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ÂżLibra, la revoluciĂłn?

đŸ‡«đŸ‡· – mardi 18 juin 2019

Mots clés : #Libra, #Facebook, #cryptomonnaies, #blockchains, #Librem

Ca y est, un nouvel (Ă©niĂšme) acteur dĂ©baroule dans le monde des cryptomonnaies : Facebook avec Libra ! Étant pas mal intĂ©ressĂ© par ce domaine, j’attendais ça depuis un moment. Je ne suis ni expert ni Nakamoto, mais j’ai pas mal d’espoir dans ce genre de projets de barbus. Finalement c’est ce 18 juin que la cryptomonnaie du gĂ©ant du web a Ă©tĂ© annoncĂ©e, 79 ans aprĂšs l’appel du GĂ©nĂ©ral De Gaulle, mais ça n’a rien Ă  voir. Le white-paper et les annonces ont Ă©tĂ© faites, alors regardons tout ça EDIT : Au 14 octobre 2019, PayPal, Visa, Mastercard et eBay font partie des entreprises qui quittent le projet. Plus de dĂ©tails sur cet article de Ars Technica.

0 — Le contexte

Être disruptif, favoriser les Ă©changes financiers, se positionner lĂ  oĂč les banques sont absentes, rĂ©soudre miraculeusement les problĂšmes des cryptomonnaies actuelles qui rencontrent des Ă©cueils concernant leur stabilitĂ© et leur gouvernance. Bon en mĂȘme temps avec Bitcoin et ses forks il faut avouer que l’on est bien servi niveau bordel. Tandis que des opĂ©rateurs de tĂ©lĂ©communication se lancent dans la banque, d’autres misent sur le Bitcoin (non ce n’est pas cool, oui c’est navrant). Certains comme Deutsche Telekom n’ont pas attendu et ont rejoint Hedera. LĂ  c’est une troisiĂšme option qui arrive, mettre en place une nouvelle cryptomonnaie (tant qu’à faire). Et cerise sur le gĂąteau, court-circuiter les systĂšmes capitalistes des banques usuelles je paraphrase l’introduction du livre blanc). On sent que Libra veut surfer sur la hype des cryptomonnaies avec des valeurs humanistes d’accĂšs Ă  l’argent pour tous avec une gouvernance dĂ©centralisĂ©e etc., enfin bref la mĂȘme philosophie qui a accouchĂ© de Bitcoin. Et peut-ĂȘtre aussi taquiner le cousin Chinois WeChat qui propose des transferts d’argent. Mais on va dĂ©chanter un peu par la suite ;)

1 — Qui derriùre le projet ?

DerriĂšre ce projet se trouve pas mal de monde, et du beau. Par exemple cĂŽtĂ© paiements on retrouve Mastercard, PayPal et PayU. CĂŽtĂ© services il y a eBay, Facebook, Lyft, Spotify, Uber... On peut trouver Ă©galement des opĂ©rateurs de tĂ©lĂ©communications avec Iliad et Vodafone. Est-ce Ă©tonnant de voir Xavier Niel dĂ©barquer ? Pas vraiment, un bon coup a peut-ĂȘtre Ă©tĂ© flairĂ©. On retrouve bien entendu des acteurs du monde des blockchains comme Coinbase ou Xapo. Et aussi des ONG et institutions universitaires ! Tout ce beau monde humaniste et dĂ©sintĂ©ressĂ© se regroupe dans l’organisation Ă  but non lucratif The Libra Association basĂ©e... en Suisse​. La monnaie est soutenue par une rĂ©serve d’actifs, dont au moins des dizaines millions de dollars des fondateurs, et ce afin de garder un cours stable. Vu les acteurs en place, on peut supposer avoir bientĂŽt des applications grand public. Vous pouvez avoir la liste exhaustive des acteurs ici, et les conditions Ă  remplir pour prĂ©tendre rejoindre le groupe.

2 — La blockchain

Elle serait lancĂ©e rĂ©ellement au 1er semestre 2020. D’aprĂšs le site web il va falloir se contenter seulement du testnet d’ici lĂ , c’est dĂ©jĂ  un bon dĂ©but pour jouer avec. La blockchain est une blockchain Ă  consortium / Ă  permission donc finalement privĂ©e. Tout le monde ne pourra pas faire tourner des noeud de validation sans accord en amont. Une hĂ©rĂ©sie pour les puristes... Personnellement je perçois ça comme un dĂ©voiement des idĂ©aux initiaux ayant donnĂ© naissance aux 1Ăšres blockchains. Si on centralise chez des acteurs donnĂ©s un systĂšme de cryptoactifs normalement Ă  dĂ©centraliser on n’est pas sorti du sable


Mais attention, Libra aurait pour ambition dans les annĂ©es Ă  venir de basculer en mode sans permission une fois la blockchain et son Ă©cosystĂšme lancĂ©s. La promesse est belle, mais elle n’engage que ceux qui y croient et il faudra ĂȘtre prudent quand Ă  la maitrise des noeuds du rĂ©seau. C’est bien beau d’ouvrir sa blockchain mais si le traffic est monopolisĂ© par les vĂ©tĂ©rans du projet on n’ira pas loin non plus.

On retrouve des promesses de confidentialitĂ© des transactions avec les Ă©volutions du protocole orchestrĂ©es par la Libra Association. Mais les limites arriveront face aux rĂ©glementations en vigueur, dit autrement les lois des pays. Devrait-on s’attendre Ă  une confidentialitĂ© Ă  plusieurs vitesses ? Autant rester sur du Monero pour se prĂ©munir de ces ambiguĂŻtĂ©s.

Le papier est ici.

3 — Les smart contracts

Petit nouveau cĂŽtĂ© programmation, pas de Viper ou de Solidity mais Move comme langage de programmation des smart contracts, fraichement inventĂ© pour renforcer des aspects liĂ©s Ă  la sĂ©curitĂ© de la blockchain et ses smart contracts. Ça peut ĂȘtre intĂ©ressant de dĂ©nicher des benchmarks histoire de voir oĂč les nouveautĂ©s sont. Visiblement il y a une volontĂ© d’avoir un langage de programmation avec des sĂ©curitĂ©s inhĂ©rentes concernant les transactions, les actifs voire la gouvernance. Clairement bien devant Solidity donc.

Les specs sont ici.

4 — Sous le capot

Dans sa conception pas de rĂ©volution visiblement, consensus de type Byzantine Fault Tolerant comme Bitcoin ou Ethereum mais pas d’implĂ©mentation avec du Proof Of Work. En mĂȘme temps ça aurait Ă©tĂ© aberrant d’avoir un consortium pour la validation mais avec du brute force pour obtenir le consensus. LibraBFT se base sur autre chose et visiblement du Proof Of Stake.

Le stockage des donnĂ©es se fait classiquement avec un arbre de Merkle. Par contre l’architecture de la blockchain serait diffĂ©rente :

Contrairement aux blockchains précédentes, dans le cadre desquelles une blockchain est un ensemble de blocs de transactions, la blockchain Libra est une structure unique de données qui enregistre l’historique des transactions et des états au fil du temps

Quelques détails ici.

Peut-on vraiment parler de blockchains finalement, ou ne serait-ce pas qu’un bon coup de marketing bullshit ? Je n’ai pas l’impression que l’architecture de ce registre distribuĂ© ne repose sur des chaĂźnes de blocs(comme Bitcoin, Ethereum, Monero etc) ou sur des graphes orientĂ©s acycliques (comme Hedera avec son Hashgraph ou IOTA avec son Tangle).

5 — Les actifs

Libra disruptif, oui et non. La valeur des tokens ne sortira pas de nul part, et pour assurer une stabilitĂ© (fiable ?) sera basĂ©e sur d’autres valeurs comme indiquĂ© dans le livre blanc : Contrairement à la majorité des cryptomonnaies, la Libra est entièrement garantie par une réserve d’actifs réels. Divers dépôts bancaires et titres gouvernementaux à court terme seront conservés dans la réserve Libra pour chaque Libra créée, afin de renforcer la confiance envers sa valeur intrinsèque.

On peut lire aussi que : [la cryptomonnaie] est soutenue par un rĂ©seau d’échanges concurrentiel pour l’achat et la vente de la Libra.

Si on regarde du cĂŽtĂ© de la rĂ©serve de Libra, il n’y a pas de secrets : apports par les fondateurs et investment tokens d’un cĂŽtĂ©, achat de tokens Libra en monnaies fiduciaires par les utilisateurs de l’autre. Donc oui, le projet tacle les cryptomonnaies actuelles en pointant du doigt leur volatilitĂ© Ă  cause des achats / ventes de tokens par les utilisateurs, mais c’est le mĂȘme principe est utilisĂ© ici (diffĂ©remment).

Dit autrement, on met en place un systĂšme financier alternatif pilotĂ© par un consortium, mais tout de mĂȘme adossĂ© Ă  des valeurs existantes. Libra fait donc du neuf avec du vieux, et se place en concurrent des systĂšmes financiers souverains. Cette solution rĂ©ussira-t-elle lĂ  oĂč d’autres ont Ă©chouĂ© ? Les rĂ©actions des gouvernements pourraient ĂȘtre intĂ©ressantes Ă  suivre.

LĂ  oĂč il faudra ĂȘtre vigilant est la gestion des actifs. Certaines blockchains par essence produisent mĂ©caniquement une quantitĂ© limitĂ©e ou illimitĂ©e de tokens, mais ici la Libra Association s’occupera de la production ou la destruction de ses actifs. On remet donc l’humain et les entreprises au centre des dĂ©cisions. À tort ou Ă  raison ?

6 — Les services

Il faudrait pour le coup regarder du cĂŽtĂ© de Calibra mĂȘme s’il n’y a presque rien Ă  se mettre sous la dent au jour d’aujourd’hui. DerriĂšre ce nom se cache une filiale de Facebook destinĂ©e Ă  garantir la sĂ©paration des donnĂ©es personnelles et financiĂšres, mais aussi pour proposer des services utilisant la Libra. On aurait ici le mĂȘme genre d’outils que MyEtherWallet pour la blockchain Ethereum.

Sauf que quelque chose ne colle pas. Le projet pose clairement que des obligations lĂ©gales existent, notamment pour Ă©viter le blanchiment d’argent ou les fraudes fiscales. Comment pourrait-on alors avec un cloisonnement si parfait pour pouvoir ĂȘtre en rĂšgle lĂ©galement (donc surveiller les Ă©changes financiers) tout en gardant Ă  part les donnĂ©es personnelles (trouver les personnes incriminĂ©es) ? Il y aura nĂ©cessairement Ă  un moment ou un autre des dĂ©pendances entre ces deux ensembles de donnĂ©es. Une confidentialitĂ© pour les uns, mais qui tombent vite pour les autres. Finalement la mĂȘme problĂ©matique que pour les messageries chiffrĂ©es : chiffrement de bout en bout pour les uns, mais backdoors pour les autres.

Bref...

Clairement, moi qui aime le cĂŽtĂ© cypherpunk des cryptomonnaies je suis content de voir un poids lourd dĂ©barquer avec des gros acteurs histoire de mettre un peu plus le bordel. J’espĂšre vraiment que les lignes bougeront dans le bon sens, mĂȘme si je n’attends pas grand chose de Libra. Les idĂ©es sont belles, mais les valeurs initiales des blockchains et cryptomonnaies sont vite abandonnĂ©es.

Par contre, le problĂšme reste le mĂȘme : lĂ  oĂč on centralisait des dĂ©cisions dans des organismes Ă©tatiques on en vient Ă  centraliser dans un consortium. Ne choisirait-on pas ici la peste pour le cholĂ©ra ? Quelles sont les rĂšgles en vigueur au sein de cet ensemble d’acteurs ? Les intĂ©rĂȘts des uns s’arrĂȘteront-ils face aux ambitions des autres ?

Avoir un systĂšme de paiement mondial pour tous, affranchi de presque tout et en dehors des banques fait rĂȘver. Mais Libra n’a pas l’apanage de ça, d’autres cryptomonnaies Ă©taient dĂ©jĂ  lĂ , avec leurs problĂšmes certes. Il faudrait juger les services qui se baseront sur Libra. On pourrait obtenir une rĂ©elle plus-value avec ce projet. Mais on pourrait autant s’enfermer nous-mĂȘmes involontairement dans un systĂšme dĂ©jĂ  verrouillĂ©. Dit autrement, de nouveaux services pourraient arriver attirant de nouveaux utilisateurs / clients. A qui cela profitera-t-il ? Est-ce que sciemment Facebook n’est pas en train d’accroitre sa force de frappe et sa puissance ?

Pour les amateurs de science-fiction et de cyberpunk on commence vraiment Ă  se rapprocher de ces conglomĂ©rats tentaculaires qui sont partout, et souvent ça finit mal. On peut aussi voir les prĂ©misses d’une monnaie commune comme les crĂ©dits universels que l’on retrouve dans un paquet d’oeuvres de SF : une planĂšte, une devise. Et pis c’est tout. Mais on rĂȘve un peu.

Bref c’est sympa, excitant, mais ça a un cĂŽtĂ© faussement punk bon-chic-bon-genre. Pas d’emballement Ă  avoir pour l’instant, on peut dĂ©jĂ  se faire plaisir avec Ethereum et Monero.

Des liens utiles à lire au chaud au pied de sa ferme d’ASIC :

— DerniĂšre mise Ă  jour : mardi 18 juin 2019 PrĂ©cĂ©demment sur Medium et paper.wf —

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