Un blog fusible

pour couper le cirque cuit

bulle de lait flottant légère entre les nuages la lune de passage dans le noir café du ciel

(à Queen of Argyll)

je t'envoie

une coupe de fraises des bois de mon petit jardin

le soleil déjà puissant du matin qui allume les hautes branches des arbres

l'instant où la vie te redonne le courage de parcourir la journée d'un pied sûr

je t'envoie

le grand souffle du vent d'avant l’orage qui pourchasse les nuages lourds de ta mémoire et te donnera de nouveau l'envie de danser danser encore dans la lumière de l'été

dans ma rue grise

les hommes orange avec leurs corps courbés et leur fatigue à pleines mains

éventrent la chaussée et s'envoient des messages en poussant des cris par-dessus les compresseurs et marteaux-piqueurs

ils exhument les conduites rouillées des tranchées terreuses ils déroulent des filets rouges et jaunes et toutes sortes de tuyaux cannelés verts jaunes et bleus

sous la pluie persistante ils font glisser longuement des câbles dans des gaines d'un bout à l'autre du quartier

les hommes orange donnent à ma rue grise les couleurs qui lui manquaient

(pour F.)

à la première lueur du matin revient l'oiseau familier du jardin et son chant s'élève

après les tourments de la nuit elle est là toujours frémissante la simple feuille de l'arbrisseau qui attend un signe de votre cœur

la branche un peu lasse se balance à peine au vent calme du soir

une faible et dernière lueur cède aux ténèbres avec confiance

il est temps de s'abandonner aussi à la vie de la nuit

écluse débordante du jour qui vient dans quelle clarté pouvoir se baigner flot de lumière par-dessus l'horizon quelle aube attend où déverser son cœur

il y aura des arbres odorants de résine des étoiles clignotantes du côté de la mer et j'irai me noyer dans l'immense et douce nuit d'été

en marchant vite sous l'averse de printemps dans la rue vide où mes pas résonnent pour personne

esprit vacant refrain aux lèvres je fais dans ma tête plusieurs pirouettes acrobatiques

au matin le vent d'ouest emmènera plus loin ce que la nuit me donne

on dirait

que tu serais en promenade dans notre rue en pente avec ton parapluie ton manteau d'autrefois et ton air de t'en foutre je te regarderais en te croisant

alors tu me dirais

et je te dirais

on dirait

on dirait que la forêt se noie dans l'ombre du versant que les nuages aussi cherchent le sommeil

je ne dirai rien au matin du secret de la nuit