selmakovich

villemorte

bienvenue 12/100 jours d'écriture

Il parle beaucoup et vite. Il enchaîne les phrases comme des perles, puis les enfile en collier autour de son cou. Sa femme et sa fille sont à côté. La petite mange un petit pot goulûment. Elle aura les cheveux de métisse, il me dit, très bouclés, comme vous. Je souris. D'habitude les gens ne savent pas. D'ailleurs lui-même ne sait pas, ne se pose pas de question, ni sur mes cheveux ni sur ma race, et c'est tant mieux. Il est là pour parler de lui et moi je l'écoute.

Il a trois autres filles, des métisses tout pareil, il précise. Des cheveux magnifiques. Il ne les voit plus, il ajoute rapidement, il n'a plus la garde, depuis le divorce. Avant il était vigoureux, un athlète ! Regardez, il ne reste pas grand chose, à part les cuisses, de ce corps de sportif. C'est un peu la rue, surtout la bière. Il désigne sa bouteille. Il est 10h du matin.

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Les petits font des roues arrière et touchent le néant du bout des doigts, ça leur apprendra me dit une collègue, comme si on pouvait apprendre quoi que ce soit du néant,

il faut ne jamais avoir contemplé l'abîme pour penser que la mort fait grandir, la mort rapetisse, regarde tes fantômes, ils tiennent dans le creux de ta main, minuscules formes évanescentes qui te racontent qu'un jour peut être il y a longtemps, tu as été aimé,

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La ville morte / épisode 17 - Michelle Gurevich et la station essence

Le karcher glisse sur les vitres de la voiture, je reste dans l'habitacle. Michelle Gurevich chante en filigrane. Sa silhouette en noir et blanc danse dans les coulées de savon. Son visage se découvre d'une fenêtre à l'autre. Elle a les yeux fermés, elle me chante un secret, entre deux mouvements, à la fois lents et violents.

Sa voix me berce et me dit : c'est ok de ne pas aller bien.

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La ville morte / épisode 16 - la balance

L'homme pose sa balance sur le banc. “Je pèse le banc” il dit. Ses gestes vont vite, trop vite pour que j'en comprenne le sens. Des chiffres s'affichent sur la balance grise. C'est étrange, je pense. Pourquoi des chiffres sur cette balance. Je crois que c'est cette question qui l'agite lui-aussi. Il pose la balance, se lève, part, revient précipitamment, caresse l'acier de la balance, s'assied, part de nouveau.

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titre en image : La ville morte / épisode 14 - dans une ville inconnue

J'ai pris un bus dans une ville inconnue. Je déchiffre mal les noms qui s'affichent sur les arrêts.

Comme souvent, cela commence par une fuite. “Je viendrai” et je ne viens pas. “Je resterai” et je pars. Cette fois-ci, j'ai quitté une énième soirée étudiante, un apéro, ou peut-être une colocation vide. J'ai sur moi un paquet de cigarettes, des pièces étranges et Radiohead qui me chante comment disparaître. Je suis sorti⋅e de la résidence et j'ai pris le premier bus.

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La ville morte - épisode 13 / la fin du monde

La ville morte a connu la frénésie du grand départ pré-confinement une nouvelle fois. Des kilomètres de bouchon le long des deux rives ont créé une panique de klaxons et de cris. Deux personnes, casques sur la tête ont couru sur un boulevard entier après un potentiel voleur. Les intersections étaient bouchées par des voitures optimistes qui pensaient “c'est vert je traverse je m'en fous”.

On a acheté des chips et on s'est doucement demandé à quoi allait ressembler cette deuxième fin du monde.

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Ce blog aborde principalement les thèmes de la santé mentale, la ville et des identités. Un peu de poésie aussi.

Pour lire la série ville morte, suivez le # : #villemorte – les articles en lien avec la santé mentale : #santementale – les identités / races : #identité – les poèmes : #poesie – le cinéma : #cinema – l'écriture : #ecriture

titre en image - La ville morte / épisode 12 - la police

Elle fume une cigarette devant le poste de police. Ses cheveux blonds cendrés tombent sur des yeux gris. Cernes qui ferment le regard dans un nuage de fumée. Elle parle dans le vide du kit main libre. Ses yeux se perdent dans le vague du gris matinal. Elle fume et ça découpe ses mots d'une manière peu naturelle. Un mot, une bouffée, un deuxième mot une expiration. On se demande s'il y a quelqu'un de l'autre côté des ondes.

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la ville morte / épisode 11 - gare multimodale

“Ici c'est une gare multimodale” dit une petite à sa mère. Les élastiques multicolores de ses cheveux illuminent son visage qui arbore un air docte. Elle saute de son siège et sort du bus avant sa mère. Elle la tire par la main et lui montre qu'elle connaît le chemin vers ce nouveau mot : “gare multimodale”.

En marchant, elle continue : “c'est une gare multimodale car il y a des bus, le métro, des voitures, des vélos, cela permet de connecter les gens qui peuvent aller au travail facilement.” Elle se retourne vers sa mère, ses tresses dansent sur le sommet de sa tête et elle s'exclame “on a vraiment de la chance, maman, d'avoir une gare multimodale vers chez nous !”.

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Titre : la ville morte épisode 10 / la prière

Trois mots sont écrits sur un post-it collé sur un téléphone. L'homme le tient fermement, des petites tâches de buée se forment autour de l'écran. Je ne vois pas quelles lettres se forment dans le griffonnage. Les yeux de l'homme sont plongés dans son reflet dans la vitre du bus. Sa présence se détache et s'efface tout à la fois dans cette fin d'après-midi.

Sur ce bout de papier jaune et lumineux, j'imagine qu'il est écrit un bout de prière. Je veux croire qu'il s'agit de mots magiques, recopiés avec soin, en pensant à un être cher, à une chose minuscule et infime. Le regard de l'homme me dit qu'il aurait besoin de ce bout d'infini qu'on trouve dans la plus insignifiante des choses.

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