Un blog fusible

pour couper le cirque cuit

au bord

sur le flanc des varechs la vague fatiguée s'arrête presque sans bruit

j'aimerais voir mes pas laisser leur trace avant qu'elle ne s'efface dans la flaque miroir

perdre au loin mon regard dans l'inutile immensité de l'océan ne rien chercher ne rien trouver me résigner à l'hébétude

parfois par jeu ou colère enfantine je shoote dans le sable et le vent me lance des grains dans les yeux  

je voudrais

un carré de bleu vif par la fenêtre ouverte pour faire entrer le parfum d'un autre matin

la torpeur des rochers sous la pluie pour me donner un peu de leur tranquille indifférence

la largeur d'un sentier de montagne pour entrer lentement dans l'alpage

 

de la pommette au creux des seins du tour du nombril au plongeon des cuisses

le désir descend la ligne d'ombre


Photo ©Patrice Delmotte, “Esther”


sur les flanc pentus de la montagne dans le chaos des fourrés tout au bout d'une absence de sentiers là où l'ombre épaisse de la forêt dresse une sombre scène

qui entendra désormais la profonde rumeur des siècles que de racines en rameaux exhale le plus vénérable ancêtre

l'être vibrant qui venait là prier laisse au vent seul le soin de chanter la sagesse de l'arbre

d'un battement d'aile l'oiseau farouche s'est envolé  

notre vie comme un pas sur le sable laisse une peu profonde trace que la vague du temps efface  

visages

j'interroge tous les visages à peine aperçus dans les rues

visages blêmes ou rubiconds visages absents, agités ou reposés visages aimables et biscornus étranges familiers obscurs énigmes changeantes et fraternelles que seuls les yeux éclairent visages dévorés de regards

océan aux courants incertains ces regards où plonger si profond qu'on pourrait enfin d'un destin à l'autre s’y noyer tout à fait  

nous sommes les arbres du bord de l'eau

à la rivière miroitante de clarté nous apportons l'ombre apaisante

l'eau vibre dans nos racines

le flot lance un frisson jusqu'à nos rameaux

ainsi le chant du courant s'élève dans le vent


Photo par Gilles Le Corre Le ruisseau près du village – Courtesy of © Gilles Le Corre & ADAGP 2022


#photo #poésie #noussommes

à fond

je dévale à toute vibure la rue qui descend vers la boulangerie un chat endormi soudain s'effraie du grondement de ma machine dont les roues parfois couinent sur le macadam j'ai huit ans et je pousse comme un damné sur ma jambe gauche je suis le roi du village sur ma patinette je ne sais pas trop comment m'arrêter et ma vue n'est pas si nette je lâche tout et l'engin s'en va tout seul percuter le monument aux morts pour la patrie nette.  

sous les ronces les plus denses au fond d'un ruisseau obscur sur le flanc du rocher même

à les voir toutes ensemble de bien près chacune est différente

elles se ploient et sans malice se redressent puis s'échappent vers le ciel

pas si folles les herbes vives  

à Neko

que le vent venu de l'ouest enjambe les collines chasse brumes et sombres nuages

et t'emporte vers le jour naissant où l'arbre aux feuilles d'or abritera l'amour de ta vie