Ode au deux janvier
J'aime ce jour sans rien
de spécial de grandiose
où la vie va son train
ni joyeux ni morose
j'aime ce lendemain
où plus rien ne m'impose
les bons vœux les festins
les sourires et les poses
j'aime le deux janvier
retrouver la forêt
et la vie des rochers
que la veille j'enviais
je veux un deux janvier
qui va vers l'inconnu
comme un petit sentier
à pas lents parcouru
je veux un deux janvier
qui dure un an entier
sans accroc et sans lien
j'aime ce jour sans rien
(2 janv. 2018)
comment savoir
où va mourir la brume
qui noie le lac glacé
quand le vent descend vers la vallée
d'où sont venues ces voix
aux paroles terribles
qui tournoient inutiles
jetant leur fumée à la nuit
quel est ce feu qui nous déborde
cet incendie sous notre peau
ce cri de rage dans nos gorges
rien dans le ciel pour nous le dire
pas un mot pas un souffle
de ce côté du monde
l’immense océan blanc s'écroule en vagues muettes

la cheminée patiente
lance vers la forêt
un torrent de fumée
le vent ivre accroche
sur la frange de sapins
une bulle de soleil bleu
ascensions rêvées
brumes trop vite dispersées
nos vies passées de l'autre côté des collines
Photo par Gilles Le Corre “Winter in the mountains, 2021 December ” – Courtesy of © Gilles Le Corre & ADAGP 2021
#photo #poésie
Light
Flickering and lonely light
drifting away from the night
who could frame and soothe your pain
when you try to reach in vain
the ever fleeing distant suns
lumière vacillante et solitaire
dérivant plus loin que la nuit
qui pourrait soulager ta peine
quand tu essaies en vain de rejoindre
les lointains soleils toujours fuyants
Crédit image : “the stars in the night sky”par maguay, licence CC BY 2.0

en vain tête basse
nous cherchons à déchiffrer
les faibles clartés de l'herbe rase
oublieux de l'immense forêt
givrée de reflets
tout son peuple de branches accueille et célèbre
du plus humble rameau à la plus haute cime
la lumière du ciel
Photo par Gilles Le Corre “By the lower village, near the riverside.
2021 December 12th, late in the morning.” – Courtesy of © Gilles Le Corre & ADAGP 2021
#photo #poésie

le libre ciel d'hiver
se déchire et dérive
la forêt a sombré
dans l'ombre des nuages
dans le creux du vallon
un filet d'eau secret
se perd entre les ronces
traversant les collines
la lumière obstinée
éveille le village
Photo par Gilles Le Corre “The nearby village on its rock
2021 December” – Courtesy of © Gilles Le Corre & ADAGP 2021
#photo #poésie
les nuages bleus
je voudrais entendre encore la voix de ma mère
quand elle étendait le linge au-dehors
et le bruit du solex qui me portait vers l'école
assis derrière son dos
j'aimerais revoir aussi
abruti par la chaleur de juillet
le bouchon qui vacille
sur le ruisseau sans rides
je voudrais comprendre un jour
ce qu'elles sont devenues
les longues herbes au goût poivré que j'aimais mâchonner
en rêvant lentement
à rien du tout en vrai
je voudrais me souvenir un peu
du sous-bois aux jonquilles
des labours traversés les bottes bien lourdes
du chemin que j'ai pris
pour arriver ici
je veux retrouver le vent sur le fleuve
le vent venu de l'Atlantique
qui ralentit le courant
je veux voir encore
comme je voyais alors
dans un grand ciel blanc
des nuages bleus
nous voici
dressées dans la montagne
nous sommes de raides parois de roches grises
si fièrement abruptes
si fragiles pourtant
que les vents l'orage et la glace
nous rongent et nous creusent
le torrent nous ignore
se jette dans l'air pur
obstiné tendu vers la chute
vers l'océan
qui nous berçait
il y a si longtemps
quand nous crevions les cieux
océan désormais si lointain
hors de portée
de nos écroulements furieux
nous sommes des parois
solitaires et dénudées
mais les nuages nous embrassent

Photo par Sxates, licence CC BY-NC 2.0
#photo #poésie #noussommes
nous sommes tout petits soleils
plus ténus que têtes d'épingles
dans le grand noir de nuit
par milliards faibles et lointains
éclats de rien perdus
fragments sans vie
dans le vide
qui tournoient
en vain
“Starry Night” par varrqnuht, licence CC BY-SA 2.0
#photo #poésie #noussommes
tiolu tiola
nous sommes moineaux gris
passereaux ordinaires
la nuit repose
comme un rameau où l'on se pose
en espérant un vent léger
et par son souffle un libre envol
vers un matin bleu-gris
tiolu tiola

“Le moineau patient (Le Flayosquet, Flayosc France)” par Jean-Michel Guisiano, licence CC BY-NC-ND 2.0
25 octobre 2024
nous pesons si peu
que les tiges le plus fines
nous accueillent
sans ployer
dans le buisson du jardin
nos ailes et nos cœurs vibrent
notre vie de moineaux
c'est maintenant et puis maintenant

“Moineaux domestiques (Passer domesticus)” by Le No is licensed under CC BY-NC-SA 2.0.
#photo #poésie #noussommes