sur le chemin de rousseurs mortes les frondaisons vertes encore s'écartent et nous invitent vers la légère barrière de brume qui noie la forêt dans le gris
quel inconnu au-delà nous attend quel autre chemin trouver plus loin pour cueillir les restes de la nuit
mais où sont parties les lumières que nous suivions où sont parties les lumières que nous aimions
dresse au jour pâle
ses branches amputées
son écorce carapace d'argent
repousse violemment la lumière
les faisceaux d'aiguilles qu'il envoie
épinglent la grisaille glacée de l'automne
ni le froid ni la nuit ne vaincront
la verticale de son tronc
fatigué mais debout
dominant la forêt
il demeure
Photo par Gilles Le Corre « En redescendant au village, ce soir. 6 décembre 2022 » Courtesy of © Gilles Le Corre & ADAGP
peut-être ont-elles cru s'envoler vers le ciel
elles ont voltigé dans son reflet brumeux sur l'eau trouble
bientôt noyées les feuilles encore vives lentement dérivent
Photo par Geneviève Cygan
Photo par Geneviève Cygan
Photo “Plage de Berck sur Mer” par Nicolas Boulesteix,
licence CC BY-NC-SA
avec le jour le soleil rouge viendront les mille voix du monde un chœur épouvantable et magnifique bourdonnement discordant et pourtant je voudrais tant y joindre un vif son de flûte ténu vibrant roseau pour qu'à la septième note les murailles s'effondrent
les mots je les prends quand ils sont encore pas bien gros je les gratouille je les papouille mais ils se crispouillent je les dépose avec précaution le long du grand vide blanc de l'écran mais ils se carafont et s'éparbulent et s'enfurêtent et puis plus rien alors je les attache avec mes gosses ficelles à rôti pour qu'ils tiennent à peu près dans la page sans trop faire de ravages mais ils font leur mauvaise tête et refusent de se mettre à l'endroit à l'engauche non plus ils n'ont plus de sens on en retrouve des bouts orphelins dans les coins d'autres qui copulent et se reproduisent pour rien bon je les abandonne là finalement c'est ptêt mieux comme ça ouais plus de sens unique ni obligatoire ni interdit
nous sommes les pentes pelées et caillouteuses sur nous s’abattent en vain de furieuses vagues de nuages
bientôt leur eau dans l'air descendra sur les drailles nous la vomirons en torrents rapides
une seule clarté sur nous résiste à toute l'ombre et l'éclat de nos flancs met le ciel à l'envers
Photo par ForestEyes
Photo “Pierre solitaire dans le sable – Presqu'île de Quiberon” par Nicolas Boulesteix, licence CC BY-NC-SA