les arbres pris d'un beau vertige ont renoncé au ciel
la branche qui trempe dans l'eau laiteuse ne connaît plus le langage des nuages
Photo par Guillemette Silvand
les arbres pris d'un beau vertige ont renoncé au ciel
la branche qui trempe dans l'eau laiteuse ne connaît plus le langage des nuages
Photo par Guillemette Silvand
l'épaisseur de la vitre froide n'empêche pas de voir les autres mais la buée de nos souffles il nous faut l'effacer d'une main amie
vos voix je les entends mais d'autres mots me viennent
sous le bruit des vagues dorment les galets lisses
au bord des mots
laisser vierge la page oui qu'elle dorme tranquille d'ailleurs rien à manger dans ce blanc plutôt picorer dans la marge où cent poissons bizarres s'ébrouent sans façons
rester au bord des mots
eux-mêmes ne savent pas ce qu'ils disent
guetter au bord des mots espérer une prise
j'écris à tâtons dans le silence des mots sans qualités
voix qui chantent et celles qui chuchotent voix du fond des âges pourtant parvenues voix étranges en langues inconnues de l'au-delà de par ici
voix cassées émues tremblantes voix hoqueteuses de fous-rires haut perchées ou caverneuses enfumées et radoteuses
je vous tends mes oreilles gourmandes et je vous crie d'amour pour rejoindre votre fabuleux chœur discordant
que faire de nous qui poussons de petits cailloux à grands coups de pieds dans l'espoir de retrouver le chemin perdu
que faire de nous qui marchons en boitant dans la forêt où les arbres anciens nous invitent en vain à joindre la terre au ciel
sur les vagues écumeuses les trottoirs luisants de pluie les quais désertés de la gare nous qui partons sans ticket que faire de nous
lancer loin les regrets les chagrins assez haut par-dessus ce mur hérissé de tessons éclats coupants de souvenirs
lancer aussi jusqu'à ce que la terre même cède les furieux orages du sang dans nos tempes sur le tapis de silence qui assourdit nos pas
par un mot par un cri juste un chemin ouvert pour nos cœurs débondés
tard la nuit doutes me rongent qu'en fais-je
tôt le matin trop m'échappe qu'en sais-je
arbre tronçonné l'aubier offre son miroir au soleil mourant
armée d'arbres vaillants sans rien pour combattre
votre vague puissante s'écroule vers le ravin où se noie la lumière et projette jusqu'au ciel nu l'écume blanche des forêts
petit arbre audacieux aux rameaux farouches tu résistes au sommeil de l'hiver en dérobant la dernière lumière par-dessus les collines
à la vallée à la rivière nous dirons ta victoire quand ton feuillage revenu attendrira nos cœurs
Photo par Gilles Le Corre “Nuages du matin sur les hauteurs. 30 Janvier 2022, matin” – Courtesy of © Gilles Le Corre & ADAGP 2021