Que la langue
qui s’ankylose
maintenant ose
l’inouï l’infect
l’inavouable
et l’incongru
pas le sucrose mais la surprise
de courant
nu vif pointu
qui court-circuite
en paroles crues
les discours curare
Que viennent les flux sans fusibles !
Laisser râler sa colère
ajouter des plaintes aux pierres
et changer sa méduse en gelée
tremblante et morte
dans la flaque
Hoquets haut-le-cœur
vomir sa douleur et sa rage
sur tous les soleils trompeurs
et courir vers le soir
la pluie me plaît le vent me va et n’ai pas peur que le tonnerre me gronde viennent les nuits fracassées dans le noir déchiré de grands traits de lumière que les torrents débordés à gros bouillons écumeux emportent loin les branches des arbres qui s’ennuient vers la fin du dimanche et le morne lundi
tranquille dans le fracas de l'orage La ligne des collines hausse les épaules
les arbres ne se mettent pas en travers de notre chemin leurs troncs au contraire s'élancent pour nous guider vers le ciel
photo par Guillemette Silvand
pauvre nuit sur terre nappe inégale déchirée de lumières crevée de milliards de veilleuses
on dirait bien que personne n'ose préférer tes profondes ténèbres
pauvre nuit sur terre trouée de blessures viens noyer nos vies blêmes dans tes vastes bras obscurs
bulle de lait flottant légère entre les nuages la lune de passage dans le noir café du ciel
(à Queen of Argyll)
je t'envoie
une coupe de fraises des bois de mon petit jardin
le soleil déjà puissant du matin qui allume les hautes branches des arbres
l'instant où la vie te redonne le courage de parcourir la journée d'un pied sûr
je t'envoie
le grand souffle du vent d'avant l’orage qui pourchasse les nuages lourds de ta mémoire et te donnera de nouveau l'envie de danser danser encore dans la lumière de l'été
dans ma rue grise
les hommes orange avec leurs corps courbés et leur fatigue à pleines mains
éventrent la chaussée et s'envoient des messages en poussant des cris par-dessus les compresseurs et marteaux-piqueurs
ils exhument les conduites rouillées des tranchées terreuses ils déroulent des filets rouges et jaunes et toutes sortes de tuyaux cannelés verts jaunes et bleus
sous la pluie persistante ils font glisser longuement des câbles dans des gaines d'un bout à l'autre du quartier
les hommes orange donnent à ma rue grise les couleurs qui lui manquaient