Un blog fusible

pour couper le cirque cuit

postface

ma veine temporale a cogné bien régulièrement

paupières closes bouche ouverte un souffle à peine m'a suffi

plein de rien délié de tout je partirai à la renverse traverser une autre rivière

le temps ne me changera pas je serai toujours absent  

pas de côté

agaçant et délicieux d’être ralenti par le pas de côté qu'on fait pour s’effacer quand on se retrouve nez à nez avec une personne inconnue qui a fait un pas de côté pour s’effacer en même temps symétriquement

deux grandes secondes en souriant un même mot d’excuse sans pouvoir avancer vraiment

— à moins de l’entraîner dans un pas de danse et dans un mouvement tournant         l’embrasser ?  

la lumière enragée perce le bois de son feu jusqu'à l'incandescence du volet chauffé à blanc


Photo par Gilles Le Corre Chaleur – Courtesy of © Gilles Le Corre & ADAGP juillet 2022


#photo #poésie

autre temps

nostalgie de la boue à mi-bottes des glissades dans la gadoue sous le regard hilare de la mère qui renonce à gronder ses enfants débraillés

souvenir des mots tremblés qui neigeaient en silence sur des boucles brunes et des yeux où se noyer

fin janvier d'autrefois dans la glacière étrange de ma mémoire imaginée  

à Gilles Le Corre

le chasseur de lumières sait qu'il n'y a pas d'heure ni de lieu pour apprivoiser la beauté

espérer les rayons rasants de dix heures du soir en été qui éclatent encore au sommet des collines

saisir un instant noir et blanc la lumière capricieuse et mouvante reflétée par la rivière

surprendre l'éclair de chaleur espérer le souffle de l'orage et la terrible blancheur soudaine de la foudre si près tombée

ne pas éteindre de la nuit le halo de la lampe qui veille sur la page pas encore lue

capter la clarté sereine d'un corps nu en majesté qui impose au monde sa splendide impudeur

retrouver l'autre lumière encore au fond du regard de celle qui partage avec lui les jours et les nuits  

paysage de montagne moyenne, pente verte de végétation  avec quelques barres rocheuses en contre-haut, sous un ciel bleu où passent quelques nuages dans l'angle droit

nous sommes des nuages qui passent en vain nous tentons d'accrocher notre ombre aux buissons aux rochers aux brins d'herbe

sur cette pente pas si douce où les arbres eux-mêmes se penchent nous ne laisserons pas de trace


Photo par Ian Cylkowski sur son blog ©2022 “passing clouds” CC BY-NC-SA 4.0


#photo #poésie #noussommes

le bol renversé tord le reflet de la fenêtre

il engloutit dans sa nuit le dernier éclat d’argent du jour et le dernier sang du couchant

demain peut-être sera livré le pauvre secret de son vide à la journée recommencée

au tintement heureux qui résonne un instant dans le ciel du matin


Photo par Gilles Le Corre Coucher de soleil sur un bol. – Courtesy of © Gilles Le Corre & ADAGP juillet 2022


#photo #poésie

la rivière écumeuse et réticente voudrait s'accrocher aux rochers ses eaux sinueuses hésitent à passer sous l'arche


Photo par Ian Cylkowski sur son blog ©2022 “From the top of Devil’s Bridge…” CC BY-NC-SA 4.0


#photo #poésie

les vieux arbres indomptés si étroitement liés dans l’ombre confuse agrippés à la pente de toutes leurs racines empêchent la colline de s'effondrer

au crépuscule un dernier et cruel rayon hache et déchire de lumière la forêt sauvage avant de laisser troncs et branches en proie à la solitude et à la nuit qui vient


Photo par Gilles Le Corre Une magique forêt… – Courtesy of © Gilles Le Corre & ADAGP juin 2022


#photo #poésie

Sonnet pour celle qui part

Son sillage blanc bien au-dessus des nuages, Le long-courrier est lourd de souvenirs précieux. Il porte en lui l'espoir d'un redouté voyage Vers le pays un temps quitté de ses aïeux

À quoi songe celle qui regarde au hublot, À l'archipel lointain, au continent quitté ? Tandis que l'avion l'emmène toujours plus haut C'est au creux de son cœur qu'elle se sent tourmentée

Cependant dans sa vie désormais une lueur Éclaircit l'horizon qui commence au levant Car elle est accompagnée d’un amour fervent.

La petite souris est maintenant princesse, Avec sa souveraine, pour elle une déesse, D'un pas plus assuré elle ira au bonheur.