Un blog fusible

pour couper le cirque cuit

puissantes sentinelles aux fantômes indifférentes les pins filtrent la lumière

le ravin avale les nuages et la forêt reprend sa toute-puissance au jour qui passe

encore un moment pour que notre vie apparaisse et se révèle intacte sous la caresse du brouillard


Photo par Gilles Le Corre “In the mountains by a foggy morning. 2022 January 2nd” – Courtesy of © Gilles Le Corre & ADAGP 2021


#photo #poésie

à grand pas nous marchons dans nos villes électriques les poteaux sont à terre et les câbles en désordre pas d’éclair dans le ciel pour nous dire où aller ni panneau ni plus loin d’horizon à rallier

il y a dans nos corps comme un grand court-circuit des trajets incertains et d'immenses détours nous fuyons au hasard poursuivis d’étincelles des brasiers du passé dans nos cœurs dévastés

sous le regard glacé des grands pylônes muets tous leurs disques de verre éclatés sous nos pieds nous marchons à grands pas dans nos vies électriques  

nous sommes les buissons épineux nous restons à l'écart enragés et confus

nous jalousons le puissant rocher seul dressé défiant brume nuage et pluie quand l'eau dans l'air s'affale s'élève et retombe sur le village endormi

nos rameaux dépouillés invoquent la clarté du jour qui perce malgré tout

nous sommes les buissons décharnés mais toujours vainqueurs de l'hiver


Photo par Gilles Le Corre “Rainy day on a village in the clouds, like a movie set. December 24th 2021” – Courtesy of © Gilles Le Corre & ADAGP 2021 #photo #poésie #noussommes


Ode au deux janvier

J'aime ce jour sans rien de spécial de grandiose où la vie va son train ni joyeux ni morose

j'aime ce lendemain où plus rien ne m'impose les bons vœux les festins les sourires et les poses

j'aime le deux janvier retrouver la forêt et la vie des rochers que la veille j'enviais

je veux un deux janvier qui va vers l'inconnu comme un petit sentier à pas lents parcouru

je veux un deux janvier qui dure un an entier sans accroc et sans lien j'aime ce jour sans rien

(2 janv. 2018)

comment savoir où va mourir la brume qui noie le lac glacé quand le vent descend vers la vallée

d'où sont venues ces voix aux paroles terribles qui tournoient inutiles jetant leur fumée à la nuit

quel est ce feu qui nous déborde cet incendie sous notre peau ce cri de rage dans nos gorges

rien dans le ciel pour nous le dire pas un mot pas un souffle

de ce côté du monde l’immense océan blanc s'écroule en vagues muettes


la cheminée patiente lance vers la forêt un torrent de fumée

le vent ivre accroche sur la frange de sapins une bulle de soleil bleu

ascensions rêvées brumes trop vite dispersées nos vies passées de l'autre côté des collines


Photo par Gilles Le Corre “Winter in the mountains, 2021 December ” – Courtesy of © Gilles Le Corre & ADAGP 2021 #photo #poésie


Light

Flickering and lonely light drifting away from the night who could frame and soothe your pain when you try to reach in vain the ever fleeing distant suns

lumière vacillante et solitaire dérivant plus loin que la nuit qui pourrait soulager ta peine quand tu essaies en vain de rejoindre les lointains soleils toujours fuyants


Crédit image : “the stars in the night sky”par maguay, licence CC BY 2.0


en vain tête basse nous cherchons à déchiffrer les faibles clartés de l'herbe rase

oublieux de l'immense forêt givrée de reflets

tout son peuple de branches accueille et célèbre du plus humble rameau à la plus haute cime la lumière du ciel


Photo par Gilles Le Corre “By the lower village, near the riverside. 2021 December 12th, late in the morning.” – Courtesy of © Gilles Le Corre & ADAGP 2021 #photo #poésie


le libre ciel d'hiver se déchire et dérive

la forêt a sombré dans l'ombre des nuages

dans le creux du vallon un filet d'eau secret se perd entre les ronces

traversant les collines la lumière obstinée éveille le village


Photo par Gilles Le Corre “The nearby village on its rock 2021 December” – Courtesy of © Gilles Le Corre & ADAGP 2021


#photo #poésie

les nuages bleus

je voudrais entendre encore la voix de ma mère quand elle étendait le linge au-dehors et le bruit du solex qui me portait vers l'école assis derrière son dos

j'aimerais revoir aussi abruti par la chaleur de juillet le bouchon qui vacille sur le ruisseau sans rides

je voudrais comprendre un jour ce qu'elles sont devenues les longues herbes au goût poivré que j'aimais mâchonner en rêvant lentement à rien du tout en vrai

je voudrais me souvenir un peu du sous-bois aux jonquilles des labours traversés les bottes bien lourdes du chemin que j'ai pris pour arriver ici

je veux retrouver le vent sur le fleuve le vent venu de l'Atlantique qui ralentit le courant

je veux voir encore comme je voyais alors dans un grand ciel blanc des nuages bleus