longtemps nous avons
cherché vers le haut
les lointains nuages
nos branches et brindilles
toutes dressées en vain
dans le vent et la pluie
puis de nos racines jointes
nous avons su capturer
un vrai morceau de ciel blanc
les feuilles et les mousses
lui ont fait bon accueil
et parfois nous voyons
dans son miroir passer le soleil
Photo par Ithilwen
#photo #poésie

sur la terre battue
feuilles écrasées et pétioles
font signe en vain
étranges kanji
brouillés par la pluie
bientôt noyés dans l'âcre boue
qui saura dire votre insondable message ?
#photo #poésie

brutal partage des roches
jaillissements de falaises
rongées par les siècles de l'eau du fleuve
écrasées sous leur propre masse
et clivées jusqu'aux noires profondeurs
elles résistent cependant
redressent leur effrayant mufle
contre les vents
malgré l'entaille contraire
d'un sentier qui n'ira nulle part
Photo par Ian Cylkowski
licence CC BY-NC-SA 4.0
#photo #poésie
on peut s'assoupir
l'esprit tranquille le front serein
tout est bien classé placé rangé
tout est lisse rien ne dépasse
le chemin de fer
aux rails bien parallèles
la fille de l'air
dans l'hélicoptère
posés sur tes sourcils
deux ailes de mésange
et les cuillers à dessert
dans le tiroir de gauche
de la salle de bains
en recomptant les jours
de la semaine dernière
on trouve que tout est conforme
aux sept doigts de la main
du lundi au lundi
sans erreur ni oubli
notre vie s'est déroulée
suivant le plan prévu
tout est bien
on peut dormir tranquille
jusqu'à hier matin
pourvu que la nuit
doucement
nous accompagne
nous aurons mille chemins
pour entendre de nos corps
noyés l'un dans l'autre
les soupirs si longtemps retenus
puis nous irons ensemble
là où je ne sais rien
ni de toi ni de moi
ni du reste du monde
étreindre le sommeil
pourvu que la nuit
doucement
nous abandonne

rêve obscur
où je glisse mon corps
je n'ai peur ni de toi
ni de l'ombre de tes doigts
les mains de la nuit
veillent sur mon sommeil
j'attends leur sombre caresse
Image « Dans ta main » © Rita Renoir & ADAGP
#artwork #dessin #poésie
bas-côtés
le long des routes au tracé obstiné
les fossés parfois profonds
hébergent dans les ronces et les orties
détritus papiers gras et papiers cul
lamentables lambeaux de sachets en plastique
parfois même
entre d'immenses herbes folles
une orchidée sauvage
j'aime les bas-côtés
qui nous rappellent en somme
ce que nous sommes
la nuit n'est pas la nuit
ni même une autre vie
trois lueurs dispersées
dans l'ombre qui s'allonge
un grand ciel hésitant
entre noir et bleu sombre
attendre des étoiles
qu'elles vacillent et s'effacent
pour atteindre peut-être
le sommeil du matin
la nuit n'est pas la nuit
pas même un angle mort
il n’y a pas de sommet
sur le chemin de la montagne
redresser le dos
respirer mieux
tête haute
fièrement loin du monde
regarder à la fois
au plus haut le bleu mordant
et l'humble caillou à ses pieds
pour s'envoler sans trébucher
sur le passage étroit
entre ravin et paroi
les yeux fixés droit devant soi
atteindre la faille du rocher
si longtemps convoitée
où passait aussi
le torrent du printemps
arrivé à l'arrondi du mont
tout là-haut
il n'y pas de sommet
il n'y a plus que soi
et le vent
on pourrait
jeter ses chaussures dans l'espace
et ne plus jamais descendre
pourtant la pente appelle
invite à retrouver au creux de la vallée
dans le secret de la nuit
d'autres monts à gravir
nous sommes des rues des ruelles des avenues
qui s'achèvent en impasses
des rocades inutiles des artères solitaires
des boulevards désertiques
nous écrivons la ville en creux
nous passons sans regrets
au ras des façades lisses qui captent le reflet des nuages
indifférentes aux monuments orgueilleux dressés vers le ciel
nous taillons de l'espace
dans la chair morte du béton
nous lançons sur la ville
des voies des carrefours et des passages
des trajectoires insolites
des lignes de fuite
pour partir vers partout
et la vitesse nous traverse
#noussommes