pluie tranquille lente traînée de bruine
pluie venteuse folle qui fonce de traviole
pluie battante pluie chantante
pluie qui crépite sur ma capuche
pluie des trottoirs trempés
pluie des flaques
pluie qui rigole
des chéneaux
aux caniveaux
aux ruisseaux
pluie des arbres qui s'ébrouent
pluie sans nombre et sans horaire
pluie qui tombe sur moi sur vous sur tout
visage vers le ciel
je tends vers vous mes lèvres
et vous bois à pleine gorge
— devenir avec vous millions de gouttes d'eaux !

brume basse
arbres hauts
leur liberté
défie la pente
et troue le ciel
grand désordre vibrant
leur puissant chant de vie
Photo par Gilles Le Corre
« sur la pente, dans les nuages – 19 octobre 2023 »
Courtesy of © Gilles Le Corre & ADAGP
#photo #poésie

silence sous le nuage
le combat a cessé dans la forêt profonde
les troncs s'entêtent encore vers le ciel bas
leurs branches inventent des oiseaux
depuis longtemps partis
Photo par Gilles Le Corre, « la forêt dans le brouillard, au sommet de la T. – 19 octobre 2023 »
Courtesy of © Gilles Le Corre & ADAGP
#photo #poésie
les oiseaux sont partis ce matin
avec mille poussières dans les yeux
je m'invente un nouveau jeu
avec des jetons pour marquer
la recette du point perdu
ce matin les oiseaux ont quitté la partie
sans pudeur aucune
se dévêtir des lambeaux
— beauté sans écorce
l'arbre sait abandonner
les blessures des années
dans le miroir inutile
mon torse nu
ne montre rien
sous l'écorce une autre écorce
et bien d'autres encore

Phto pxhere.com licence CC0
partisans
ils viennent
porter des coups à la nuit
ils viennent
le pas certain
écarter les ronces
les branches tendues en travers
l’ancien sentier
qu'on pensait disparu
s'ouvre étroit
dans l'aube lente
libre passage
dans le jour trouble
on ne sait pas s'il pleut


grandes herbes penchées
sur la modeste flaque
qui a su capturer
de son œil dans la boue
un éclat de ciel bleu
Photo courtesy of Géraldine Geay

grands arbres
feuilles lentes
eau calme
à la surface du ciel
#photo #poésie
Photo jbm, licence CC0 domaine public
il n’y a pas de bout du monde
et quand bien même il en resterait
je n’irais pas le rejoindre
je ne veux parcourir
dans le jardin minuscule
que les trajets des fourmis
en leur file inlassable
parmi les prunes à terre
il n’y a pas de chant des sirènes
et même si soudain il s’élevait
je resterais sourd à leurs charmes
je ne veux entendre
sur le flanc de la colline
que le souffle du vent
à travers les hêtres
qui tanguent sous ses vagues
il n’y a pas d’amour toujours
me ferait-il signe malgré tout
que je lui rirais au nez
je ne veux aimer
au bord du fleuve endormi
que l’eau fraîche et amie
qui entoure mes chevilles
dans la douce étreinte du soir

l'éclat du soleil ouvre
dans la mer endormie
la voie éblouissante
qui monte vers le ciel
Photo ©Joël Mariteau, licence Creative Commons 4.0 – CC-BY-NC-SA.
#photo #poésie