Revue de presse de la semaine : du 16 au 22 novembre

Découvrez le Reader's Digest de la surveillance : une sélection d'articles et de contenus à voir ou écouter en lien avec la surveillance, la vie privée, les libertés numériques et les données personnelles qui ont marqué la semaine.

Police - Justice

Le ministère de l'Intérieur disposerait d'un logiciel qui est capable de croiser d'afficher des données d'une personne présente sur les réseaux sociaux. A la façon d'un XKeyscore de la NSA, il suffit de taper le nom d'une personne pour faire apparaître des infos sur une cible. Le logiciel est également capable de lire les messages chiffrés de WhatsApp. (Bon ce n'est pas une grande nouvelle que le chiffrement E2E déployé par Zuckerberg est une passoire). Le logiciel serait également capable de géolocaliser la cible par l'intermédiaire de son téléphone.

D'après l'ingénieur qui fait la démonstration, ce logiciel est plutôt un agrégateur qui rassemble toutes les données déjà publiées par une personne. Cela permet à la police de gagner du temps et de pouvoir cibler les menaces terroristes. En conclusion, l'article explique d'ailleurs que ce logiciel est très attendu par les policiers qui seraient contraints par un cadre juridique trop lourd pour mener leurs enquêtes. Et de rajouter :

Le frein, c'est la loi de 2015 sur le renseignement. Une loi très contraignante, au nom du respect des libertés et de la vie privée.
. La bataille contre le terrorisme et la propagande "moins de liberté pour plus de sécurité" peuvent faire avaler des couleuvres et faire dire tout et n'importe quoi... Source : Un logiciel qui scanne les réseaux sociaux expérimenté par l'Intérieur.
La proposition de loi Sécurité globale est actuellement en cours de discussion à l'Assemblée Nationale. Le décrié article 24 qui vise à interdire l'enregistrement et la diffusion de violences policières sur les réseaux sociaux a été adopté en première lecture. Mais le caractère attentatoire aux libertés ne se résument pas à la démolition de la liberté de la presse et au droit des citoyens d'être informés. Le projet de loi comporte également plusieurs autres articles qui vont faire sombrer encore un peu plus la France dans l'autoritarisme et la transformer encore plus en Etat policier. L'article 22 vise à autoriser la police à recourir à l'utilisation de drone notamment dans le cadre de manifestation pour tenter d'éviter tout débordement :
Art. L. 242‑5. – Dans l’exercice de leurs missions de prévention des atteintes à la sûreté de l’État, la défense ou la sécurité publique et de prévention, de recherche, de constatation ou de poursuite des infractions pénales, les services de l’État concourant à la sécurité intérieure et à la défense nationale peuvent procéder, au moyen de caméras installées sur des aéronefs, à la captation, l’enregistrement et la transmission d’images aux fins d’assurer : « 1° La sécurité des rassemblements de personnes sur la voie publique ou dans les lieux ouverts au publics, lorsque les circonstances font craindre des troubles graves à l’ordre public, ainsi que l’appui des personnels au sol en vue de maintenir ou de rétablir l’ordre public ; « 2° La prévention d’actes de terrorisme ; « 3° Le constat des infractions et la poursuite de leurs auteurs par la collecte de preuves ; « 4° La protection des bâtiments et installations publics et de leurs abords ; « 5° La sauvegarde des installations utiles à la défense nationale ; « 6° La régulation des flux de transport ; « 7° La surveillance des littoraux et des zones frontalières (...)

On notera au passage que la lutte contre le terrorisme n'est pas ici la priorité. Il s'agit d'abord d'utiliser un dispositif de contrôle contre la population lors de manifestations. Même le Défenseur des Droits, qui n'est pas un organisme réputé pour être un islamo-gauchiste, s'inquiète des dérives de cet article et des conséquences qu'il induit sur la vie privée :

L’usage de drones pourrait permettre l’identification de multiples individus et la collecte massive et indistincte de données à caractère personnel.Si le texte prévoit la protection de l’intérieur du domicile, le Défenseur des droits considère qu’il ne contient en aucun cas de garanties suffisantes pour préserver la vie privée.

Cet article 22 a malheureusement été adopté en première lecture dans la foulée de l'article 24. Il est bon de rappeler que lors du premier confinement, le Conseil d'Etat avait rappelé à l'ordre la Préfecture de Police de Paris que l'usage de drones utilisés pour s'assurer du respect du confinement. Le Conseil d'Etat avait condamné et interdit cet usage. Mais cela n'avait pas empêché les services de Didier Lallement de recommencer en septembre pendant d'autres manifestations. Et samedi 21 novembre alors que l'article de loi n'est passé qu'en première lecture à l'Assemblée Nationale, les forces de l'ordre ne se sont pas privées de continuer à passer outre la décision du Conseil d'Etat pour utiliser un “aéronef”.


Ecologie

On se souvient que la loi renseignement votée en 2015 et la mise en œuvre de l'Etat d'urgence suite à la vague d'attentats qui a frappé la France, les militants écologistes avaient fait les frais de ce tour de vis sécuritaire notamment au moment de la Cop21. Mais la menace écologiste semble toujours être une réalité pour le pouvoir qui continue à mettre en place des dispositifs de surveillance de ces militants. Après les révélations de Médiapart du printemps dernier, on constate que les militants écologistes continuent de faire l'objet d'une surveillance accrue.
Des caméras très sophistiquées et camouflées ont été retrouvées par des militants au Carnet, où des écologistes luttent contre le bétonnage d’un site naturel. Un dispositif illégal, dont les images accusent la gendarmerie locale.

Les militants se sont rassemblés en août pour organiser un événement visant à dénoncer un projet de bétonnage d'une zone naturelle. De façon tout à fait fortuite un dispositif de surveillance a été découvert par une personne présente ce jour-là. Bottant en touche, les gendarmes ont été de faire croire que ce matériel appartenait à des chasseurs. La peur de Notre-Dame-des-Landes résonne encore dans les têtes...

Source : Au Carnet, des caméras cachées et illégales pour surveiller des écologistes

Outils

Les podcasts ont le vent en poupe et sont devenus en quelques années un support particulièrement adapté aux usages mobiles numériques. Comme souvent dans l'écosystème numérique, des stratégies marketing sont en train d'être mises en place pour pouvoir monétiser l'écoute de balado-diffusion. Seulement, les marketeux sont en train de s'arracher les cheveux car les podcasts rendent difficiles le suivi des utilisateurs et donc la collecte de leurs données. En effet, ils reposent sur la technologie RSS. (Dédicace à Aaron Swartz). En outre la multitude d'outils et d'applis qui existent rend plus difficile la collecte de données. Si certaines applis ont cédé aux sirènes de la collecte et de la transmission de données, il existe encore aujourd'hui beaucoup d'applis qui ne partagent pas les données. Et ça, ça énerve les marketeux. Malheureusement, cela est en train d'évoluer dans le mauvais sens et des dispositifs de tracking sont en train de se déployer dans les applis (collecte d'adresse IP) ou abandon du RSS au profit de plateformes propriétaires.

That’s all changing. Advertisers are projected to spend more than $800 million on podcasts in 2020, and companies are devising ways to provide em with data that will persuade them to spend more. The most common tactics include using IP addresses to identify users, adding tracking URLs to ads, and abandoning RSS in favor of proprietary platforms that already track their users.

L'industrie du podcast est en plein bouleversement et traversée par des questions morales. Si certaines plateformes refusent d'introduire des dispositifs de tracking, d'autres n'hésitent pas à ce servir de cette nouvelle manne pour développer une activité économique basée sur les habitudes d'écoute et centres d'intérêts des utilisateurs. En effet, les podcasts peuvent révéler beaucoup de choses sur nous :

Il existe des podcasts sur la maladie mentale, la toxicomanie, la sexualité, l'endettement et d'autres sujets sensibles. Que savent donc vos podcasts sur vous ?

Progressivement le monde de l'adtech s'est emparé de ce secteur pour le gaver de dispositifs de tracking. Alors que pendant longtemps les podcasts en étaient épargnés, il est désormais possible d'y introduire des publicités dynamiques qui s'adaptent en fonction de l'heure et du lieu de téléchargement du podcast. Les dérives du tracking du web débordent progressivement dans ce secteur et les applis de podcasts tendent à devenir des aspirateurs à données personnelles (accès à la liste complète des podcasts téléchargés, durée d'écoute dépôt de cookies).

Source : Is Your Favorite Podcast Tracking You?


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