sur les flanc pentus de la montagne
dans le chaos des fourrés
tout au bout d'une absence de sentiers
là où l'ombre épaisse de la forêt
dresse une sombre scène
qui entendra désormais
la profonde rumeur des siècles
que de racines en rameaux
exhale le plus vénérable ancêtre
l'être vibrant qui venait là prier
laisse au vent seul le soin de chanter
la sagesse de l'arbre
d'un battement d'aile
l'oiseau farouche
s'est envolé
notre vie comme un pas sur le sable
laisse une peu profonde trace
que la vague du temps efface
visages
j'interroge tous les visages
à peine aperçus dans les rues
visages blêmes ou rubiconds
visages absents, agités ou reposés
visages aimables et biscornus
étranges familiers obscurs
énigmes changeantes et fraternelles
que seuls les yeux éclairent
visages dévorés de regards
océan aux courants incertains
ces regards où plonger si profond
qu'on pourrait enfin
d'un destin à l'autre
s’y noyer tout à fait

nous sommes les arbres
du bord de l'eau
à la rivière miroitante de clarté
nous apportons l'ombre apaisante
l'eau vibre dans nos racines
le flot lance un frisson
jusqu'à nos rameaux
ainsi le chant du courant
s'élève dans le vent
Photo par Gilles Le Corre
Le ruisseau près du village – Courtesy of © Gilles Le Corre & ADAGP 2022
#photo #poésie #noussommes
à fond
je dévale à toute vibure
la rue qui descend vers la boulangerie
un chat endormi soudain s'effraie
du grondement de ma machine
dont les roues parfois couinent sur le macadam
j'ai huit ans et je pousse comme un damné
sur ma jambe gauche
je suis le roi du village
sur ma patinette
je ne sais pas trop comment m'arrêter
et ma vue n'est pas si nette
je lâche tout et l'engin s'en va tout seul
percuter le monument aux morts
pour la patrie nette.
sous les ronces les plus denses
au fond d'un ruisseau obscur
sur le flanc du rocher même
à les voir
toutes ensemble
de bien près
chacune est différente
elles se ploient et sans malice
se redressent
puis s'échappent vers le ciel
pas si folles
les herbes vives
à Neko
que le vent venu de l'ouest
enjambe les collines
chasse brumes et sombres nuages
et t'emporte vers le jour naissant
où l'arbre aux feuilles d'or
abritera l'amour de ta vie
à Neko
notre vie toujours est une forêt perdue
dévastée de coulées de larmes
troncs abattus par la tempête
racines à nu dressées en vain vers le ciel
à quel arbre ancien
confier tes secrets
à quel grand pin
ton chagrin
mais d'autres forêts debout
d'autres arbres t'attendent
tu pars à leur rencontre
pour étreindre encore
les troncs puissants et doux
des hêtres centenaires
pour écouter encore leur voix venue des âges
la rumeur continue des siècles sous l'écorce
et leur sagesse ancienne apaisera ton cœur
au plus lourd du sommeil
la nuit combat la nuit
le temps s'allonge et multiplie
car nos yeux grand ouverts dans le noir
inventent des jours inventent des vies
que le matin ne dissipera pas
le fleuve
traîne sa flemme
sous le gris de la pluie
la nuit
gagne lentement
elle éteint la journée
et sur la passerelle
tendue de câbles vibrants
le vent nous emporte