[spoiler] en mieux

Critique de Tunic (Isometricorp Games, 2022)

Dessin que j’ai fait en 2014 en jouant à The Legend of Zelda (Nintendo R&D4, 1986)

Je vous ai dit dans ma critique d’Inscryption que j’essayais de ne pas trop divulgâcher les jeux dont je parle, et Tunic est un de ceux pour lesquels la tâche est quasiment impossible. Mais c’est aussi un jeu que je crois pouvoir résumer en une comparaison très simple, et l’occasion est trop belle pour ne pas la saisir ici.

Tunic, donc, c’est [spoiler] en mieux. Les deux sont des jeux-hommage dégoulinants de nostalgie dès leur jaquette, créés par un mec (canadien) quasiment tout seul pendant de longues années, qui régurgitent leurs influences que tous les nerds reconnaîtront instantanément dans un emballage minimaliste et coloré, et qui compensent la relative légèreté de leurs mécaniques centrales par une abondance de puzzles méta, quitte à faire reposer leur durée de vie dessus. Même leurs OST se ressemblent ! Tunic étant sorti 10 ans après [spoiler], il incorpore (pour ne pas dire plagie) d’autres influences plus récentes, en particulier ce satané [spoiler] comme tout le monde, mais aussi [spoiler] à qui il doit énormément – et qui piquait déjà quelques trucs à [spoiler], notamment son compositeur – et surtout [spoiler], qui reste une perle dans mon cœur malgré ses excès de zèle et le melon de son créateur, là-aussi un type qui (fait genre qui) travaille en solo pendant des années sur des jeux-hommage colorés bourrés d’énigmes méta. Rien que pour ça, j’étais disposé à ne pas aimer Tunic. Le gratin de restes, c’est ce qu’on sert aux enfants qui n’aiment pas la vraie nourriture, et y'en a marre de ces indés hipster qui nous prennent pour des grands enfants.

Quelques heures plus tard, modulo le temps passé en Pause à gribouiller sur un papier, car vous l’avez compris c’est ce genre de jeu, il m’apparaît évident que Tunic a réussi là où [spoiler] a échoué, avec ses bidules cachés qui ne servaient qu’à remplir le pourcentage de complétion, et ses puzzles chiants qu’on voyait venir à dix kilomètres, style ces QR Code que je n’ai toujours pas digéré depuis l’époque où je n’avais pas les moyens d’avoir un smartphone, et où la dernière chose que j’avais envie de faire dans un jeu vidéo était d’Alt-Tab sur Paint pour aller assembler des captures d’écran (spoiler : c’est pourtant exactement ce que j’ai dû faire à un moment dans Tunic). Non, en vrai, Tunic m’a fait me prendre à son jeu. Oui, il faut fouiller chaque recoin jusqu’à connaître le décor par cœur, oui il faut backtracker péniblement pour tester tel objet ou tel truc bizarre sur tous les endroits suspects croisés auparavant, et en plus le jeu est plutôt difficile. Oui, parfois c’est aussi fun que de trouver une pièce de dix centimes en faisant le ménage. Mais tout ça, je l’ai fait avec entrain, j’ai signé ce pacte que [spoiler] voulait me faire passer. Je dirai, simplement, que Tunic me promettait mieux en retour. Il n’a peut-être pas tenu toutes ses promesses, mais le vrai secret de tous ces jeux à mystères, c’est que leur voyage importe plus que leur destination.