence et maximiser leurs profits. Ceux qu’on appelle aujourd’hui recruteurs au Djihad ont servi, en d’autres temps, des causes diverses (au final, l’idéologie qui se cache derrière n’est qu’un outil) en employant les mêmes méthodes d’enrôlement. Bien sûr, ce genre de personnes doit-être combattu, mais pourrait-on remonter encore plus à la source du problème : pourquoi ces esprits sont-ils si faibles ? Pourquoi ces jeunes sont-ils à ce point désorientés ?

Marche ou crève !

Nous vivons dans une société basée sur la consommation et la propriété. Si certains ont la chance de vivre de leur passion (et c’est mon cas), nous avons tous l’obligation d’avoir un revenu, la nécessité d’avoir des amis, un réseau de personnes qui reconnaissent notre valeur et nous jugent aptes à faire partie de leur groupe. Toute personne sortant de ce cadre, est considéré comme bizarre… marginale. C’est en cherchant à s’élever au mépris des autres, consciemment ou non, qu’est né l’échec social. Échec dans lequel beaucoup trop de jeunes aujourd’hui s’identifient.

Il serait facile de désigner des coupables :

Les familles qui renient sans cesse l’échec de leur méthode d’éducation et leur renoncement. une Education Nationale dont les malheureux agents de terrain sont contraints d’appliquer des méthodes qui ne correspondent plus du tout aux besoins actuels. Les politiques, les grands groupes, la télévision, les religions, le capitalisme …

La vérité, c’est que nous avons créé une société de consommation individualiste sur le dos de ceux qui ne pouvaient en faire partie. Aujourd’hui, cette société crée de plus en plus de clivages, livrant les plus délaissés à tout esprit suffisamment malin pour les rassembler sous sa bannière. Nous avons craqué l’allumette qui nous consume à petit feu.

Que vous le vouliez ou non, mon indifférence a accouché de Mohamed Merah, vous avez élevé les frères Kouachi et nous avons tous contribué à la haine qui a poussé Amedy Coulibaly à commettre ses crimes.

Nous sommes tous Charlots !

A l’heure où nos chers politiques vont faire feu de tout bois pour asseoir leur pouvoir, apposer leur noms sur une loi et faire passer leur ineptie par la peur, peut-être serait-il temps de se demander ce que nos souhaitons pour les enfants de demain : plus de contrôle ? moins de liberté ?

J’aimerais être assez naïf pour croire à une société où la laïcité aurait un vrai sens : on accepte tout le monde, toutes les cultures, sans jugement, sans chercher à changer personne; un futur où on courrait après le plaisir plutôt que le profit. Ce monde est sans doute beaucoup trop utopiste !

Cependant, je pense qu’il est à notre portée de créer un environnement où nos enfants seront appréciés pour ce qu’ils sont et pas pour leur ressemblance avec un standard idéaliste et incontestablement irréel, qu’ils puissent être libres de penser ce qu’ils veulent, libres de l’exprimer, libres de vivre selon leurs valeurs, libres d’être qui ils sont … qu’ils puissent être les Charlie que nous n’avons pas été.

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