postface
ma veine temporale
a cogné
bien régulièrement
paupières closes
bouche ouverte
un souffle à peine
m'a suffi
plein de rien délié de tout
je partirai à la renverse
traverser une autre rivière
le temps ne me changera pas
je serai toujours absent
pas de côté
agaçant et délicieux d’être ralenti
par le pas de côté qu'on fait pour s’effacer
quand on se retrouve nez à nez
avec une personne inconnue
qui a fait un pas de côté pour s’effacer
en même temps symétriquement
deux grandes secondes
en souriant un même mot d’excuse
sans pouvoir avancer vraiment
— à moins de l’entraîner
dans un pas de danse
et dans un mouvement tournant
l’embrasser ?
autre temps
nostalgie de la boue à mi-bottes
des glissades dans la gadoue
sous le regard hilare de la mère
qui renonce à gronder
ses enfants débraillés
souvenir des mots tremblés
qui neigeaient en silence
sur des boucles brunes
et des yeux où se noyer
fin janvier d'autrefois
dans la glacière étrange
de ma mémoire imaginée
à Gilles Le Corre
le chasseur de lumières
sait qu'il n'y a pas d'heure ni de lieu
pour apprivoiser la beauté
espérer les rayons rasants
de dix heures du soir en été
qui éclatent encore au sommet des collines
saisir un instant noir et blanc
la lumière capricieuse et mouvante
reflétée par la rivière
surprendre l'éclair de chaleur
espérer le souffle de l'orage
et la terrible blancheur soudaine
de la foudre si près tombée
ne pas éteindre de la nuit
le halo de la lampe
qui veille sur la page pas encore lue
capter la clarté sereine
d'un corps nu en majesté
qui impose au monde
sa splendide impudeur
retrouver l'autre lumière encore
au fond du regard
de celle qui partage avec lui
les jours et les nuits

nous sommes des nuages qui passent
en vain nous tentons d'accrocher notre ombre
aux buissons aux rochers aux brins d'herbe
sur cette pente pas si douce
où les arbres eux-mêmes se penchent
nous ne laisserons pas de trace
Photo par Ian Cylkowski sur son blog ©2022
“passing clouds” CC BY-NC-SA 4.0
#photo #poésie #noussommes

le bol renversé
tord le reflet de la fenêtre
il engloutit dans sa nuit
le dernier éclat d’argent du jour
et le dernier sang du couchant
demain peut-être sera livré
le pauvre secret de son vide
à la journée recommencée
au tintement heureux
qui résonne un instant
dans le ciel du matin
Photo par Gilles Le Corre
Coucher de soleil sur un bol. – Courtesy of © Gilles Le Corre & ADAGP juillet 2022
#photo #poésie

la rivière écumeuse et réticente
voudrait s'accrocher aux rochers
ses eaux sinueuses hésitent
à passer sous l'arche
Photo par Ian Cylkowski sur son blog ©2022
“From the top of Devil’s Bridge…” CC BY-NC-SA 4.0
#photo #poésie

les vieux arbres indomptés
si étroitement liés dans l’ombre confuse
agrippés à la pente de toutes leurs racines
empêchent la colline de s'effondrer
au crépuscule
un dernier et cruel rayon
hache et déchire de lumière la forêt sauvage
avant de laisser troncs et branches
en proie à la solitude
et à la nuit qui vient
Photo par Gilles Le Corre
Une magique forêt… – Courtesy of © Gilles Le Corre & ADAGP juin 2022
#photo #poésie
Sonnet pour celle qui part
Son sillage blanc bien au-dessus des nuages,
Le long-courrier est lourd de souvenirs précieux.
Il porte en lui l'espoir d'un redouté voyage
Vers le pays un temps quitté de ses aïeux
À quoi songe celle qui regarde au hublot,
À l'archipel lointain, au continent quitté ?
Tandis que l'avion l'emmène toujours plus haut
C'est au creux de son cœur qu'elle se sent tourmentée
Cependant dans sa vie désormais une lueur
Éclaircit l'horizon qui commence au levant
Car elle est accompagnée d’un amour fervent.
La petite souris est maintenant princesse,
Avec sa souveraine, pour elle une déesse,
D'un pas plus assuré elle ira au bonheur.