Unvarnished diary of a lill Japanese mouse

Les notes du laptop, par NEKO

Joie et tristesse 17 février 2023

Alors on est mariées, tout s'est super bien passé, on voulait que ça reste discret parce que notre frère aîné avait voulu inviter une personnalité, cette personne venant pour une affaire privée, c'était mieux que le mariage se passe pas à l'ambassade mais dans une annexe et que ça se sache pas. C'est un peu exagéré mais bon. Nous on espère que la rencontre avec cette personne peut peut être faire avancer les choses pour les homosexuels au Japon. Ensuite on a fait la fête en famille et c'était très cool Ce qui est moins cool c'est le lendemain matin, on est prévenues que la princesse, la grand-tante de A., est hospitalisée à nouveau, mais ce coup-ci elle est dans le coma et les médecins disent qu'elle se réveillera pas, elle a eu un arrêt cardiaque trop long. Alors changement complet de nos plans, il faut que on vienne à Paris, on attend des places dans un avion, nos bagages sont prêts pour partir aussitôt que les places se libèrent. Voilà. C'est con de revenir en France dans ces conditions, merde, ça fait une drôle de lune de miel, mais on s'en fout, on est très tristes pour ce qui arrive. Ce qui est bien c'est que la princesse a su qu’on était mariées et elle en était super contente. En fait l'anneau que j'ai au doigt elle me l'a offert, c'est celui de sa sœur, la grand-mère de A. Pardonnez moi si c'est confus tout ça, j'essayerai de mettre plus clair plus tard en France. Possible qu'on parte cette nuit, on arriverait à Paris dans la nuit aussi…

Adieu à la princesse

Au revoir le Japon... on embarque. Ça fait bizarre, j’ai ma drôle d'impression de revenir 4 ans en arrière, mais cette fois je suis pas toute seule et je parle français

19 février 2023 On a lu le texte que la princesse avait préparé pour nous en ce cas, c'est très beau, plein d'amour, et très renforçant pour ma A. Ça va lui donner l'esprit dégagé pour prendre les décisions maintenant. Elle avait tout prévu, il faut suivre ses désirs comme si elle était là pour le demander. A est très forte, elle a déjà perdu ses parents et sa sœur, elle ne pleure pas. je l'aime.

On a dormi un peu, on peut pas laisser madame Maria seule non plus, elle a beaucoup de peine. Elle aidait la princesse depuis 10 ans je crois. Il y a aussi des documents, il faut que A lise tout, des trucs juridiques d'assurances et de banque, et aussi pour la suite en cas de décès tout ça...

20 février 2023 Voilà. Le corps de la princesse a cessé de respirer mais son esprit était déjà parti. A est la plus belle personne que j’aie jamais rencontrée je suis fière de marcher dans son ombre, j'espère lui ressembler un jour.

A a fait ce que la princesse demandait, même si on sait qu’il n'y a plus rien à faire c’est pas facile, elle est mentalement très forte, je sais que elle est triste mais elle fait sans trembler ce que elle doit faire. Maintenant il y a tous les trucs administratifs mais Maria est au courant de tout, ça va être moins compliqué. Et la princesse avait tout prévu depuis bien avant qu’on se rencontre, tout arrangé pour faciliter pour A. Je suis morte je vais dormir un peu.

Visite

Cette après-midi A reçoit les visites des amies de la princesse. Je me suis habillée en jeune femme sage pour recevoir les vieilles personnes, même si c’est A qu’elles viennent voir, mais ma princesse veut que je sois bien là aussi, on est mariées plaît ou plaît pas, elle dit. … Les vieilles personnes sont parties c'était très doux leur visite, elles voulaient voir la nouvelle princesse, ça avait un goût très ancien, parce que c’est sans valeur réelle maintenant, mais A est héritière du titre et ces gens étaient heureux que ça continue. On a été très gentil avec moi j'ai été acceptée, ça ne les gène pas les lesbiennes, ce qui les embête c'est pas d'enfant pour la succession de A plus tard... On a bu du thé et aussi de la vodka parce qu'il n'y avait pas de champagne.


Paris, 9 mars 2023

On est rentrées un peu contentes et aussi un peu déçues, moitié-moitié. On rêvait de partir demain mais c’est pas possible. Paris sous la pluie c’est déprimant, sale, d’une saleté collante comme de la résine, pluie noire comme celle d’Hiroshima sans les radiations mais avec la suie. Du coup on a grignoté et au lit, nos pieds jouent entre eux de leur côté sans s’occuper de nous, on est dans l’ombre, juste la lumière qui monte de la rue et le rayon de la tour Eiffel qui tourne, c’est bizarre On ne ferme pas les volets depuis que on est arrivées parce qu’on voit le ciel un peu comme à Ichikawa quand on dort dans la pièce du haut… Dans le lit on est bien, on n’a pas mis le chauffage en rentrant alors il ne fait pas chaud, mais nos petits corps un contre l’autre, ça va, c’est bon, c’est doux, c’est plus vivant qu’un radiateur et plus tendre aussi. J’attends que A ait fini de son côté et je vous laisse. Je vais me blottir encore plus près, plus près de ses épaules, de ses seins… Anyway tant que je suis près d’elle je peux bien être n’importe où n’importe quand. Une nuit de plus ensemble, j’espère juste un petit morceau d’une éternité pendant laquelle nous ne serons qu’un seul être un seul esprit. Ça, ça me va. Je souhaite à tous les êtres sensibles de trouver où de conserver leur complémentaire et de réussir à faire un tout complet comme ça.

Paris, 10 mars 2023 C’est grise pluie dehors, on est aussi bien au lit. Je regarde les nuages au dessus des toits tout est sans couleur. Paris est une ville sans couleur. Je ne suis pas trop en forme alors je vois que le côté triste des choses sans doute, mais je n’ai jamais aimé Paris ce qui est extraordinaire c’est qu’il a fallu que j’y arrive du bout du monde pour rencontrer ma souveraine. La vie joue des drôles de scénarios comme ça. La forêt me manque soudain, c’est comme un trou dans la tête par où rentre le chagrin.

Mes amis, je ne sais pas d’autre mot pour dire que je les aime plus que des amis, ils ne sont pas d’ici. Je veux dire qu’ils n’ont pas un endroit, ils diraient c’est mon pays. Ils vivent dans un monde ou pas beaucoup d’humains n’entrent, il y a des fées et des chevaliers rêveurs, des chats qui parlent et donnent des leçons de philosophie, des oiseaux qui transportent les messages d’un bout de la terre à un autre ou alors jusque au ciel si besoin, des renards gentils, des arbres aussi, attentifs à leurs souhaits…

Je crois que j’ai un peu de fièvre ce soir, j’ai pas bu assez pour être étourdie, du coup j’écris des trucs qui me passent par la tête, je ne sais pas si je devrais… c’est peut-être un peu délirant… C’est mieux que j’arrête.

Je vois tourner le phare de la tour Eiffel dans le ciel brouillé, on dirait les effets de lumière dans un vieux film polar noir et blanc américain. Je vais fermer les yeux en attendant le corps tout chaud de A à côté du mien qui frissonne.

Paris, 12 mars 2023 Un dimanche d'adieu à Paris une nouvelle fois, je ne suis pas triste de quitter Paris. Si demain on termine les putains de démarches on part mardi pour Montpellier Quitter la France et C et G ce sera une autre histoire.


Main dans la main au bord de la Seine, même pas attention aux regards des passants, plusieurs fois on s'est embrassées même, ça vous défrise des filles qui s'aiment ? Vous avisez pas de chatouiller les moustaches de celle-ci, la petite, la petite souris, si vous ne voulez pas la voir dans son rôle le plus féroce de tigresses avide de carnage.

Dîner dans un très petit chinois ou vietnamien gentil patron jeune qui nous sert une soupe aux nouilles parfumée délicieuse...

Occitanie, 15 mars 2023

J’ai l'impression c'est notre première journée détendue depuis notre arrivée en France et se retrouver ici, monter voir la vieille forêt dans la montagne avec A et mes amis, c’est comme dans un beau rêve. En plus, à peine on arrivait en haut qu’il y a eu le soleil, c'était tellement extraordinaire que j’en ai eu les larmes aux yeux (maintenant que je peux pleurer ça m'arrive pleurer de bonheur ). On ne va pas repartir avant la semaine prochaine on est trop bien ici.

Occitanie, 21 mars 2023

C'est une drôle d'histoire on arrive en France parce qu’une vieille dame adorable meurt et pendant ce temps là la France commence à brûler. On va à des manifs, on soutient la protestation, puis il faut que on reparte chez nous. En passant on va voir nos amis, tout ceux qu'on aime ici et on sait pas si on va pouvoir repartir à cause du bordel qu'à foutu Neron dans tout le pays. Quand j’ai quitté la france j’avais l'impression de déserter parce que j'arrivais pas à m'adapter. J’étais pas fière de moi. On a un avion jeudi s’il decolle, j'ai encore l'impression de déserter. La situation ici est encore aggravée c’est de pire en pire et je vais encore me barrer en vous laissant dans la merde. C'est quoi le choix ? on a pas de travail ici, A est reconnue et a un super job au Japon, ou alors on reste et on fait quoi avec nos petites mains ? C’est rageant.

On va passer la journée en forêt, j'ai besoin de respirer et me recueillir (c'est pas possible à écrire, ce mot) j'étouffe. On va rentrer pour l'apéro on est allées loin. Le temps est super pour marcher dans la forêt, pas trop chaud pas trop de soleil. On profite d’avoir un peu de réseau. A a reçu un appel, on avait oublié arrêter les cellphones... presque tout le temps il n'y a pas de réseau ici en haut sous les arbres J'espère vous passez une journée sans violences... Faites attention à vous !

Dehors il tombe des gouttes, arrivées au sol elles dessinent des petits ronds de la taille de petits pois, on peut les compter il n'y en a pas beaucoup c'est bien dommage. On est allées loin en forêt toutes les deux aujourd'hui. On a mangé nos bentos au pied d'un grand pin assises sur des pierres en forme de champignon. Les arbres savent bien qu’en profondeur il y a pas assez d'eau, ça les tracasse car ils ne vivent pas aussi vite que nous, alors ils ont une idée claire du temps long... Pour monter au premier sommet on passe par un endroit où normalement on fait un détour parce qu’il y a 2 sources qui rendent le chemin trop boueux, elles sont a sec depuis l'année dernière, elles ne reprennent pas. Je ne sais pas si les gens se rendent bien compte que c'est super grave le manque d'eau bien plus que le manque d'essence pour faire rouler les autos à 5 places dont 4 vides. Mais merde pourquoi on choisit toujours les mauvais plans ? Les arbres disent on était là avant vous, on sera là après.

Il y a des jours dans ma vie où j'oublie mon passé sans effort, c'est-à-dire il est pas là, je pense pas à y penser si je peux dire comme ça, et puis des jours avec une réflexion idiote faite par une ou un inconnu complet qui ne me connaît pas et qui connaît pas ma vie. C'est donc pas méchant c’est juste con mais ça me ramène à ce que je préférerais oublier. Boum on appelle ça un traumatisme j’en traîne quelques-uns et je ne suis pas la seule alors PLEASE gardez vos idées tordues pour vous MERCI.

Montpellier 22 mars 2023

Alors on est a l'hôtel. C'est moche je croyais au début que ça s'appelait love hotel mais non c’est novotel, quelle connerie. Pour vous déprimer, ce sont des endroits parfaits ces trucs, on n’a qu’une envie’ c'est foutre le camp le plus vite possible. On a mangé des entrecôtes avec des frites, on a payé avec notre carte toute neuve. Bon c'était pas si bien que chez maman Cat mais pas mal. On a bu du vin, on n’en boira pas si facilement au japon. On est tristes de laisser nos amis encore une fois...

Demain il faut qu’on soit à l'embarquement très tôt pour partir à 6 h, alors on va essayer de dormir maintenant, on va avoir plus de 25 heures de voyage c’est dingue, bien plus que pour venir mais on arrivait direct à Paris...


JOURNAL – Ishigawa 28 mars 2023

Il est 10h, avant d'aller dormir je vais essayer résumer ce que mon frère m'a dit aujourd'hui. Je suis désolée je vais encore parler de moi, A me dit que c'est bien parce que je vois plus clair après, c'est un peu une psychanalyse bien que ce ne soit pas son truc.

Alors avec mon frère aîné je discutais de ce que je veux pas me dire succéder à nos ancêtres, que je refuse leur héritage etc. je l'ai déjà raconté. Il m'écoutait sans rien répondre et puis il me dit : « Tu ne peux pas les renier. Tu ne peux pas parce que en fait tu es la seule à mériter de nos ancêtres, tu es la seule à avoir eu une attitude digne dans leur esprit. » Hein hein je ricane… Il me dit : « Oui, tu es la seule à avoir refusé de te soumettre, tu es la seule à avoir conservé ta dignité, tu t'es révoltée seule contre tous et jusque préférer mourir, la seule guerrière authentique de nous tous, nous on s'est soumis on n'a pas résisté à notre père qui n'était pas dans la justice et on ne s'est pas révoltés on n'a pas été dignes et jusque sa mort on est restés soumis alors que c'était un tyran. En fait tu es la seule a avoir gardé ton honneur intact tout le temps dans les pires situations et à être digne du nom que tu ne veux plus porter, et même ça est une preuve de dignité. J'admirais ton courage alors que notre père voulait te faire passer pour folle et je n'ai jamais osé te défendre, pourtant je doutais de sa version c'est de la pire soumission etc. Je te demande encore pardon. »

Je suis restée sciée, je suis encore sciée et ça me retourne complètement. Je ne sais pas quoi penser, je ne peux pas douter de sa sincérité, ce n'est pas un type qui raconte des histoires. Jamais je n'ai pensé les choses de cette façon. Ma princesse me dit que de son point de vue il a raison. Mes frères ont grandi dans le culte du bushidô, de la virilité, l'honneur et tout ce bazar, et là il vient me dire c'est moi qui respecte ce code d'honneur et pas eux, c'est rude parce que moi je vomis ces idées… Vous comprenez que ça me trouble ?


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JOURNAL DU LAPTOP

Stage de kenjutsu à Nara.

Alors mon sensei me demande de venir l’assister à Nara dans un stage de perfectionnement au kenjutsu, tous niveaux. Ma princesse est invitée aussi, mon sensei veut la rencontrer, on logera à l’hôtel parce que chez mon sensei il y a des élèves, on n’a rien à payer. Je ne vais pas rentrer dans tous les détails, ça serait trop long et de toute façon il y a des trucs j’ai pas le droit d’en parler…

Ma princesse a pu assister aux démonstrations publiques (les familles mais pas seulement), une heure chaque jour en fin de journée. Ça l’a passionnée, c’est vrai ça y va. Le reste elle a fait du tourisme avec mon amie, visité les endroits chouettes. Ce n’est pas très beau Nara, quand tu sors de la station c’est même moche, mais il y a des endroits sympas, bien sûr le parc mais pas seulement. On est allées aussi dans ces bars avec les copains que je fréquentais avant de venir à Paris. Bref.

Le premier jour mon sensei me met devant les plus avancés, les plus vieux aussi, la plupart plus âgés que moi, des mecs, et 2 filles sympa, on s’est tout de suite entendues. Mon sensei fait venir le plus avancé, un grand, costaud comme mon frère, on répète les kata et puis après des assauts au bokuto, tout de suite il me prend de haut, en y allant doucement pour ménager la pauvre petite chose fragile. Ça me fait rire en dedans je pense à la petite fille de 10 ans que son frère de 22 avait pas peur assommer… Comme je parade sans effort ça énerve le mâle, il y va de plus en plus, il perd sa retenue et devient violent. J’attendais ça pour le corriger, ça le calme net. Mon sensei ne dit rien et appelle un autre élève et ainsi de suite. À partir de là ça s’est super bien passé. À la fin des 2 heures le premier élève est venu s’excuser, normal, il n’y a plus d’incidents après. Premier test réussi et j’ai pigé que ce stage était aussi pour moi.

La semaine s’est passée comme ça, des sensei de mon école que je ne connaissais pas sont venus aussi aux cours, je sentais que par moments c’était moi qui les intéressais, plus que les élèves, ils me posaient des questions entre les heures, me demandaient des trucs…

On a dîné avec mon sensei, il voulait connaître ma princesse, « intrigué par notre façon de vivre ensemble à 2 filles ». Un vieux renard, tu penses que les histoires de lesbienne il a fait le tour depuis longtemps, en fait il voulait savoir si j’avais dit des choses que je n’ai pas le droit de dire mais qu’on peut raconter sous le coup de l’émotion n’est-ce pas ? Ma souveraine est pas une idiote elle a vite compris, « ne vous inquiétez pas, ma Neko (évidemment elle a employé mon vrai prénom) n’a jamais rien dit et d’ailleurs je ne lui ai jamais demandé, je sais ce que c’est les enseignements de maître à élève » Après, comme il voulait savoir comment je m’entraîne, je lui ai expliqué que depuis que je suis revenue au Japon je n’ai plus de partenaire alors je m’exerce surtout mentalement. C’est très bien ça il a dit. Et on a continué à boire, pas mal, et vers 9h le soir il me regarde avec son œil de renard « bon, maintenant au dojo » On a fait 3 assauts, j’ai bien tenu le coup. C’est un test mental : même bourrée je dois être capable de manier mon sabre. Le premier soir il m’avait dit déjà : c’est bien, toi et lui (mon katana) vous avez la même âme maintenant. C’est un super compliment, venant d’un maître qui en fait très peu.

Le dernier jour il y a eu les séances de coupe, nattes et bambou, certains stagiaires ont réussi pour la première fois, c’est très fort la joie qu’on peut éprouver parce que ça a l’air simple mais non. J’ai passé beaucoup de temps avec les plus jeunes à leur montrer que le sabre c’est pas un bâton pour taper, c’est fait pour couper, ce n’est pas histoire de force mais de vitesse et de geste juste, c’est pour ça que les filles font aussi bien que les mecs. Couper c’est caresser avec le tranchant, balancer la courbe, un geste lisse et régulier, si les mains sont bien placées et les poignets bien mobiles alors la coupe est belle et sans effort, sinon on se fait mal aux épaules et c’est tout. Ça a bien marché la fierté faisait briller des yeux.

Ce que je veux c’est apaiser ma colère, faire le calme de l’esprit, éteindre ma violence. C’est ce que j’ai expliqué avec l’accord de mon sensei. C’est le sabre de paix, j’ai le droit de le dire, c’est la philosophie de mon école. Mon sensei avait choisi ma lame, elle a un défaut infime. Il a redit elle est comme toi, une âme pure mais un défaut. Elle peut couper n’importe quoi mais une erreur elle se brise alors tu ne dois la sortir que pour bien faire. Toi aussi, ta violence peut te briser si tu la laisses te dominer, sois sage, exerce-toi, tu passeras au-delà.

Pendant cette semaine je sais que j’ai passé un examen, je ne sais pas dans quel but, on ne m’a rien dit. A aussi a été testée, c’est bien japonais. C’est comme ça l’enseignement que j’ai reçu, à moi de m’adapter, à moi d’avancer. Que des questions, à moi de trouver les réponses.

Journal 06 Mai 2023

J'écris des grandes phrases etc et j'efface tout parce que c'est con et prétentieux. C'est mieux de parler des 2 femmes nues sur la véranda qui regardent la nuit, échangent des caresses et des baisers et des mots tendres et simples juste comme l'amour. On va à un moment dormir, côte à côte, on a installé les futons dans la grande pièce du bas car il fait pas très beau mais chaud. On a fui Tôkyô et la foule dans les rues, pas croyable, on est mieux ici.

UNE MISSION

9 mai 2023 Alors je m’en doutais, mon sensei avait bien une idée. Il me demande si je veux bien enseigner ma façon de me calmer en me fondant avec ma lame à une jeune fille, une adolescente je crois, qui est devenue violente après une agression. Ça se passerait au dojo de mon frère, je serais payée, c'est une famille comme la mienne, ancienne, puissante etc. J'ai demandé à réfléchir, mais sérieusement puis-je refuser ? En même temps voilà que je doute de moi terriblement… si je ne suis pas capable ?

Bon, alors je vais accepter d'accompagner cette jeune femme dans son chemin pour se réparer Je ferai ce que je peux avec ce que je sais faire et ce que j’ai appris à communiquer en recevant moi-même de mon sensei. Je sais que je ne serai pas laissée toute seule à me débrouiller. On me fait confiance, j'espère être à la hauteur.

10 mai 2023 Je vais rencontrer les parents de la jeune femme. Je ne veux pas jouer la comédie, donc c'est minijupe et sweat féministe Me too. Si ça ne leur plaît pas, on n’est pas faits pour cohabiter et c'est tout. On ne peut pas partir pour un truc aussi grave avec des bases fausses et menteuses.

Donc j'arrive à azabu, les amis c'est le quartier de la très haute, je crois le plus chic et cher de tôkyô... On n’est pas dans le prolétaire ici je vous garantis... Je m’en fous, normalement j'aurais dû être présentée à l'impératrice si je n'avais pas été une gouine folle et pute, rien m'impressionne plus.

11 mai 2023 Bon, alors ça va, on va travailler ensemble pour que leur fille se sente mieux, à MA façon, j’aurais pu arriver avec la culotte sur la tête, ils ont tellement confiance dans mon sensei, puisque c’est lui qui m'a choisie il ne peut pas y avoir quelqu’un de mieux qualifiée, ils pensent. On verra bien j’ai répondu mais je ferai tout pour arriver à ce qu’elle aille mieux dans sa tête, j'ai promis, je me suis engagée c’est pas de la rigolade On se rencontre elle et moi demain après midi au dojo.

12 mai 2023 Je suis en route pour le dojo avec mon équipement, on a rendez-vous dans 1h mais j'ai besoin me mettre dans l'ambiance. J'ai le trac dingo, mais je sais bien que ça va disparaître quand je serai en tenue, après j'improvise.

Première rencontre avec K.

On va dire « K », plein de prénoms féminins commencent par un K.

Je suis arrivée au dojo ½ heure en avance, le temps de me mettre en tenue, hakama et haori avec un T-shirt blanc. Puis K est arrivée, oh là là qu’elle est jolie, un peu plus grande que moi et elle a juste 15 ans, et très aristocrate mais j’ai vu tout de suite son regard d’animal coincé qui ne sait pas par où s’échapper. Je connais Alors je lui ai demandé si elle savait bien ce qu’on allait faire et si elle était d’accord (je résume) — Oui Elle ne fait pas de grandes phrases — Tu me fais confiance ? — Je te connais pas Bonne réponse. — Moi non plus alors on va faire connaissance. On m’a dit que tu es tellement violente que tu n’as plus de partenaires ? — C’est vrai. — Alors montre-moi ta violence. Elle est un peu surprise — Mais on n’est pas équipées ? — Dans mon école on porte pas de protections (j’ai le droit de le dire), c’est sérieux le kenjutsu, c’est pas pour faire joli, alors oui, on se met en danger. Tu peux porter des kote si tu veux pour protéger tes mains mais c’est tout. Elle réfléchit un peu puis me dit : c’est OK comme ça. Je lui précise si tu es vraiment très violente je serai peut-être obligée d’être un peu brutale, ça ira ? — Oui Et on y va. Au début c’est assez cool on travaille les kata puis elle s’énerve, je vois qu’elle ne peut pas empêcher une colère qui la domine et oui, elle est très violente. Elle a un bon niveau mais sa colère lui brouille la technique, ses attaques sont en désordre, n’empêche elle a une énergie dingue, plusieurs fois je suis obligée de parer brutalement effectivement, ça la déroute un peu de se faire bousculer au point de perdre l’équilibre… On est en sueur, les visages rouges, plusieurs personnes ont arrêté leurs entraînements pour regarder cette furie. — Mais tu n’attaques pas, jamais ? — Pourquoi je t’attaquerais ? Ça l’a arrêtée net, puis j’ai vu ses épaules se relâcher, elle avait les yeux brillants mais les larmes ne sont pas sorties, elle est comme moi j’étais, elle ne peut plus pleurer. — Je te demande pardon — Tu n’as pas à me demander pardon, c’est moi qui t’ai demandé de me montrer comment tu étais violente. Silence puis — Tu veux bien m’aider alors ? — Je suis ici pour ça — Je te fais confiance, je te remercie

J’ai regardé l’heure, on avait combattu sans arrêter pendant plus de 30 minutes, mes oreilles bourdonnaient du claquement des bokken et de nos cris, je me suis rendu compte qu’on était épuisées toutes les deux, on est allées à la douche, on a bu un thé ensemble en se racontant un peu, je ne dirai pas les choses intimes qu’on a échangées, sa vie n’appartient qu’à elle, c’est à elle de raconter. Elle m’a autorisé à écrire ça un peu ici, ce que tout le monde peut voir au dojo, en fait. Il y a des choses que je ne dirai pas parce que ça la concerne trop personnellement, et des choses que je n’ai pas droit de dire si c’est de l’enseignement de mon sensei.

On se revoit dimanche, ensuite on fixera un emploi du temps le mieux c’est se rencontrer deux fois la semaine pour commencer, ensuite si on arrive à des résultats on espacera.

Voilà. À suivre.


14 mai 2023 Avec K. ça marche, elle est de si bonne volonté ! On a travaillé les kata avec une vraie lame, à la manière de mon école, donc au ralenti, lentement lentement en décomposant le mouvement, là on voit bien les tensions, et oh là là elle en a des tensions, mais on est obligé s'oublier soi-même et alors elle a senti ça et à la fin – on s'embrasse pas beaucoup au Japon – j'ai eu un bisou. Et ça ma rendue heureuse vous pouvez pas imaginer.

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JOURNAL Une idée du destin

Alors je vais pas trop parler de K. parce que c'est très intime, elle se sent tout à fait confiante maintenant, on se parle très sincèrement, elle sent que ce que je lui montre lui fait du bien. Dimanche on fera des assauts pour voir où elle en est, mais déjà je la trouve moins tendue, moins en position agressive et c'est bien. On va pas passer des années comme ça, c'est une fille forte et courageuse et très intelligente je suis très contente de l'avoir rencontrée, elle va se sortir de sa colère.

Bon, je vais vous parler plutôt de ce qui m'arrive avec ma copine de collège. Je vous ai dit je ne sais pas trop quand que je l'avais retrouvée à tôkyô juste avant mon départ pour la France, elle était soubrette rabatteuse à kabukicho1 et je l'avais remplacée 3 soirs. Il y a une photo floue de moi mais je sais pas où je l'ai mise, c'est le bordel ce laptop je range jamais rien. Alors par hasard il y a quelques jours avec A on la rencontre et on a mangé ensemble maintenant elle travaille pour une boîte de jeux vidéo si j'ai bien compris je connais rien à ça. Hier elle me téléphone pour qu'on mange ensemble ce midi, elle veut me parler. Et voilà qu'elle me dit que quand on avait 13-14 ans elle était amoureuse de moi et que ma disparition du collège l'avait rendue dépressive pour un an. Et à nouveau en me revoyant en 2019 ça lui avait fait un choc et boum voilà que je recommence à disparaître de sa vie, et elle me retrouve encore avec ma princesse et elle se rend compte qu’elle est encore amoureuse, vous voyez le truc ? Elle vit seule, elle n’a pas de petit ami ni amie, en fait elle a eu très peu d'expériences amoureuses et bien sûr elle veut pas gêner mon couple, mais elle voulait juste me dire que elle est toujours amoureuse. C'est dingo non comme histoire ? J'aurai bien pu aussi être amoureuse d'elle, elle est très jolie, intelligente aussi, on était très copines au collège, très proches, mais avec nos familles c'était impossible de se voir en-dehors. Vous vous rendez-compte si ma nanny avait pas été malade et moi confiée à mon salaud d'oncle et ce qui a suivi, ma vie aurait pu être complètement différente ? Je n'aurais jamais rencontré mes amis, jamais rencontré A, peut-être que j'aurais fait des études, j'aurais été présentée à l'impératrice, mariée sans doute avec un héritier ou peut-être pas, alors j'aurai vécu peut-être avec cette amie, comment peut on savoir ? Ma vie maintenant me plaît, je suis vivante, j'aurais pu être morte aussi il y a 9 ans, dans la neige ou au camp cette nuit affreuse, ou tuée par l'ours, je suis tellement heureuse d'être en vie, de vivre, d'aimer, d'être aimée comme j'avais jamais cru possible, alors ces choses n'ont pas pu se faire et cela a ouvert la place pour qu’arrivent d'autres choses qui étaient imprévisibles. Je ne regrette rien de ce qui s'est passé, même les choses les pires m'ont menée où je suis ce soir et je suis heureuse d'être là et pas ailleurs, c'est ce que j'ai dit à ma copine, et elle a bien pris parce que c'est juste je crois. On se reverra, toutes les deux et avec A aussi, il y a pas de raison, l'amour, l'amitié c'est si proche et je veux pas la rendre malheureuse en la tenant à distance. C'est une fille honnête, elle respecte que je sois amoureuse de ma princesse, et elle lui donnera son amitié aussi. Ça m'a quand même drôlement émue ses aveux, c'est pas tous les jours et c'est super touchant comme elle me l'a dit, simplement, avec une larme aussi.

Voila, c'est la dernière aventure de la petite souris à tôkyô.


[^1] Kabukicho est le quartier « chaud » de Shinjuku, à l'ouest de Tokyo. Fréquentable en journée par le grand public, il y règne une atmosphère pour adultes à la nuit tombée

JOURNAL Alors je raconte mon histoire ?

Hier au soir donc nous étions à kabukicho pour aller manger des ramen, on riait ensemble et on ne ait pas attention (erreur) à du bruit venant d'un bar à notre droite. Erreur parce que j'aurais dû passer à la droite de A, côté du bruit, pour la protéger, mais on passe devant comme ça et voilà un grand type avec des gestes qui sort on sait pas d'où et il essaye prendre le bras de ma princesse. Pas de ça, il a pas le temps de voir ce qui lui arrive j'ai sauté dessus. Il avait un grand tube en métal à la main mais il ne l’a pas gardé longtemps puis il se retrouve par terre moi dessus j'allais continuer puis A m'a crié d'arrêter à ce moment-là deux flics sont arrivés et m'ont séparée de lui.

Après c'était le bordel, le patron du bar gueulait (le mec avait cassé une chaise, c'était l'histoire classique dans ce quartier, le bar voulait faire payer un supplément, le mec était bourré etc.) On part tous au poste de police, le mec en sale état il se tenait le bras; il avait le visage qui enflait il voyait plus clair, il était à moitié dans les vapes, ouin ouin.

Après on s'est expliquées, A a fait une déposition comme témoin, il y avait d'autres témoins dans la rue et le bar, le patron du bar a déposé une plainte et le mec est inculpé d'agression avec une arme (le pied de chaise en métal) ivresse et j'ai su ce matin détention de produit illicite je crois c'était du crack. Bon, on rentre avec mon frère, nous pas de problèmes légitime défense et nom magique.

Nuit assez agitée puis ce matin je suis convoquée par le juge d'instruction à son bureau. Là y avait aussi un yankee un peu gêné, on me dit que le mec fait partie du personnel de l'ambassade US il est couvert par l'immunité, on va étouffer ça bien gentiment, le patron du bar est indemnisé en $ , assez pour refaire son bar à neuf je crois bien, moi on me propose aussi une transaction allez vous faire foutre.

Le type va être rapatrié, il est mis à la porte, pas à cause de l'incident mais à cause du crack, je crois bien que les flics US l'attendront à l'arrivée. On me dit je lui ai démis l'épaule et le coude et abîmé des côtes et fendu la joue sous l’œil et cassé le cartilage du nez. Le juge me dit vous avez une licence de kenjutsu, à votre niveau on peut s'attendre à plus de contrôle mais puisque l'homme était armé et vous main nues je considère que c'est équilibré mais je préférerais plus vous voir dans un cas semblable, essayez maîtriser vos nerfs mieux dans l'avenir même pour protéger vos amis ou vos amiEs. Il a insisté bien bien sur le E et sur le Mademoiselle XX… Puis je suis sortie ça s'arrête là, affaire classée. Le patron du bar m'a dit que j'étais invitée permanente chez lui, je m'en fous j'aime pas ce genre d'endroits à bordel il risque pas me voir un jour mais bon. A et mon frère m'ont bien fait la leçon aussi, mais gentiment, mon frère ne me donne pas tort du tout, au contraire, il me dit vu la différence de poids j'étais obligée être violente, c'est pas faux, et A est assez fière de sa sauvage, elle me dit au moins on se sent en sécurité avec moi. Elle a même pas eu peur, cette femme elle sait se tenir c'est incroyable, hier au soir c'est elle qui me calmait, j'étais super excitée, faut que je me passe ce goût de la bagarre que j'aime pas mais c'est plus fort que moi. Peut être en aidant K je vais m'aider aussi, ça serait pas mal.

Une envie de carnage

Bon, ma rage, ma vieille rage c’est la même origine que celle de K. on s'est dit. C’est pas l'agression qui fait le plus mal, ce qui nous met en rage c’est de pas avoir tué les agresseurs, alors on a en nous une violence de frustration terrible et un goût du meurtre, une envie de carnage. Est-ce que le comprendre peut nous guérir ?

Je commence à pouvoir dire des choses.

J’ai toujours honte de m'être laissée tripotée et dépucelée par mon ordure d'oncle et sa pourrie de femme mais je suis folle de rage de pas avoir tué mes violeurs, pas d'avoir été violée, c’est ça qui ne va pas chez moi.

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