Un blog fusible

pour couper le cirque cuit

la colline déferle en vagues sombres qui soulèvent des rouleaux de broussailles

seul un arbre à l'orgueil invaincu explose en gerbes de branches nues

sous un ciel de suie il capte un faisceau de lumière

nous pouvons au creux de cette houle comme lui nous dresser dans les ténèbres  


Photo par Gilles Le Corre “Dans les montagnes autour du village, après-midi nuageuse.” – Courtesy of © Gilles Le Corre & ADAGP 2021


#photo #poésie

quand le flot de paroles se retire et découvre de petits bouts de mots échoués mais non tenus en laisse pas de quoi faire un gros bateau

je marche sur l'estran je rêve de rejoindre le large horizon courbé sur une coquille de moi

 

cœurs serrés

foule dense valises lourdes visages fatigués des mères tiennent serrés dans leurs bras des enfants qui tiennent serrées des peluches

cœurs serrés regards dignes sans larmes de celles qui ont laissé leur pays  

les arbres pris d'un beau vertige ont renoncé au ciel

la branche qui trempe dans l'eau laiteuse ne connaît plus le langage des nuages


Photo par Guillemette Silvand


#photo #poésie

l'épaisseur de la vitre froide n'empêche pas de voir les autres mais la buée de nos souffles il nous faut l'effacer d'une main amie

vos voix je les entends mais d'autres mots me viennent

sous le bruit des vagues dorment les galets lisses  

au bord des mots

laisser vierge la page oui qu'elle dorme tranquille d'ailleurs rien à manger dans ce blanc plutôt picorer dans la marge où cent poissons bizarres s'ébrouent sans façons

rester au bord des mots

eux-mêmes ne savent pas ce qu'ils disent

guetter au bord des mots espérer une prise

j'écris  à tâtons dans le silence des mots sans qualités  

voix qui chantent et celles qui chuchotent voix du fond des âges pourtant parvenues voix étranges en langues inconnues de l'au-delà de par ici

voix cassées émues tremblantes voix hoqueteuses de fous-rires haut perchées ou caverneuses enfumées et radoteuses

je vous tends mes oreilles gourmandes et je vous crie d'amour pour rejoindre votre fabuleux chœur discordant    

que faire de nous qui poussons de petits cailloux à grands coups de pieds dans l'espoir de retrouver le chemin perdu

que faire de nous qui marchons en boitant dans la forêt où les arbres anciens nous invitent en vain à joindre la terre au ciel

sur les vagues écumeuses les trottoirs luisants de pluie les quais désertés de la gare nous qui partons sans ticket que faire de nous    

lancer loin les regrets les chagrins assez haut par-dessus ce mur hérissé de tessons éclats coupants de souvenirs

lancer aussi jusqu'à ce que la terre même cède les furieux orages du sang dans nos tempes sur le tapis de silence qui assourdit nos pas

par un mot par un cri juste un chemin ouvert pour nos cœurs débondés    

tard la nuit doutes me rongent qu'en fais-je

tôt le matin trop m'échappe qu'en sais-je