ouvrir les mots perforer leur blindage au chalumeau au laser à la scie circulaire
arracher à leur noyau radioactif un immense essaim de sens bourdonnants
rien à choisir rien à trier tout jeter à poignées vers le monde
ouvrir les mots perforer leur blindage au chalumeau au laser à la scie circulaire
arracher à leur noyau radioactif un immense essaim de sens bourdonnants
rien à choisir rien à trier tout jeter à poignées vers le monde
pas si simple
pas si simple le passé simple pour raconter sans se rater ce qui fut mais a fui ce qui s'est accompli sans qu'on ait bien compris
le passé passager on s'en souvient pas souvent ce que la vie voila le voici perdu
mais le passé pas sage qui nous donna l'élan nourrit encore en nous le cœur de vivre un peu
un matin d'été simple jupe et cœur léger d'un bond s'envoler
un saut de l'ange par-dessus les soucis au passé un pied-de-nez
embrasser la journée et d'un regard confiant ouvrir d'autres demains
un lambeau clair flotte et demeure incertain
s'enfoncer dans la nuit ou bien au soleil rasant s'abandonner bientôt
le petit matin hésite
moi aussi
tentation du matin
enjamber d'un bond les frondaisons franchir l'espace et plonger lentement au creux le plus doux de la brume accueillante
effacer les limites d'une vie en pointillés et se dissoudre dans une nappe d'oubli
Photo par Gilles Le Corre – “A foggy saturday morning from the window of the library” – 2021 September 4th – By courtesy © Gilles Le Corre & ADAGP 2021
j'entends
j'entends la rivière hésitante le sursaut nerveux de la petite cascade et le remous qui revient vers l'amont
j'entends le chemin terreux aux ornières creusées de pneus de tracteurs
j'entends la maigre clairière aux arbres abattus racines vers le ciel et les nouveaux buissons vifs qui profitent de l'espace
j'entends le puissant souffle du vent la colère de l'orage qui vient sur les branches tourmentées
j'entends le combat la ruade et le naufrage le sourire la nuit blême la lumière le chagrin le sommeil dépecé le matin nu et froid
lancées par le soleil dans le sombre torrent d'herbe verte les fleurs flèches enflammées
j'envie leur grâce insoucieuse et l'audace de leur lumière
je voudrais comme elles plantées droit sur la nuit confuse des tiges trompeuses oser poser la lueur qui dissipe un instant les ombres mauvaises qui voilent nos cœurs
Photo par Gilles Le Corre “By the forests in the mountains surrounding the village”
By courtesy © Gilles Le Corre & ADAGP 2021
de nos corps dévastés où ne demeure pas un gramme de nos chairs nous avons fait peau neuve
nous nous dressons nus et fiers face au monde nous lançons nos bras aigus comme autant de missiles
nous jetons nos cris là-haut vers la nuit nous hurlons au ciel jusqu'à quitter la terre
face à nous la foudre même reste impuissante car nous sommes la rage et la vengeance la colère infinie des damnés de la vie
Photo par Gilles Le Corre “By the mountains surrounding the village”
By courtesy © Gilles Le Corre & ADAGP 2021
la vallée souffle ses vapeurs le champ vibre à la rage du soleil sous l'échine pliée de la montagne arbres accablés cigales endormies aussi
de quel cœur affronter la cruelle pâleur du ciel pur
Photo par Gilles Le Corre “By the mountains surrounding the village” By courtesy © Gilles Le Corre & ADAGP 2021