février

une femme allongée, suite à un accident de voiture -  capture d'écran de la série midnight mass

en février je lis pas, ou alors juste un peu : livre audio pour dormir, de la poésie que j'oublie, en février je lis pas je respire pas en février je dors tôt je me lève encore plus tôt, sommeil négatif, poitrine manque d'air, yeux se creusent et je me dis : encore

en février je regarde, obsession films d'horreurs un puis deux puis trois des séries à la pelle, je me remplis de jump scares, tâches de sang au plafond portes corps qui se tordent ; l'œil sec, j'oublie mes paupières et que j'ai le droit de pas regarder, je regarde tout, sur ma peau chair de poule tout le temps j'ai froid je m'en rends pas compte, j'ai des engelures ambiance plan grand froid la vérité j'ai pas quitté le salon depuis des jours.

quelques heures quelques jours je suis hanté mais pas par moi, je suis hanté comme un manoir je suis hanté comme une île je suis hanté comme une basilique. je suis pas une basilique, je suis rien qu'un corps un peu vermoulu alors ça me fait du bien d'être une basilique en belle pierres avec des arches et des gravures.

dans les films d'horreur il y a plein de fantômes, je répète : vivre avec ses fantômes jusqu'à ce que cette phrase ne veuille plus rien dire. t'es là t'es pas là t'es mort t'es pas mort, souvent j'oublie, dans le canap l'après midi je ne me souviens plus vraiment de qui est vivant et de qui est mort c'est pour ça qu'on regarde des films d'horreur, pour être hanté par les fantômes des autres, ça rassure, eux on sait qu'ils n'existent pas.

un fantôme c'est juste un deuil, je suis doué en deuil j'en ai pas eu beaucoup mais je porte bien le noir, j'écris dans les livres d'or puis j'ouvre ma bouche aux discours, je tremble pas, je pleure à peine, puis je fais à manger puis je dis on est là, puis comme tout le monde je suis pas là.

un fantôme c'est juste un regret, moi j'ai pas de regrets, c'est trop difficile la mécanique des “et si” je peux pas mettre un doigt dans cet engrenage, je peux pas regarder dans le rétro, j'y resterai.

un fantôme c'est juste une histoire d'amour, ça j'en ai plein. parfois je te regarde je te dis : t'as pas intérêt à mourir et je le pense sincèrement, je prends ton visage entre les mains je te regarde droit dans les yeux et je te dis : tu m'entends t'as pas intérêt à mourir, tu fais ce que tu veux tu me quittes tu te barres en voilier, tu fais la vida loca sur une plage mais t'as pas intérêt à mourir, tu me dis oui oui et je sais que tu mens et ça m'énerve, ça m'énerve en avance contre toi, parce que j'ai menti quand j'ai dit que j'étais doué en deuil, c'est pas vrai, je crois que je suis doué parce que je comprends rien au deuil, les morts existent dans ma tête, je leur parle souvent, comme dans une réalité alternative plutôt agréable, mais je sais qu'avec toi cette réalité alternative va écraser toutes les autres, je sais que je vais m'y perdre.

je dis : t'as pas intérêt à mourir et toi tu me dis oui oui, mais moi je t'ai déjà vu mourir huit fois et je sais que c'étaient pas de répétitions qu'à chaque fois t'es vraiment mort.e puis t'es revenu.e comme un chat et je me dis putain c'est ta dernière vie, arrête les conneries.