JOURNAL

Dans la forêt

Le 8 novembre 2024 On est arrivées au temple une heure avant la nuit. Il fait nettement plus froid mais on a bien prévu on est équipées. La forêt est magnifique, tellement vivante, personne n'est passé par ici depuis longtemps. J'écris le journal assise sur le bord de la plate forme où est bâti un petit local en bon état, c'était peut-être la cellule du gardien quand il y en avait un. On a fait un peu de ménage mais il n'y avait pas beaucoup de poussière. C'est drôle on se croit dans un film de conte... En arrivant on a dérangé un renard qui vit ici, il est pas parti loin... Par endroits il y a du réseau mais dans le temple et cet abri zéro barre. Le temple est vide, je ne sais pas s'il y a eu des décorations dedans mais il n'y a plus rien, juste un bouddha de pierre très vieux très rustique, très lourd sûrement, donc on l'a laissé là. Comme souvent il y a des petits jizo sur le chemin, certains très anciens, tout ça est couvert de mousse, c'est très beau et aussi ça a l'air tellement vieux ça inspire beaucoup de respect. Les bâtiments sont en bois noir dispersés dans les arbres, les morceaux de bois sont tellement forts, on se dit ça n’est pas prêt de s'effondrer mais il y a des toits qui ne donnent pas confiance. On a mangé le bento préparé par l'auberge et allumé un petit feu entre des pierres devant l'abri. C'est en même temps amusant comme une aventure pour enfants et grave parce qu'on trouble une paix profonde. Sous le plancher on entend courir des petites bestioles qui s'agitent peut-être à cause de notre présence.

Je crois voir le renard nous regarder, couché juste à la limite du cercle de lumière de notre petit feu.

On va maintenant dormir, la montée est difficile on est fatiguées. Demain je suppose on se réveillera avec le soleil vers 5h... vite vite, une contre l'autre on va se tenir bien chaud Je continuerai le journal demain.

Le 9 novembre Au matin on s'est levées avec le soleil, un peu avant 6 heures. Ça a surpris le renard qui était devant le seuil, il est venu flairer dans la nuit tout près j'ai senti son odeur et ses petits bruits de pas sur le bois je crois qu'il n'a jamais vu un humain. Après avoir bien mangé on a roulé les sacs de couchage et en route pour le sommet. Il fait froid encore plus, on a traversé les nuages et arrivées en plein soleil tout en haut un peu avant 10 h. Il y a là un ermitage moitié pierre et moitié bois, le toit est presque effondré mais c'est extraordinaire on sent la présence du dernier ou la dernière occupante pourtant mortes depuis longtemps, c'est un endroit très fort très impressionnant. Je sais on ne croit pas ça en Europe mais moi je sens la présence très positive dans l'endroit. Au-dessous c'est le monde silencieux avec des voiles blancs qui se déchirent ici et là. On est restées méditer et se remplir de la force et la sérénité qui remplissent le lieu puis à regret on redescend. Le chemin n'est pas tracé il faut arriver au temple avant la nuit si on veut pas dormir dehors dans la forêt et se perdre.

La nuit du 9 novembre On est arrivées au temple avec l'obscurité vers 16 ½ Le renard nous attendait faut croire, il était avec une copine, les deux très beaux avec leurs bas de pattes noires peut-être frère et sœur, à distance ils nous ont regardé déballer nos sacs, le petit feu les a beaucoup intéressés et aussi les morceaux de poisson sec qu'on leur a lancés mais ils se sont pas approchés à moins de 10 mètres (?) environ. Il est tard maintenant, complètement nuit, on voit les yeux qui brillent dans la lumière qui reste du petit feu mourant. On entend aussi un chouette un peu loin. Le froid est plus fort, on va dormir très proches pour se tenir bien chaud et échanger les baisers. Le ciel est un coffre à bijoux étincelant, la beauté du monde donne envie de pleurer... Oh pourquoi les hommes sont-ils aussi fous ?

On s'est couchées serrées une contre l'autre il faisait froid la ½ lune brillait fort dans le ciel. Les deux renards nous observaient de loin, parfois un des deux se levait pour faire un petit tour, de temps en temps on voyait les yeux. Et puis je me suis endormie On s'est réveillées ensemble, il y avait du bruit du côté des sacs. On entendait respirer, grogner, gratter, dans l'obscurité on voyait de temps en temps deux grosses silhouettes qui bougeaient... Merde si ce sont des oursons la mère est pas loin on est dans la merde... Pour ces trois jours dehors A m'a rendu mon tanto, il est là tout près de ma main, c'est un peu dérisoire face à un ours mais une fille comme moi, ça lui donne la confiance. Le truc c'est de dégager les bras en silence, tout doucement et allumer la torche d'un coup dans leur direction ça va les surprendre et si on gueule bien fort on leur fout la trouille de leur vie. Je sais que dans ces cas là ma chérie me fait confiance, elle me suivra et fera pareil... J'allume la torche en m'asseyant d'un coup. Juste là à 2 mètres deux tanuki avec leur tête ronde de raton-laveur, deux grosses peluches qui nous regardent figés une patte en l'air comme des statues, on se regarde, le temps de se demander ce qui se passe, ils étaient en train d'essayer d'ouvrir le sac avec la nourriture, heureusement en filles consciencieuses on avait fermé les boucles et le zip, les deux pauvres tanuki ne connaissent pas le mode d'emploi de ces trucs des humains. ½ seconde qui dure 1 an et puis les deux se sauvent en panique, poursuivis par la lumière de la torche et nos rires. Évidemment toutes ces odeurs de bouffe ça ne peut qu'attirer les rôdeurs... Au fait où sont les renards ? Partis à leurs propres affaires, ou alors ils n'apprécient pas les grosses bedaines des tanuki faut croire. S'il y avait eu bagarre on aurait été réveillées. Je crois vraiment que les animaux de la forêt ici n'ont jamais vu d'humains avant nous, ne connaissent pas notre odeur, ça représente pas un danger pour eux, Ça a quelque chose magique ces rencontres, tanuki et kitsune ce sont les personnages de tellement de contes et légendes au Japon, rencontrer les deux c'est un peu comme si en France tu rencontrais la petite fille au manteau rouge et le loup ensemble... On a eu du mal à se rendormir, on était excitées, mais le froid nous a aidées on s'est bien serrées ensemble et d'un coup c'était le matin, la demi-lumière rose et jaune... rallumer le petit feu éteint pour chauffer l'eau pour le thé. Je n'ai pas dit qu'il y a une source dans le temple, l'eau est froide mais pas glacée, très bonne, qui sort au ras du sol dans un cercle de pierres taillées couvertes de mousse plein de traces autour dans la terre humide, renard, loirs, sika, des traces rondes griffues que je connais pas et d'autres, brouillées, et maintenant les traces de nos chaussures qui font vraiment bizarre ici. Après le déjeuner on a fait un peu d'ordre dans l'endroit et diverses choses, pour remercier de nous avoir accueillies puis il fallait redescendre pour arriver à l'auberge comme prévu avant la nuit, que personne ne s'inquiète et pour pouvoir se laver...

Voilà — fin des aventures banales de deux filles dans la forêt. Maintenant on attend le bus qui va nous ramener dans le monde agité des humains. Ce soir on sera à ichikawa. Dommage.