Unvarnished diary of a lill Japanese mouse

Okinawa

JOURNAL 14 novembre 2025

J'ai ouvert le paquet : deux cahiers. Au premier il manque les dernières pages et la couverture, Il est sur du papier jauni et fragile écrit au crayon de graphite, elle avait une belle écriture ma #mamy, elle avait eu des cours de calligraphie, pas comme moi. On sent la fille éduquée et cultivée il y a des caractères que je connais pas. La première page est datée 4 juillet 1945 #Okinawa. Il y a son identité. Elle était infirmière avec le grade de caporal. Engagée à 17 ans. Deux ans de formation. Elle en a 19. Elle était affectée à la 32e armée, celle qui s'est rendue le 22 juin je crois à la toute fin de la bataille.

Les premiers mots c'est :

« C’est affreux on nous a menti ça a tué des milliers de gens les Américains font la fête je m'occupe ici des blessés japonais et américains mêmes blessures mêmes souffrance ce sont des Américains qui m'ont recousu le front »

Il y a comme ça une trentaine de pages ça se termine en décembre 1945 comme ça : « On m'a annoncé ma libération je rentre à tôkyô demain personne ne m'attend. »

Le deuxième cahier est beaucoup plus récent. Il y a des notes personnelles sur ma famille... et sur moi entre 4 et 6 ans et la surprise c’est une petite photo sans doute prise à l'école, c’est une petite fille cheveux en bataille un peu coupés courts un regard plein de gentillesse mais en même temps on a impression elle regarde droit dans les yeux sans baisser le regard. Quatre ou cinq ans un uniforme un petit peu en désordre aussi. Oh là là c’est la seule photo de moi que j'ai vue de toute ma vie. Tu parles d’une surprise J’ai des larmes aux yeux c’est ma mamy qui l'avait gardée.

JOURNAL 16 novembre 2025 #mamy

J’ai lu et relu son journal de captivité de 1945. Elle avait 19 ans à la fin de la bataille d’Okinawa, dans l'extrême sud de l'île. Elle était infirmière caporal. Elle avait abrité 3 soldats blessés dans une grotte et une auxiliaire radio qui avait une jambe cassée, elle lui avait fait une attelle avec des morceaux de caisse et des bouts d'uniforme. La 32e armée dont elle faisait partie avait cessé le combat mais elles ne le savaient pas. On entendait encore des tirs et des explosions Elle n’avait plus de désinfectants, plus d´anesthésie, plus rien pour soigner ni pour manger. Puis alors qu'elle risquait un œil dehors un obus avait explosé un peu loin mais quelque chose l'avait touchée au front, elle avait le visage en sang. Son chef avant de l'abandonner lui avait laissé deux grenades pour se tuer et tuer les blessés. La radio qui avait le même âge et comprenait l'anglais avait capté des messages américains qui parlaient des prisonniers japonais, elle pensait que la propagande mentait, que les blessés n'étaient pas achevés et les prisonniers torturés comme on le leur disait depuis des années, alors ma mamy s'est dit qu’elle n’était pas là pour tuer ses blessés mais pour les sauver. Avec son sang elle a dessiné une croix rouge sur un bout de sous-vêtement blanc et l’a accroché à l'entrée de la grotte. Restait à attendre les Américains. Elles étaient à bout de force de toutes façons, rien à manger depuis des jours. Pour boire, l'eau qui coulait sur les parois, c'était tout, aussi pour calmer la fièvre des blessés. S’ils restaient sans soin ils allaient mourir.

C’est le lendemain après — on imagine la nuit d'angoisse — qu’elles entendent des voix. Elles vont vers l'entrée une soutenant l'autre et crient dans leur anglais maladroit hospital here wounded wounded don´t shoot us On leur dit de sortir doucement, un homme crie women women… Elles sortent dans la lumière c’est soit on les tue soit elles sont sauvées et les blessés aussi. Elle note que plus jamais de sa vie elle n'aura fait de paris plus jamais de jeu de hasard.

On ne les fusille pas, on les soigne, et on les envoie vers un poste de premier secours. C’est le premier choc pour elle. Elle était loyaliste et patriote engagée par fidélité à l'empereur, et d'un coup elle comprend que tous ces suicides étaient basés sur des mensonges, elle ne serait pas torturée, pas violée, pas humiliée, les Américains ne sont pas des bêtes fauves. C’est un monde qui s'effondre, une idéologie qui part en miettes. Tout le reste du journal est une réflexion sur le lavage de cerveau, la propagande comparés aux faits. On l'a soignée, nourrie, remise sur pied, et une fois en état on lui a demandé — pas ordonné — demandé d'aider à l'hôpital comme infirmière, et son professionnalisme était reconnu à l’égal de celui des Américaines et Américains . Elle a aidé à soigner les blessés des deux camps. C’est un médecin américain qui s'occupait de son front qui lui a offert le cahier.

Je me souviens d'elle avec toujours un bandeau autour de la tête, je sais pourquoi maintenant, c'était pour cacher sa cicatrice. Elle me manque terriblement ma mamy qui m’apprenait à écouter les arbres, qui me prenait sur les genoux et me faisait des câlins qui n'en finissaient pas. Avec ma maman la seule personne qui manifestait de l'intérêt pour cette petite fille seule.

Oh ma chérie, ma princesse, comme je te suis reconnaissante de me bercer dans tes bras quand je ne vais pas bien et en ce moment c'est souvent, comme ma maman ma mamy ma nanny, sans jamais t’impatienter sans compter ton temps, sans regarder l'heure.

Merci d'avoir lu jusqu'ici pour une fois je parle pas de moi excusez mes maladresses et mes fautes j'ai écrit sans brouillon en résumant le texte de ma mamy qui est bien mieux écrit dans le japonais élégant d'une jeune femme éduquée de la haute société des années 1930's 1940's

#mamy #guerre #okinawa