Je regrette tous les débuts. Ils défilent dans mon esprit, des mois après la fin. Je me dis : j'ai dérivé à partir de ce moment. J'ai encore pris un détour, ma destination s'est éloignée. Je n'ai pas de destination, pourtant je suis persuadée de perdre mon temps.
Ces débuts sont si douloureux en ce qu'ils révèlent des rêves naïfs et volontaires, dont ni le but ni la réalisation ne me satisfont.
Demain, j'irai acheter un nouveau carnet. Simple, sans ligne, pages blanches. Elles ne m'ont jamais effrayé, pas de symptômes, pas de paralysie. Les lignes m'irritent, j'écris mal, n'arrive pas à les suivre dans une calligraphie régulière et élégante. Les lettres sortent un peu différentes à chaque fois et dans des formats irréguliers.
J'admire les bullet journals, les journaux intimes bien tenus et les calendriers faits mains. Mes carnets sont sobres, par manque de talent principalement. Bien incapable d'avoir une organisation quelconque, de tracer joliment les limites des jours, on trouve dans les carnets quelques dessins, quelques photos et puis des ébauches de récits.
Je pense à ma sœur et à tous ses projets. Elle fabrique, coud, remue la terre, achète trop de pommes, en fait des compotes. Loin d'une fermeture autour du monde parfait d'une maison catalogue, c'est une suite de petites réalisations qui forment un ensemble chaleureux.
J'ai pris un bus dans une ville inconnue. Je déchiffre mal les noms qui s'affichent sur les arrêts.
Comme souvent, cela commence par une fuite. “Je viendrai” et je ne viens pas. “Je resterai” et je pars. Cette fois-ci, j'ai quitté une énième soirée étudiante, un apéro, ou peut-être une colocation vide. J'ai sur moi un paquet de cigarettes, des pièces étranges et Radiohead qui me chante comment disparaître. Je suis sorti⋅e de la résidence et j'ai pris le premier bus.
J'aime bien gagner. Je ne fais pas partie de celles et ceux, modestes, qui doutent inlassablement, tentent de choses sans y croire et disent “je ne fais ça que pour essayer”. Je crois à ma chance à chaque fois.
Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. A te regarder, ils s’habitueront.
Quitte ton travail
Impose toi une routine stricte
Fais de la course à pieds
Le gluten tu sais
Est-ce que tu fais du yoga
Tu as lu le dernier d'Emmanuel Carrère, il a comme toi
La ville aussi, c'est pas un bon environnement
Tous ces conseils deviennent des échecs à l'instant même où ils sont formulés.
La ville morte a connu la frénésie du grand départ pré-confinement une nouvelle fois. Des kilomètres de bouchon le long des deux rives ont créé une panique de klaxons et de cris. Deux personnes, casques sur la tête ont couru sur un boulevard entier après un potentiel voleur. Les intersections étaient bouchées par des voitures optimistes qui pensaient “c'est vert je traverse je m'en fous”.
On a acheté des chips et on s'est doucement demandé à quoi allait ressembler cette deuxième fin du monde.
Les figuiers envahissent le village
une racine à la fois
bouffent le béton, s'installent dans les interstices
raclent les fonds
et avancent dans les profondeurs.
Le figuier du jardin
est arrosé une fois par semaine
a plus de lumière que de raison
et pourtant crève
un peu plus tous les mois
Ce blog aborde principalement les thèmes de la santé mentale, la ville et des identités. Un peu de poésie aussi.
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