de la rivière à la mer

Pendant ce temps, la pluie sur la Palestine un instant le labné sur la table un instant la fille qui me dit je t’aime en kabyle en riant et un instant les murs remontent je prends la main de mon amie la course dans les rues inconnues de Ramallah

j’ai peur d’être coincé en Palestine.

Avant, m’a dit le franco-israélien, on faisait la fête à Ramallah c’était mieux qu’à Tel-Aviv plus underground il me dit avant c’était avant la première intifada il secoue la tête et j’ai l’impression qu’il est sincèrement triste – pourquoi les arabes font-ils toujours des histoires ? A la frontière l’officier barre mon visa quand je lui dis que j’étudie ici il me dit qu’il ne me croit pas

je panique j’ai peur d’être coincé en Palestine.

Idée de film un américain se retrouve amnésique avec les papiers d’un palestinien il erre de poste frontière en poste frontière

coincé en Palestine

Les checkpoints se ferment et il n’y a plus de sherout – les minibus ici sont comme au bled et partent quand il sont plein tant de choses ici sont comme au bled je m’y sentirai presque chez moi partout les feux d’artifice sur le mur j’apprends le mot tir de mortier la frontière se ferme je suis du mauvais côté celui qui peut se fermer pendant des jours

coincés en Palestine

Avant de partir tous les israéliens ont dit à B de ne pas traverser ce que les arabes font aux juifs pire aux juives ils vont te reconnaître, voir ta judaïté sur ton visage, ta démarche les palestiniens pensent que B est arabe et moi juive ils ont d’autres problèmes si la frontière se ferme pas de travail demain dans les champs les palestiniens savent que depuis longtemps on ne vient plus faire la fête à Ramallah

au risque d’être coincés en Palestine.

Dans les champs de lacrymo je trébuche sur une grande pierre lisse sans lire je sais c’est qu’il y a un agencement particulier à la tombe des martyrs, son portrait dans le salon de sa mère encadré sur un napperon fait au crochet il est mort ici dans les oliviers une bombe lacrymogène en plein thorax

pour toujours coincé en Palestine.

Quand je rentre j’ai sur le corps, l’eau des canons anti-émeutes je lave mes cheveux et je sens un bout de Palestine coincé dans mon crâne pas un éclat, pas une balle, autre chose un bout de Palestine coincé dans mon crâne quand il vibre je souffle et chante à voix basse hatikvah l’espoir de voir un jour la fête à Ramallah et danser de la rivière à la mer.