combien de jours ai-je perdus en attendant le bon moment
de chemins que j'aurais pu suivre au beau milieu des champs ouverts
de destins que j'ai croisés qui auraient pu être miens
une heure de plus une heure de moins au bout du compte ne change rien
heure d'été heures d'hier les aiguilles ne tournent pas à l'envers
je suis un vieux monsieur aux cheveux neigeux
je n'y comprends rien on me dit mais non c'est pas ça du tout
mais moi pourtant j'ai bien entendu les uns lancent des bonbons ardemment les autres livrent des arbres
on me dit tu as de la chance d'avoir si mauvaise ouïe
mais où vont ces mères et ces enfants si nombreuses sur les quais et les routes
je suis un vieux monsieur je n'y comprends rien
par tous les torrents par tous les sentiers les nuages descendent vers la vallée
où sera demain dans quel brouillard laiteux la ferme aux toits rouges que le soleil allumait au temps de l'enfance
Photo par Lucio Barabesi
pulsation
la terre au loin se renfle et se creuse ses grondements se rapprochent
la cave est froide et humide la lumière faible et rare
les paumes vers le ciel la mère chante un autre air
dans ses bras l'innocence emporte le combat
la pulsation reprend toujours au poignet de l'enfant
prends sur ton cœur le bord clair de la nuit cette lueur amie par la fenêtre haute enroule-toi sans crainte dans son voile
un seul de tes regards et déjà les ombres effarouchées s'éloignent enfin ton esprit va voguer en paix
toujours le petit jour accueille le sommeil tu t'endormiras dans les bras de l'aube
la colline déferle en vagues sombres qui soulèvent des rouleaux de broussailles
seul un arbre à l'orgueil invaincu explose en gerbes de branches nues
sous un ciel de suie il capte un faisceau de lumière
nous pouvons au creux de cette houle comme lui nous dresser dans les ténèbres
Photo par Gilles Le Corre “Dans les montagnes autour du village, après-midi nuageuse.” – Courtesy of © Gilles Le Corre & ADAGP 2021
quand le flot de paroles se retire et découvre de petits bouts de mots échoués mais non tenus en laisse pas de quoi faire un gros bateau
je marche sur l'estran je rêve de rejoindre le large horizon courbé sur une coquille de moi
cœurs serrés
foule dense valises lourdes visages fatigués des mères tiennent serrés dans leurs bras des enfants qui tiennent serrées des peluches
cœurs serrés regards dignes sans larmes de celles qui ont laissé leur pays