nous tournons sur nous-mêmes si vite que nous semblons immobiles
sous notre axe bientôt chancelant le monde tourne dans l'autre sens
nous sommes toupies ronflantes lancées par le fouet des jours
nous tournons sur nous-mêmes si vite que nous semblons immobiles
sous notre axe bientôt chancelant le monde tourne dans l'autre sens
nous sommes toupies ronflantes lancées par le fouet des jours
longue distance basse fréquence haute tension
courts-circuits messages transmis messages perdus
réseau confus des fils qui nous relient et qui envoient des trains se croiser dans la nuit
Photo “Train station” by eightfivezero is licensed under CC BY-NC-ND 2.0.
nous ne traversons pas la forêt la forêt nous traverse
nous ne parcourons pas le sentier il se promène sous nos pas
nous ne franchissons pas le torrent son eau vive nous ruisselle
la colline nous augmente de la hauteur de sa pente
on attend que le nuage nous évapore
un puis un autre
et encore d'autres
de plus en plus loin
barrage de brumes sur la vallée marécage
collines qui veillent et verrouillent le décor
vers un ciel où les nuages
s'estompent
Photo par Gilles Le Corre “Sur notre chemin des champignons, Lundi 28 Octobre 2024 vers 9h30”, Courtesy of © Gilles Le Corre & ADAGP
au fil de la pente
l'eau du nuage retombe sur les alpages et les forêts
suivant la pente la plus forte deux ruisselets jumeaux miroitent
le torrent fredonne un air qu'on reconnaît slalome entre les roches frôle les herbes longues qui sur lui se penchent
l'eau de la rivière est vive encore parfois furieuse elle explose ses bords dévale la rue principale en joyeuses vagues boueuses
le flot du fleuve est plus calme on dirait qu'il ralentit entre ses rives quand son courant hésite entre de grands bancs de sable
mais enfin se noie au large dans l'océan
la pluie d'octobre nous rappelle que nos jours s'écoulent ainsi d'une goutte à l'autre du refrain allègre à l’abandon de la colère à la libre divagation
au fil de la pente sous le regard des ponts
Photo by Steve Carter: “The rivers and burns are flowing again (thankfully). These in the Coire na Ba.”
Le silence vibre et casse sur le rebord fragile de la nuit obscure
ni lune ni étoiles pas de lueurs lointaines pas de réverbères
ténèbres sans une ombre dans la forêt profonde
nous sommes des vitraux aux plombs bien trop épais
seuls quelques fragments de couleurs laissent passer la lumière qui tombe sur la pierre froide
nous sommes vitraux aveugles et muets chaque éclat de chacun séparé
chaque brisure de verre en nous ignore le motif qui peut-être nous unit
nous sommes des vitraux chaque nuit nous rêvons que la Lune nous délivre et nous entraîne doucement dans sa lumière pâle
Photo par Andrew Moore “Stainglass Detail III”, licence CC BY-SA 2.0
sombres sapins en marche qui déchirent les voiles de la montagne pour monter en rangs serrés à l'assaut de la lumière
quel obscur espoir les anime d'atteindre un trop lointain soleil dans un ciel indifférent
Photo par Gilles Le Corre « 1er mai, 10h37. Il a plu toute la journée.» Courtesy of © Gilles Le Corre & ADAGP
les plus hautes collines ont gravi les nuages mais le brouillard traîne à napper les sapins
délicieuse hésitation un grand bond dans le vert sombre ou un plongeon dans le grand gris pour peu qu'un vent léger m'emporte
au-dessus du mur gris nous nous livrons au dernier soleil nous vibrons encore de vie rebelle
l'ombre ronge la pierre sombre mais nos fleurs la colonisent de tout le bleu du soir