Un blog fusible

pour couper le cirque cuit

arbre tronçonné l'aubier offre son miroir au soleil mourant    

armée d'arbres vaillants sans rien pour combattre

votre vague puissante s'écroule vers le ravin où se noie la lumière et projette jusqu'au ciel nu l'écume blanche des forêts


Photo par Gilles Le Corre “Les couleurs de l'hiver 27 Janvier 2022 fin d'après-midi” – Courtesy of © Gilles Le Corre & ADAGP 2021


#photo #poésie

petit arbre audacieux aux rameaux farouches tu résistes au sommeil de l'hiver en dérobant la dernière lumière par-dessus les collines

à la vallée à la rivière nous dirons ta victoire quand ton feuillage revenu attendrira nos cœurs


Photo par Gilles Le Corre “Nuages du matin sur les hauteurs. 30 Janvier 2022, matin” – Courtesy of © Gilles Le Corre & ADAGP 2021


#photo #poésie

être rocher une petite centaine d'années écouter vaguement le vent souffler laisser glisser l'eau qui passe attendre qu'un oiseau pose ses pattes un moment

être ruisseau embrasser les berges en songeant au cresson caresser longuement les poissons envoyer par-dessus bord les tourbillons bouillonner de toutes les eaux du printemps

être ceci ou cela ou même les deux à la fois pourquoi pas


oublier le numéro du quai le train les rails et les arrêts en gare la ville assoupie la place de la mairie

oublier la rue amie la chambre et son mystère la première fois

s'il reste au matin une écharpe de brume je la nouerai à mon cou


que murmure cet arbre orgueilleux résistant au feuillage de feu triomphant dans le froid

combien pèse le souvenir du moineau sur sa branche où commence où finit son œil gris quel fil invisible l’envole vers le soir

pourquoi le chant du ruisseau le brouillard sur la rive d'où nous lançons de petits bouts de bois qui dérivent

vers où leur vie on ne sait pas


revienne l'été au bord de l'eau

paresse de juillet simple flot courbes molles rives secrètes bulles d'air vagues remous

chanson oubliée dans le transistor du pêcheur

hameçon perdu accroché à la souche sous la surface

saut soudain éclair blanc dans l'eau lente un poisson moucheronne

refrain de la branche incessamment repoussée par le courant

on devine à peine ce qu'à mi-voix dit la rivière et pourtant

revienne l'été au bord de l'eau

la branche basse se penche pour que le regard grimpe entre les pins

leur tête folle pousse la brume vers un nuage

le creux du ciel n'est pas si loin


Photo par Gilles Le Corre “In the mountains by a foggy morning. 2022 January 2nd” – Courtesy of © Gilles Le Corre & ADAGP 2021


#photo #poésie

cet arbre seul est un archipel la colline un gâteau sec une meringue

la ville est une boîte d'allumettes la rue luisante de pluie est un chant d'alouette

le fleuve une dalle immense

le vent qui danse ouvre pour moi ses voiles

dans la nuit sourde je m'en vais sifflant

   

plonger

quand le soleil surfera sur les vagues pour y lancer son chant triomphant

quand la lune lassée des étoiles entrera fière et seule dans la forêt propice

je plongerai nu dans le ciel me noierai dans les nuages en écharpe

pour couler à pic au fond de l’espace

when the sun rides the waves to cast its anthem of triumph

when the moon of stars weary noble and alone enters the auspicious forest

I will dive naked into the sky drown myself in twirly clouds

and sink down to space

Illustration : “Paestum Museum” par The Consortium est sous licence CC BY-SA 2.0