pour maiwann
Indifférents aux rafales du vent furieux qui mettent l'herbe en feu Les rochers obstinés et confiants attendent
Photo par @IanCykowski@photog.social, licence CC BY-NC-SA 4.0
pour maiwann
Indifférents aux rafales du vent furieux qui mettent l'herbe en feu Les rochers obstinés et confiants attendent
Photo par @IanCykowski@photog.social, licence CC BY-NC-SA 4.0
la lumière captée par les troncs trace à la craie blanche le contour des rochers sombres
les minces branches et les ronces frisent électriques et résistent à l'ombre du soir
au plus obscur de nos jours des filaments de vie luttent contre la nuit qui vient
Photo par Gilles Le Corre « fin de journée dans la forêt – 24 juin 2023 » Courtesy of © Gilles Le Corre & ADAGP
le ciel mourant veut emmener les nuages dans son sillage
le fleuve au ralenti dans l'estuaire du soir rêve de flamber lui aussi mais l'eau alanguie se ternit de gris
déjà les rives sombres gomment la lumière seul un triste rose adouci va tomber dans la nuit
quelle vie sourd encore sous la vase du jour
comment croire à la puissante tempête qui soulèverait les flots et les vents bien au-dessus des ponts et des quais bien au-dessus de la ligne noire des forêts
Photo par Ian Cylkowski Arnside, Cumbria, Summer, licence CC BY-NC-SA 4.0
je suis la barque insolente qui ne veut pas être à flot je suis la barque qui se braque
je me tiens sur le bord sans redouter la pente je veux rester amarrée au quai de pierre grise pour résister encore à la marée montante dont l'eau à l'éclat trompeur cette flaque indécise et trop lente couvre la vase gluante et sa puanteur
ni beau navire ni bateau ivre je suis la barque en bois sans ambition je méprise le large et je hais l'horizon
Photo par @Azna@framapiaf.org, licence CC BY-ND
une mort grise descend du ciel sur la colline
le village fantôme dévoré de forêts dresse au jour assourdi ses ossements livides
on aimerait croire qu'un maigre ruisseau au creux du vallon fait couler la vie
Photo par Gilles Le Corre « le village de R. sur sa butte et presque dans les nuages, 14 Juin 2023 09h55 » Courtesy of © Gilles Le Corre & ADAGP
cantique des crevasses
crevasses dans la terre sèche si larges que la poussière sous nos pas ne les comblera jamais assez
crevasses dans nos mains entaillées de lignes si confuses que plus personne n’y peut déchiffrer le moindre destin
crevasses dans nos bouches suffocantes lèvres béantes gercées de rage qui saignent sous la morsure de nos dents furieuses
crevasses de nos paroles trous trop pleins de mots dans le chaos burlesque de nos propos
et toi crevasse dans la nuit du cosmos ton vertige sans bornes déchiré d'une traînée d'étoiles blêmes ouvre les pans d'un immense néant
l'orchis lance sa hampe au plus haut flèche traçante de fusée d'artifice chargée de dizaines de graines explosives saluée par autant d'étoiles bleues et vertes du genévrier
puissant élan de la jeunesse qui propulse à la verticale tous les destins possibles
quelle tige unique saura opposer la vie de ses fleurs blanches à la rage des vents aux ciseaux glacés de la grêle
quelle orgueilleuse trajectoire saura résister au temps
seules le sauront plus tard les baies noires du buisson
Photo par Gilles Le Corre « Orchis de bouc poussant au pied d'un jeune genièvre ». Juin 2023 Courtesy of © Gilles Le Corre & ADAGP
il penche
il marche en vacillant un peu il penche côté gauche puis il avance il hésite au pas suivant puis avance encore
la passerelle qu'on appelle dans la ville le pont de fil mais ce sont d'épais câbles en acier qui le tiennent suspendu la passerelle est longue au-dessus des deux bras du fleuve qu'une grande île allongée sépare la passerelle est longue à qui marche avec peine
il marche il vacille un peu puis s'arrête et s'allume une cigarette il regarde le fleuve en bas les faibles eaux qui passent il regarde au loin là-bas du côté de l'autre pont le fleuve qui coule sage entre d'énormes arches de pierre
il avance encore sur la passerelle il ne sait pas vers où il marche ni s'il atteindra l'autre rive
il a quitté au matin l’hébergement d'urgence il marche en vacillant un peu à chaque pas il penche
choses vues du #vendredimanche
digne
à pas comptés le long des fraisiers le chat s'avance pas une patte ne touche la moindre feuille
exactement à l'endroit choisi posé sur son séant il regarde ailleurs très digne en chiant
quelques coups de griffe dans la terre molle suffiront à ses yeux pour masquer son étron
choses vues du #vendredimanche