digne
à pas comptés
le long des fraisiers
le chat s'avance
pas une patte ne touche
la moindre feuille
exactement à l'endroit choisi
posé sur son séant
il regarde ailleurs
très digne en chiant
quelques coups de griffe
dans la terre molle
suffiront à ses yeux
pour masquer son étron
choses vues du
#vendredimanche
je veux
une rivière sans bord
pour dormir dans son lit
je veux
une nuit lourde
de vagues longues
mais pas l'ennui
de l'insomnie
je veux
l'instant volé
la porte entrouverte
sur un oiseau léger
et la lune montante
je veux frémir et me réjouir
plonger de rire et pleurer aussi
je veux la lumière d'un autre jour
#poésie #JeVeux
nous sommes
mince ruisseau
eau vive à peine
faible miroir
bien peu de fond
eau venue de nulle part
qui semble aller au hasard
mais nous savons où est la pente
où pouvoir disparaître
ni ronflement de torrent
ni fracas de déversoir
le ruisseau ne chante pas
il chuinte et marmonne
glousse et pépie
entre ses bords sans écho
au fil de l'eau notre filet de voix
nous sommes
eau ridée d'un lent tourbillon
qui longuement rêve en rond
avant de partir invisible
vers une autre courbe
dans l'ombre d'une branche basse
qui frôle sa surface
mince ruisseau
faible miroir
bien peu de fond
25 avril 2024
#nousSommes
pour @Vesper
on nous trouve partout
nous sommes des cailloux
cailloux du chemin des chantiers
des talus des remblais
du fond du ruisseau et du bas du muret
à demi enfoncés dans la boue du sentier
nous sommes des cailloux
cailloux gris cailloux blancs
parfois noirs ou brillants de mica éclatant
ternes le plus souvent
sans même une couleur
inertes et discrets
nous glissons sous le pied
aussitôt oubliés
nul ne se souvient
des rochers monstrueux
à l'orgueil vaincu
par la patience rongeuse des milliers d'années
jusqu'à n'être plus que nous
humbles cailloux
ignorés du monde
seuls nous regardent les yeux qui savent
inventer pour nous un destin de caillou
#nousSommes #poème
nous sommes braises endormies
couvertes déjà du gris de l'oubli
le souvenir même des flambées
s'est longuement dissipé
sous la cendre accablante nous respirons pourtant
un rien d'air voyageur rallume notre œil vif
nous sommes braises éprises de clartés
en nos cœurs minuscules trop de feu qui attend
nous sommes tenaces lumières
impatientes qu'un brasier nouveau
ouvre grand ses flammes
#poème #nousSommes
nous sommes
silhouettes sans grâce
d'argile ductile
images floues
derrière la vitre
nous sommes
ombres dansantes
sur l'instant indécis d'un matin
fendu cisaillé de pierre tranchante
nous sommes des paroles
qui en un jour s'étiolent
leur souffle seul demeure
sans mémoire
sans regret
nous marchons vers le soir
et le gris de nos vies disparaît dans la nuit
#poème #nousSommes
à la lisière des crêtes
le jour ouvre un œil bleu
les branches effarées se réveillent
d'un long engourdissement
le combat contre la brume opaque peut commencer
la colline hérissée nous donne la force
d'enfin déchirer les pesants nuages
Photo par Gilles Le Corre
« Éclaircie dans les nuages le 23 avril tôt matin »
Courtesy of © Gilles Le Corre & ADAGP
#photo #poésie
bleu blanc gris fondus noyés
le lourd drapeau du ciel
s'abat sur la montagne
la brume basse
renonce à s'élever
et terriblement traîne
les arbres cherchent eux aussi
à respirer la lumière
qui peine à percer les sommets
Photo par Gilles Le Corre
« Montée dans les nuages… dimanche 23 avril 2023 »
Courtesy of © Gilles Le Corre & ADAGP
#photo #poésie
on a parlé toute la nuit
au bord du fleuve autour du feu
assis sur le sable aux grains grossiers
entourés de nos sacs de couchage
que des riens sans importance
des saucisses des silences
le monde on l'a pas refait
juste être là ça suffisait
a-t-elle un instant souri
au milieu de la nuit
au bord du fleuve autour du feu
je ne sais plus
on a parlé toute la nuit
notre histoire était finie
le jour venu
je suis parti
de cette nuit
on n'a plus jamais parlé
jamais plus
Nuages
1
les nuages se dérobent
se déforment s'effilochent
laissent place à d'autres nuages
qui glissent eux aussi
dans le ciel sur l'eau
à la surface de la rivière
à contre-courant
debout au bord
sans mouvement
je regarde passer
le temps qui me reste
2
des fantômes pâles
dérivant à la surface
— nuages sur l'eau
près du bord je vois passer
les ombres du temps qui reste
3
fugaces nuages
sur l'eau noire du ruisseau
images passées
nous sommes obstinés
nous sommes les arbres qui résistent
nos branches se gorgent d’espace incandescent
nos feuillages eux-mêmes
savent braver l'orage
sous la puissance de nos racines
les roches éclatent et se tordent
la falaise se fissure et s'écroule
par une brèche violente
s’ouvre la lumière blanche
Photo par Gilles Le Corre
« Au pied des falaises du Larzac, dimanche 16 avril 2023 »
Courtesy of © Gilles Le Corre & ADAGP
#photo #poésie #nousSommes