arbre tronçonné l'aubier offre son miroir au soleil mourant
arbre tronçonné l'aubier offre son miroir au soleil mourant
armée d'arbres vaillants sans rien pour combattre
votre vague puissante s'écroule vers le ravin où se noie la lumière et projette jusqu'au ciel nu l'écume blanche des forêts
petit arbre audacieux aux rameaux farouches tu résistes au sommeil de l'hiver en dérobant la dernière lumière par-dessus les collines
à la vallée à la rivière nous dirons ta victoire quand ton feuillage revenu attendrira nos cœurs
Photo par Gilles Le Corre “Nuages du matin sur les hauteurs. 30 Janvier 2022, matin” – Courtesy of © Gilles Le Corre & ADAGP 2021
être rocher une petite centaine d'années écouter vaguement le vent souffler laisser glisser l'eau qui passe attendre qu'un oiseau pose ses pattes un moment
être ruisseau embrasser les berges en songeant au cresson caresser longuement les poissons envoyer par-dessus bord les tourbillons bouillonner de toutes les eaux du printemps
être ceci ou cela ou même les deux à la fois pourquoi pas
oublier le numéro du quai le train les rails et les arrêts en gare la ville assoupie la place de la mairie
oublier la rue amie la chambre et son mystère la première fois
s'il reste au matin une écharpe de brume je la nouerai à mon cou
que murmure cet arbre orgueilleux résistant au feuillage de feu triomphant dans le froid
combien pèse le souvenir du moineau sur sa branche où commence où finit son œil gris quel fil invisible l’envole vers le soir
pourquoi le chant du ruisseau le brouillard sur la rive d'où nous lançons de petits bouts de bois qui dérivent
vers où leur vie on ne sait pas
revienne l'été au bord de l'eau
paresse de juillet simple flot courbes molles rives secrètes bulles d'air vagues remous
chanson oubliée dans le transistor du pêcheur
hameçon perdu accroché à la souche sous la surface
saut soudain éclair blanc dans l'eau lente un poisson moucheronne
refrain de la branche incessamment repoussée par le courant
on devine à peine ce qu'à mi-voix dit la rivière et pourtant
revienne l'été au bord de l'eau
cet arbre seul est un archipel la colline un gâteau sec une meringue
la ville est une boîte d'allumettes la rue luisante de pluie est un chant d'alouette
le fleuve une dalle immense
le vent qui danse ouvre pour moi ses voiles
dans la nuit sourde je m'en vais sifflant
plonger
quand le soleil surfera sur les vagues pour y lancer son chant triomphant
quand la lune lassée des étoiles entrera fière et seule dans la forêt propice
je plongerai nu dans le ciel me noierai dans les nuages en écharpe
pour couler à pic au fond de l’espace
when the sun rides the waves to cast its anthem of triumph
when the moon of stars weary noble and alone enters the auspicious forest
I will dive naked into the sky drown myself in twirly clouds
and sink down to space
Illustration : “Paestum Museum” par The Consortium est sous licence CC BY-SA 2.0