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21 novembre 2025
J'ai un quart d'heure thé puis le relax groupe senior.
Je finirai ma journée vers 18 h, plus de cours du soir a décrété le boss. Du coup il y a des élèves du soir qui veulent changer d'horaire, ils se débrouilleront, mais ils veulent rester avec moi, c’est drôlement flatteur 😎.
Lundi prochain c’est férié, fête du travail on travaille pas 😅
Comme ça on va avoir un vrai week-end toutes les deux, et il pleuvra pas.
Vivement les vacances de décembre, on ira à l'auberge.
Voilà mon thé qui arrive.
Merci beaucoup madame la secrétaire.
Elle part à la fin du mois, yoko va pouvoir venir la remplacer, elle a hâte elle s'emmerde comme un chien mort.
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23 novembre 2025
Pas de lune.
La nuit n'est pas totale pourtant.
On est assises sur des rochers,
un peu plus bas la plage
sur des kilomètres
vide
l'océan gronde.
Les rouleaux qui ont pris leur élan plus loin que l'horizon viennent mourir presque à nos pieds,
ils se couchent comme des chiens gentils attendant une caresse.
Le vent forcit un peu, il amène une fraîcheur que nous avions heureusement prévue.
A a pris son grand manteau de grosse toile, un manteau de cavalier, et moi mon cher vieux parka qui tient toujours le coup avec sa doublure de laine,à peine usé aux poignets,
aux revers des poches.
Vous savez on est juste en paix
le ciel nous couve
la mer nous salue
la roche nous accueille
une paix universelle
comme si on n'était pas des humaines
des fragments de vie issues de la nature
des soupirs sous les étoiles.
Ciel de nuit
vertige
où est le haut ?
petite petite
j'ai plongé
à l'appel des étoiles muettes
légère légère
la tête tourne un peu
le temps s'est arrêté
seuls ton corps tes mains
chaudes chaudes
me chantent la vie
la mort a cessé de compter les minutes
la mort nous a oubliées
sur un bord perdu de l'univers
entre ciel et ciel
nous nous aimons
oh nous nous aimons
doucement doucement
un infini instant de paix
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24 novembre 2025
#douleur
Je regarde ma princesse, elle est toujours au travail.
Je m'endors vaguement,
et c'est là tout à coup me revient la douleur des brûlures de cigarette.
J'ai dû sursauter.
A me regarde.
Je lui souris, je ne veux pas la troubler, c’est vraiment pas le moment.
Elle me demande si ça va,
bien sûr, je lui réponds en riant
— j'ai presque fini
— prends ton temps
La douleur c’est d'abord violent, ça vient d'un coup puis ça dure, en augmentant
les larmes viennent
pas un son
Je respire plus vite mais avec des moments d'apnée
la douleur atteint un point haut
puis elle s'assourdit, toujours aussi intense mais moins précise, elle diffuse et se met à battre au même rythme que mon cœur.
J'attends la seconde.
On m'a attachée à la chaise, je pousse sur mes pieds et je bascule en arrière ma tête heurte le sol, c’est du béton, je perds connaissance,
c’est fini pour cette fois.
La douleur persistera plusieurs heures en s'atténuant progressivement.
J'ai les marques encore. rondes blanches un peu ridées.
J'en ai une sur la grande lèvre à droite, c’est celle qui m'a fait le plus mal, sans doute à cause de la honte et de l'humiliation qui allaient avec.
Ma princesse a fini.
Je lui dirai plus tard.
Elle est super contente de son travail elle relira demain après le petit déjeuner, et l'enverra au service du ministère.
On va se coucher.
J'ai une goutte de sueur glaciale qui me coule le long du dos.
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27 novembre 2025
Je sors tard, j'ai eu deux consultations plus le check up complet ( j'ai presque repris mon poids normal) — ah c’est super sérieux mon suivi.
Mes médecins trouvent que je me débrouille bien, même si je n’en suis pas encore à aborder de front l'origine de mes troubles, bien que disent-ils, je sache très bien où ça se situe.
Mais j'approche bien trop rapidement pour eux, mais je suis comme ça. Ils appellent ça, je sais pas bien traduire en français, quelque chose comme puissant, je serais avec mes 43 kg quelqu’un de puissant ? Ça me fait un peu rigoler mais ils m’affirment comme ça des choses qui me surprennent beaucoup.
En tout cas je suis scrutée sous toutes les coutures, y compris physiquement, ils me disent c’est aussi important que le mental.
Bon.
À propos de mon prénom.
Je suis née dans une clinique super chic à Paris.
Ma maman m'a déclarée sous un prénom transcrit en français forcément, en japonais il peut s'écrire avec différents kanji.
De retour à tôkyô c’est un moine qui a trouvé les kanji avec lesquels on m’a inscrite sur le livret familial.
Mon père quand il a su que j'étais une fille, il ne voulait pas s'en mêler. J'aurais pu m’appeler numéro 4 c'était pareil pour lui.
Ce que je voulais dire c’est qu’un des kanji de mon prénom, généralement on le comprend comme sincère mais un autre sens plus ancien c’est puissant étymologiquement.
J’ai trouvé que c’est très rigolo après ce que m'ont dit les médecins aujourd’hui...
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28 novembre 2025
on va la tête pleine d'étoiles
par les rues de la grande ville
trois amies dans un moment de grâce
le monde nous l'oublions
il est terrible et triste
la joie qui habite nos cœurs
nous ne voulons pas la salir
là haut la petite lune
entre les nuages
nous sourit
dans sa solitude glacée
elle nous envie un peu
de la main
légèrement
légèrement
nous la saluons
#poésie
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29 novembre 2025
Je finis mon thé puis je redescends.
Il y a beaucoup de monde aujourd'hui, ça sent la fin de l'année scolaire. Les parents viennent voir un peu comment ça se passe ici pour les inscriptions en janvier février...
Terminé !
olala yaura des inscriptions en février on dirait 😎
Il paraît les enfants et les ados font une super publicité autour d'eux 😅
Maintenant on va enfin aller manger, A, T.san l'ex secrétaire, Yôko qui a officiellement les clés, c’est elle qui va fermer la boutique, ka chan et moi.
On s'est quittées, chacune repartie de son côté.
Restent nous deux, on se paye le love hôtel ce soir, demain matin grasse mat´ avec petit déjeuner de reines et baignoire à remous, on se refuse rien, on est fatiguées on a besoin de se dorloter.
Takaichi trouve que les Japonais ne travaillent pas assez.
La plupart n'ont même plus de vie privée, le métro le soir est plein de zombies, mais le matin aussi !
On est en train de tous devenir fous.
Comptez pas sur moi, je veux pas mourir au travail, et je veux pas que ma chérie meure aussi.
C'est dingo que ce soit moi la Japonaise qui la force à ralentir.
La France m'a convaincue de ça, une vraie révolution culturelle, mais j'ai intégré.
Même si c’est vrai que moi aussi je travaille trop, mais il y a un truc quand même, c’est que nous deux on travaille, oui, mais on fait ce qu'on aime faire, alors c’est supportable.
En attendant le bain est prêt, on a une baignoire immense même pour deux !
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30 novembre 2025
On sort du bain
peau douce et parfumée
olala ces enivrant
j'aime tellement ta peau
la douceur ronde de tes épaules
la moelleuses tendresse de tes seins
Mmm
— et puis soudain me revient mon odeur dans le hokkaidô
En toute saison nous avions droit à une douche le dimanche
prise collectivement, sous surveillance
défense de parler, un savon pour 4.
Avant la fin de la semaine, nous sentions mauvais.
Nos vêtement étaient lavés deux fois par mois, nous les portions donc pendant deux semaines, quelles qu'étaient les tâches qu'on nous imposait.
En été la sueur nous les collait au dos.
Nos cheveux étaient sales de poussière et de sueur.
On puait.
C'était exprès.
On nous infligeait tout ce qu'on pouvait sentir comme dégradant et humiliant.
Et ils me réservaient tout ce qui pouvait être de plus sale si possible répugnant, en tant que gosse de haute famille supposée gâtée et dorlotée.
Je devrais être reconnaissante à mon frère de m'avoir endurcie moralement et physiquement.
Je n'en étais pas consciente, c'est maintenant que je m'en rends compte, son éducation à coup de branche d'arc m'avait préparée assez pour tenir le coup.
Ça ne manque pas d'ironie.
#douleur
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1er décembre 2025
On va se coucher de bonne heure.
La vie des Japonais c'est se lever manger travailler manger dormir.
Et encore, ma chérie fait partie des privilégiées et moi aussi, on n'est pas abruties de travail on a le temps de vivre et réfléchir et même de méditer sous les arbres en oubliant de manger.
Je reviens sur ma vie sous l'autorité de mon frère aîné de 6 à 12 ans.
J'y ai beaucoup réfléchi ce matin dans la forêt.
Oui il m'a traitée très durement, trop durement, on traite pas comme ça une petite fille, mais je ne lui en veux plus.
Il n'imaginait pas, il était incapable de réaliser les souffrances qu'il m'imposait, les efforts qu'il me demandait, c'était pour lui quelque chose de naturel c’est ainsi qu'on devait former une fille de samuraï, car c’est ainsi qu'il concevait alors les choses, entièrement sous l’influence de la mythologie familiale.
Il avait 18 ans faut pas oublier.
La brutalité de notre père était la règle à la maison, tout le monde devait s’y conformer, de plus en tant que seule fille de la famille j'étais considérée comme rien, et le fait de vouloir me former aux techniques de combat traditionnelles était une façon de me revaloriser, de me viriliser en quelque sorte, et donc mon frère mettait le paquet pour rattraper l'erreur fondamentale de la nature qui ne m'avait pas donné une quéquette, et de plus m'avait dotée d'un caractère rêveur, comme du reste mon troisième frère et lui aussi avait dû se réformer avant moi.
À douze ans quand j'ai été confiée à mon oncle pédophile, j'étais très en avance pour mon âge dans la maîtrise des deux sabres, comme ces personnages de légende des romans médiévaux.
Et je suis aujourd'hui persuadée que la dureté impitoyable de ce dressage m'a sauvé la vie et permis de supporter trois ans de mauvais traitements dans la secte plus tard.
Je pense que moralement je n'aurais pas pu tenir et sans doute, pas physiquement non plus.
Je vois donc maintenant les six ans d'entraînement forcé d'un autre œil.
Par ailleurs je ne crois plus comme je l'ai supposé un temps que ce soit là que je doive chercher l'origine réelle de mes troubles, ni la négation de la douleur ni le refus de mon apparence féminine.
C’est plus ancien, plus profond, plus refoulé, comme me le suggèrent mes psys et comme ils pensent que je le sais au fond de moi, et que je commence à l´entrevoir après y avoir profondément réfléchi ce matin dans cette séance de méditation particulièrement profonde au point d'en oublier ma faim.
Et je sens un grand soulagement d'avoir définitivement effacé toute rancune à l'encontre de mon frère.
Je crains pour lui qu’il reste beaucoup plus marqué que moi par ces souvenirs douloureux sur lesquels je ne reviendrai plus ici.
Je lui dirai :
« Frangin c’est définitivement réglé pour moi, ces cicatrices-là ne marquent plus mon âme, ne t’en fais pas, tu m'as en fin de compte permis de survivre et je dois t'en remercier, et c’est cela que tu dois maintenant considérer puisque les bienfaits ont compensé les erreurs de jugement. »
La vie
le destin
se rient de nous et nous enseignent à ne pas nous arrêter aux apparences, mais à apprendre à lire les voies compliquées des relations entre les faits.
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2 décembre 2025
Juste un mot sur le racisme.
J'ai pas été discriminée systématiquement en France mais ça fait un sale effet quand on se rend compte que pour les gens qu'on croise dans la rue ou dans les boutiques, on est différente, on est vue comme pas normale, et quand on nous le dit vraiment ça embarrasse.
Toute ta vie tu ne te poses pas la question, puis d’un coup tu sent qu’on te regarde comme un animal étrange, gentiment ou agressivement, c'est pareil.
Chinetoque ou Asiatique tu te sens soudain à part, et vite tu sens que tu es vue comme inférieure.
En plus en France tout le monde me croyait mineure, alors la gentillesse était vécue comme condescendante, je me sentais vue au mieux comme un gentil petit animal qu'on a envie de caresser s'il fait des sourires et des efforts si touchants pour baragouiner le français,
c’est très humiliant vous savez ?
En plus nous les Japonaises on a un gros complexe d'infériorité par rapport aux étrangers blancs, plus grands plus beaux surtout les femmes françaises avec leurs grandes jambes leur démarche de félins et leurs belles dents, nous on marche en canard, on a les dents en vrac (pas moi mais c’est pareil je suis complexée pour les autres)
La France m'a appris ce que c'était le racisme, mais en France j'ai aussi découvert une chose qu’on n’a pas au Japon c’est la tendresse.
Ma maman et ma mamy m'aimaient, c'était même les seules personnes dans mon enfance, mais jamais elles ne m'ont prise dans leurs bras pour me consoler. Elles me parlaient avec douceur et amour, séchaient mes larmes, mais jamais un baiser.
C'est comme ça ici, on ne se touche pas.
On ne s'approche pas de trop près.
Quand la première fois ma nanny m'a prise dans ses bras ça m'a choquée, je ne comprenais pas, j'étais très mal à l'aise.
Je ne dis pas que ce type de rapport entre parents et enfants ou entre adultes n'existe pas ici mais ça n'est pas la règle, loin de là.
Quand tu arrives en France et que pour un oui ou non on veut te faire la bise, je vous jure qu’on a un mouvement de recul, c’est vécu comme une agression, j'exagère pas.
Je voulais juste dire ça.
La France m'a apporté des choses comme ça qui ont pas mal changé ma perception des choses.
Ça fait du bien d'aller voir ailleurs comment ça se passe, je le conseille.
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4 deécembre 2025
Les psy aujourd'hui m'ont dit que j'étais tout au bord de la falaise mais faut pas que j’aie peur de sauter.
Je connais déjà la réponse et je ne veux pas l'accepter parce que ça va inévitablement me questionner après sur moi-même, et je ne veux pas.
Et c’est vrai, je sais ce soir qu’ils ont raison. J’y ai bien réfléchi depuis.
Oui ça y est, je sais, et je n’ai pas envie d’aller plus loin.
Et je sais qu’il va bien falloir le faire, et A sera à mon côté.
Mais je ne veux pas le faire tout de suite.
Je veux d'abord un gros câlin,
gros gros gros,
je veux pas descendre au fond.