Et si on parlait de lâhypocrisie vis Ă vis des GAFAM et du libre ?
đ«đ· â jeudi 16 aoĂ»t 2018
Mots clés : #GAFAM, #libre, #opensource, #FLOSS, #tech
Cet article est Ă considĂ©rer comme un billet dâhumeur, et Ă ce titre les opinions exprimĂ©es ici ne sont que les miennes. Mais je trouve pertinent de prĂ©ciser pour la suite plusieurs choses. Tout dâabord, oui je me considĂšre comme libriste, et partisan de lâopen source. Oui, la vie privĂ©e, le partage et lâouverture sont des sujets qui me prĂ©occupent. Oui, je suis aussi cette annĂ©e prĂ©sident dâun Google Developers Group (GDG). Si vous faites un blocage lĂ -dessus me considĂ©rant comme un dĂ©vot, inutile de continuer Ă lire vous risqueriez dâavoir un avis nuancĂ© :) Sinon sachez quâĂȘtre dans un GDG nâengage Ă rien, nâimpose rien, ne contraint rien, et ne permet que dâavoir accĂšs Ă beaucoup de contenus, et dans le cadre dâune pâtite association de dĂ©veloppeurs de Lannion comme Code dâArmor, ce nâest pas nĂ©gligeable. Ce billet dâhumeur fait suite Ă ces vagues dâhypocrisie institutionnalisĂ©es et un brin dĂ©magos qui concernent aussi bien les gĂ©ants du web que les solutions alternativesâŠ
\( âą_âą)_â Vade retro GAFAM
Ne nous voilons pas la face, il y a des bons et des mauvais cĂŽtĂ©s chez les gĂ©ants du web, et câest un fait. Dit autrement, les avis butĂ©s et non nuancĂ©s hurlant au âdiable Googleâ et au âcancer Facebookâ sont assez risibles et tristes. Bim, câest dit.
Que leur devons-nous, Ă ces grosses entreprises AmĂ©ricaines ? Beaucoup de choses, mais pas tout non plus. Prenons lâexemple dâApple. Ce membre de GAFAM propose des produits onĂ©reux, mais gĂ©nĂ©ralement efficaces, et faisant partie dâun Ă©cosystĂšme riche et cohĂ©rent pour lâutilisateur. Qui a dĂ©mocratisĂ© (sans inventer) les tablettes numĂ©riques proposant (enfin !) des bons produits ? Apple. Qui Ă©vite de tomber dans la facilitĂ© en limitant son catalogue de smartphones pour ne pas avoir Ă proposer des appareils bas de gamme bons au rebus au bout de 2 ans ? Apple (pas seulement). Qui met en avant la protection de la vie privĂ©e de ses utilisateurs quitte Ă avoir des dĂ©boires avec le gouvernement AmĂ©ricain ? Vous avez compris. Il y a certes une prison dorĂ©e et verrouillĂ©e pour les usagers, saupoudrĂ©e dâun peu de marketing bullshit, mais la marque de Cupertino a su rĂ©pondre efficacement Ă des besoins. Passons du cĂŽtĂ© G des GAFAM. Sans chercher pour autant Ă faire un catalogue des services de Google/Alphabet, il y a des Ă©lĂ©ments qui se dĂ©marquent dont des projets de X. Le projet Loon pour dĂ©livrer un accĂšs Ă lâInternet dans des endroits reculĂ©s, le projet Wing pour dâautres modes de transport ou le projet AI, sobrement baptisĂ© pour lâintelligence artificielle. Alors oui, il ne sâagit pas ici de pure philanthropie. Google et Alphabet restent des entreprises, et les revenus de la firme de Moutain View sont essentiellement publicitaires. Mais il y a des efforts pour creuser diffĂ©rents sujets et faire avancer les dĂ©bats sur des thĂšmes qui finiront tĂŽt ou tard par sâimposer.
Je ne vais pas mâamuser Ă faire une liste des contributions de tous ces gĂ©ants, ni de leurs dĂ©rives vis Ă vis des donnĂ©es, de la vie privĂ©e ou de la coopĂ©ration avec des Ătats, mais voici quelques Ă©lĂ©ments posĂ©s en vrac qui me font me poser la question suivante : Si nous devons bannir ces entreprises de nos vies, serions-nous prĂȘt Ă jeter ces produits, ou ceux sur lesquels ils sont basĂ©s, ou encore les outils auxquels des contributions ont Ă©tĂ© apportĂ©es ? Je cite en vrac entre autres les librairies et frameworks Flutter, Angular, Polymer et React, le systĂšme dâexploitation Android, le navigateur Chromium, les langages informatiques GraphQL, Dart, Go et TypeScript, lâoutil Kubernetes, TensorFlow et PyTorch pour lâintelligence artificielle, lâOpen Handset Alliance, et Google Project Zero pour la sĂ©curitĂ© informatique.
On peut ainsi constater deux choses : nous devons beaucoup dâoutils et de produits Ă ces sociĂ©tĂ©s, certains vraiment formidables dâailleurs, mais justement, ne nous leur en devons pas trop ? La question reste ouverte.
(âŻÂ°âĄÂ°)⯠Serment dâhypocrite
La raison qui me fait Ă©crire ce billet, est de voir lâaugmentation de cas de comportements schizophrĂšnes, ou de syndromes de Stockholm, vis Ă vis des GAFAM. Comment peut-on rester stoĂŻque quand des Ă©lus torpillant les GAFAM vis Ă vis de leur ingĂ©rence dans la vie privĂ©e et la collecte de donnĂ©es laissent leurs Ă©coles ou ateliers numĂ©riques sâinstaller sur le territoire ? Comment ne peut-on pas ĂȘtre affligĂ© quand on voit des personnalitĂ©s politiques scandalisĂ©es par le monopole de ces gĂ©ants, quand on leur laisse des villes, lâĂducation Nationale et le MinistĂšre des ArmĂ©es ? Comment peut-on Ă la fois critiquer lâomniprĂ©sence des entreprises AmĂ©ricaines dans nos vies quotidiennes, sans pour autant Ă©duquer les citoyens au numĂ©rique et favoriser les solutions alternatives ? Car oui, il y en a ! En cherchant un peu, on peut voir que dans une multitude de situations, des solutions non intrusives, respectueuses et vertueuses existent, et rendent dispensable lâutilisation des produits de GAFAM.
Nombreuses sont les critiques vis Ă vis de lâhĂ©gĂ©monie dâAndroid dans le monde des appareils mobiles. Si sa prĂ©sence (indirectement celle de Google) gĂšne autant, quand arriveront les soutiens officiels et concrets Ă des projets comme eelo ou LineageOS ? Lorsque des villes ont besoin de services en ligne Ă des fins de gain de productivitĂ© ou de partage, pourquoi ne voit-on pas ou peu de communication sur des solutions comme celles proposĂ©es par Cozy Cloud ou Framasoft ? Quand des personnalitĂ©s politiques tirent sur WhatsApp et Telegram, applications nâayant pas leur confiance, pourquoi voit-on des travaux sur une app française de messagerie sĂ©curisĂ©e alors que dâautres existent comme Signal ? Devrions-nous nous attendre Ă des fiascos comme Louvois et SAIP ?
(áâčâĄâčá ) La route est longue...
Il ne faut cependant pas voir le verre Ă moitiĂ© vide. Des progrĂšs peuvent ĂȘtre citĂ©s, notamment avec GendBuntu dans la Gendarmerie (systĂšme dâexploitation basĂ© sur Ubuntu) (chacun sa paroisse hein), ou encore la montĂ©e en puissance de Qwant. Des associations et partis continuent de taper du poing sur la table et de dĂ©battre, comme lâApril, la Quadrature du Net ou le Parti Pirate. Des projets ont mĂȘme donnĂ© des fruits pas dĂ©gueus comme CHATONS, et DĂ©googlisons Internet.
Le problĂšme est que, au jour dâaujourdâhui, les projets et entitĂ©s qui se soucient de la vie privĂ©e, du numĂ©rique, de la dĂ©centralisation et du partage sont gĂ©nĂ©ralement catĂ©gorisĂ©s dans un coin comme une sorte de militantisme paranoĂŻaque Ă voir le mal partout, un peu comme ce tonton rĂ©acâ quâon invite aux repas de famille mais quâon Ă©vite de trop laisser parler. Mais ne serait-il pas tant dâessayer ou de promouvoir de nouveaux modĂšles ?
Prenons par exemple la plateforme Patreon. Si des artistes arrivent Ă ĂȘtre financĂ©s via cette plateforme, pourquoi pas des membres de projets libre et open source ? En France, le mouvement (relativement louable) de la #StartupNation sâinstalle pour favoriser la crĂ©ation dâentreprises. Et si on avait un mouvement similaire type #FreeNation ? Le nom claque un peu quand mĂȘme. DerniĂšre idĂ©e, les cryptomonnaies. En supposant que lâon place les efforts et dĂ©bats ailleurs que sur la spĂ©culation, la rĂ©gulation ou lâinterdiction des cryptomonnaies et des ICO, ne pourrait-on pas par exemple imaginer des tokens permettant de financer des entitĂ©s dĂ©vouĂ©es Ă lâopen source ? Quitte Ă ĂȘtre disruptif avec ces monnaies alternatives, pourquoi pas lâĂȘtre Ă fond et repenser la rĂ©munĂ©ration ?
Mâenfin bon. A force de rĂ©flexions de ce genre, et puisque tous ces Ă©lĂ©ments sont gĂ©nĂ©ralement inconnus du public, et que les discours concernant les GAFAM sont systĂ©matiquement binairisĂ©s pro/anti, je me demande sâil nây a pas finalement un refus de la classe politique et dâune partie de la population de se poser des questions, de soutenir des solutions meilleures pour tous, et de remettre en cause ses habitudes. Personnellement je me dis quâun jour le message finira par passer. Pas Ă grands coups dâarticles putaclicks, mais plutĂŽt Ă force dâĂ©ditions de Libre en FĂȘte comme Ă Lannion ou de CafĂ©s Vie PrivĂ©e, ça finirait peut-ĂȘtre par changer⊠mais les prises de conscience tardent.
Je terminerai par une belle phrase de Framasoft qui résume tout ça : La route est longue mais la voie est libre...
Entre temps, faĂźtes un tour sur la page du projet Contributopia ;â)
â DerniĂšre mise Ă jour : mercredi 9 fĂ©vrier 2022 PrĂ©cĂ©demment sur Medium et paper.wf â
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