Issue #18 : Un dîner en famille

[Absolute Carnage : Separation Anxiety]

Hello, lecteur ! Aujourd'hui on va s'aventurer dans un territoire bien plus sinistre qu'à l'accoutumée. J'avais pas prévu de parler de ça comme ça mais ça m'est arrivé sur le coin de la gueule et pour la première fois de ma vie j'ai du fermer une BD Marvel et la poser de côté parce que je mensentais pas bien. Et c'est ce tie-in à la saga “Absolute Carnage” qui est actuellement en cours chez Panini Comics France dont je vais parler. Pose ton sac et penche toi au-dessus de mon épaule pour lire avec moi...

Scénario : Clay McCleod Chapman Dessins : Brian Level Encrage : Brian Level Couleurs : Jordan Boyd Traduction : Laurence Belingard Lettrage : Christophe Semal Editeur : Marvel (VO) / Panini Comics (VF)

PLOT : Carrington Cottage, Colorado. Un berger allemand parcours les rues, semblant errer sans but. Il s'arrête lorsqu'il entends une petite fille pleurer. Cette petite fille, c'est Sadie. Elle est assise sur le porche de sa maison, à l'intérieur ses parents crient et hurlent entre eux. La mère projette de partir avec les enfants. Sadie est à bout de nerfs avec ces histoires. Ses parents ne font même plus attention à elle ni à son frère. Le chien ayant l'air plutôt paisible et ne portant pas de collier, elle le fait entrer mais il s'arrête devant le salon ou les parents se disputent tandis qu'elle monte chercher son petit frère mais alors qu'elle reviens, le chien se décompose en une nué de tentacules et de masses gluantes multicolore, engloutissant son père sous et yeux et le transformant en un hideux monstre. C'est le début de l'horreur pour Sadie.

MON AVIS : La chose qui a possédé le père n'est en réalité que l'un des cinq symbiotes descendants de Venom dans la série éponyme des années 90. Il y avait Scream, Agony, Phage, Pogo et Doberkiller. Knull a réuni ces symbiotes en une entité appelée Hybrid qui est désormais séparé de Scream et possède l'apparence d'un chien depuis une aventure avec Deadpool.

Je ne connais personne de l'équipe créative ici, je partais donc à l'aveugle sur ce titre. Ceux qui ont lu le truc savent que ça fait partie d'un album avec une autre histoire en trois partie mais celle-ci m'a tellement marqué que j'ai préféré parler de celle-là plutôt que de l'album dans l'ensemble.

Des le départ j'étais préparé à être un peu mal à l'aise. Des gosses en larmes pendant que les parents s'étripent verbalement, c'est jamais facile. Ce n'est pas non plus une première dans un comic-book Marvel. Des gamins à la dérive et un cadre social difficile c'est bien connu de nombreux héros mais le sujet est rarement abordé de façon aussi cauchemardesque.

Tous les éléments, du scénario au dessin en passant par la mise en page, est fait pour qu'on soit témoins de l'horreur d'une gamine qui vois ses parents transformés en monstre et qui va absolument tout essayer pour leur échapper. En voyant la gamine pleurer lorsque la mère se relève après un assaut du père, elle aussi transformée, je n'ai pas pu m'empêcher de penser aux larmes de la gamine (pourtant plus âgée) dans Locke and Key. Les symbiotes sont utilisés comme de purs produits de films d'horreur. Tentacules, crocs, griffes, tout ce qui peut peupler les plus affreux cauchemars d'un môme sont au rendez-vous.

Mais malgré tout, l'instinct de Sadie se mets en marche et désormais son cerveau ne carbure plus qu'à une seule chose, un seul objectif : survivre. Et c'est ce qu'elle fait tout au long de l'épisode, tentant de fuir tout en protégeant son frère. La maison familiale devient alors un effroyable piège à souris avec des parasites extra-terrestres vicieux et sadiques à la place du chat. Sadie court, grimpe, rampe, saute, cours, se cache, fonce, mais les symbiotes la suivent inlassablement en jouant avec ses nerfs déjà fragiles : “Ce n'est pas ce que tu voulais ? Qu'on soit à nouveau réunis ? Avec ta mère... ton père... on peut se retrouver. Être à nouveau ensembles...

Personnellement je me suis pris au jeu, j'ai été happé par ces cases, j'étais vraiment avec Sadie à courir, à pleurer. Et quand son frangin se fait happer, le desespoir grimpe d'un cran, on sent que les possibilités s'amenuisent mais j'étais toujours à fond avec la gosse, à me dire “on est dans un comic-book Marvel, SPider-Man ou DareDevil va fracasser la porte et la sortir de là !” mais le seul bref répit viens de l'arrivée du voisin intrigué par le bruit et les cris provenant de la maison. Le pauvre passe de vie à trépas en un instant. Et Sadie s'accroche coûte que coûte mais les symbiotes jouent avec elle, la torturent pyschologiquement en l'invitant à table pour manger le cadavre du voisin. Et la pauvre gosse, elle pleure, elle pleure et moi j'attends la porte qui vole en éclats et un héros à la Captain America qui débarque en criant “laissez cette fille tranquille” mais rien n'arrive.

Alors que les symbiotent s'apprêtent à lui faire ingérer l'un d'eux pour qu'elle devienne comme eux, la petite fille fracasse le verre et saute de la table tandis que les symbiotes dans la salle à manger explosent de rage et de fureur, elle cours, elle fonce, je suis de tout coeur avec elle, mais la page... cette page...

Bon sang j'ai jamais été aussi mal de toute ma vie.

Le dessinateur a été excellent sur ce coup. La composition de la page, le découpage, les couleurs, les ombres, les mouvements de Sadie, on a l'impression d'être devant la porte, comme si on pouvait lui tendre le bras et la sortir de là, puis c'est la transition de profil ou l'enfant n'est plus qu'une silhouette enténébrée qui se fait happer dans la maison puis c'est le plan rapproché d'un morceau du visage d'une gosse terrorisée sous une masse de tentacules. Rien que pour l'imagerie et les extrapolations qu'on peut en faire, cette page et la suivante justifiaient pour moi l'excellence qualitative que je donne à cette histoire.

J'ai été ultra mal à l'aise mais bon sang, quelle narration ! Le dessin n'a pourtant rien d'extraordinaire au premier coup d'oeil et c'est ça qui fait sa force, un récit dramatique ordinaire noyé dans les affres de l'horreur. La symbolique de la maison toute-puissante qui avale littéralement ses habitants avec leurs espoirs et leurs malheurs. Le sujet de la séparation et la figuration des parents en monstres insensibles face à une enfant terrorisée qui fait tout pour leur échapper...

Je pourrais déblatérer pendant des heures sur le sujet mais ça ne contribuera pas franchement à l'article. Et toi, lecteur, je pense que tu aura compris que je ne suis plus objectif vis-à-vis de ce récit depuis un bon moment de ta lecture, mais je voulais juste dire à quel point cette histoire m'a fichu une claque. J'ai été marqué par ce récit. Tu ne sera probablement pas marqué comme moi ou peut-être même que tu le lira en te disant “Quoi il a pas réussi à lire ça d'une traite ? Mais c'est un gros fragile Kamen Reader !

Mais ça fait partie de ces récits qui touchent différemment les gens et pour moi c'était exceptionnel et intense et ce sera sans conteste ma grosse grosse surprise horrifique de l'année, qui plus est sur du Marvel. On sent qu'avec Carnage ils peuvent s'émanciper d'un cadre moralement plus juste et faire des histoires qui finissent mal (la gamine fait partie des symbiotes au final) et ça c'était vraiment surprenant. Je salue l'équipe créative pour ce joyau sinistre. Bravo.

NOTE : 🌕🌕🌕🌕🌕

BILAN : Une vraie claque, un récit bien angoissant et qui saisit toute l'horreur d'une gosse qui tente de survivre à l'horreur. Beaucoup d'originalité dans la mise en page tels que les cases lorsqu'elle improvise un lance-flammes avec l'aérosol ou encore la séquence à table lorsqu'ils parodient un repas familial de façon grotesque. Je ne conaissais ni Mc Cleod ni Level et je dois avoué que j'ai été vraiment impressionné tant par la qualité de l'écriture que de la narration visuelle et la qualité du dessin. Même si le reste de l'abum est bien, c'est néanmoins plus “propre” et plus “super-héros” que ce récit qui pour moi justifie à lui seul l'achat. Merci Panini de l'avoir publié.

#issues #marvel #vf