à Neko
notre vie toujours est une forêt perdue
dévastée de coulées de larmes
troncs abattus par la tempête
racines à nu dressées en vain vers le ciel
à quel arbre ancien
confier tes secrets
à quel grand pin
ton chagrin
mais d'autres forêts debout
d'autres arbres t'attendent
tu pars à leur rencontre
pour étreindre encore
les troncs puissants et doux
des hêtres centenaires
pour écouter encore leur voix venue des âges
la rumeur continue des siècles sous l'écorce
et leur sagesse ancienne apaisera ton cœur
au plus lourd du sommeil
la nuit combat la nuit
le temps s'allonge et multiplie
car nos yeux grand ouverts dans le noir
inventent des jours inventent des vies
que le matin ne dissipera pas
le fleuve
traîne sa flemme
sous le gris de la pluie
la nuit
gagne lentement
elle éteint la journée
et sur la passerelle
tendue de câbles vibrants
le vent nous emporte

de colline en colline
la forêt s’élève
jusqu’à effacer les montagnes
d'une gomme de nuages
comme elle monter
jusqu’au trait de pinceau bleu
du printemps promis
Photo par Gilles Le Corre “Neiges d'avril” – Courtesy of © Gilles Le Corre & ADAGP 2022
#photo #poésie

sur la mousse du toit
sur le front des forêts
graines blanches de printemps
semées par milliers
par le ciel de neige
Photo par Gilles Le Corre “Neige d'avril au matin” – Courtesy of © Gilles Le Corre & ADAGP 2022
#photo #poésie
combien de jours ai-je perdus
en attendant le bon moment
de chemins que j'aurais pu suivre
au beau milieu des champs ouverts
de destins que j'ai croisés
qui auraient pu être miens
une heure de plus une heure de moins
au bout du compte ne change rien
heure d'été heures d'hier
les aiguilles ne tournent pas à l'envers
je suis un vieux monsieur
aux cheveux neigeux
je n'y comprends rien
on me dit mais non
c'est pas ça du tout
mais moi pourtant j'ai bien entendu
les uns lancent des bonbons ardemment
les autres livrent des arbres
on me dit tu as de la chance
d'avoir si mauvaise ouïe
mais où vont ces mères et ces enfants
si nombreuses sur les quais et les routes
je suis un vieux monsieur
je n'y comprends rien

par tous les torrents
par tous les sentiers
les nuages descendent vers la vallée
où sera demain
dans quel brouillard laiteux
la ferme aux toits rouges
que le soleil allumait
au temps de l'enfance
Photo par Lucio Barabesi
#photo #poésie
pulsation
la terre au loin se renfle et se creuse
ses grondements se rapprochent
la cave est froide et humide
la lumière faible et rare
les paumes vers le ciel
la mère chante un autre air
dans ses bras l'innocence
emporte le combat
la pulsation reprend toujours
au poignet de l'enfant
prends sur ton cœur le bord clair de la nuit
cette lueur amie par la fenêtre haute
enroule-toi sans crainte dans son voile
un seul de tes regards
et déjà les ombres effarouchées s'éloignent
enfin ton esprit va voguer en paix
toujours le petit jour accueille le sommeil
tu t'endormiras dans les bras de l'aube